LA VIRÉE DES GALERIES

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

Centre canadien d’architecture

Montréal, capitale de pierre

Phyllis Lambert et Richard Pare avaient mené, en 1973-1974, un projet de recherche photographique sur les vieilles constructions montréalaises en roche calcaire, aussi appelée pierre grise. Quatre décennies plus tard, il en découle une exposition qui montre comment la géologie, la topographie, les politiques, la culture et les changements socioéconomiques et technologiques façonnent une cité.

Voilà une exposition qui rassemble. Dans le sens où l’on y trouve à la fois l’art de la photographie, le sens de l’histoire et la densité d’une recherche scientifique. Pierre grise : des outils pour comprendre la ville est un déploiement signé par la directrice et fondatrice du Centre canadien d’architecture (CCA), Phyllis Lambert, en collaboration avec le commissaire international Francesco Garutti, actuellement conservateur Architecture contemporaine au CCA.

Phyllis Lambert s’était demandé, dans les années 70, comment on pouvait distinguer, d’un point de vue historique, l’évolution de la ville de Montréal. À l’époque, elle vivait à Chicago et y avait rencontré un Britannique, Richard Pare, qui faisait une maîtrise en photographie.

« Je lui ai demandé de venir avec moi à Montréal faire un petit projet photographique lors des vacances de Noël de 1973, dit-elle. Et finalement, on l’a fait pendant deux hivers. » 

Leur travail documentaire a mené à la série photographique Greystone (pierre grise). Les deux chercheurs s’intéressaient aux édifices qu’ils photographiaient. Pourquoi avaient-ils été érigés ? Par qui ? Selon les plans de quels architectes ? Qui en étaient les propriétaires ? Qui les occupait ?

« Cela demandait beaucoup de travail, notamment dans les archives et les registres de la Ville ou auprès des services d’incendie, dit Mme Lambert. Cela a pris beaucoup de temps pour digérer tout ça, tant c’était vaste. » 

Le temps a passé et cette étude en profondeur des édifices montréalais construits entre le XVIIe et le XXe siècle dans le Vieux-Montréal et ses faubourgs contigus a vu le jour sous la forme d’une exposition quand Mme Lambert s’est replongée dans ce dossier, il y a deux ou trois ans. Elle tenait à montrer à quel point ces édifices en calcaire sont « magnifiques », dit-elle. 

Photos en noir et blanc

Les photos en noir et blanc révèlent des maisons, des rues et des quartiers. Elles sont accompagnées de l’année de construction des maisons, de leur nom, de celui du propriétaire, de leur fonction et de leur adresse civique. 

On apprend que la pierre grise a été au début privilégiée pour des raisons pragmatiques. D’abord parce que les carrières de ce calcaire de couleur gris foncé pullulaient à l’est du mont Royal et dans Notre-Dame-de-Grâce. Un calcaire qui provient de la formation géologique de Trenton (période de l’Ordovicien, soit il y a 470 millions d’années).

Et aussi parce que la pierre grise était un rempart efficace contre le froid, le feu et les ennemis. « À partir de 1721, à cause des feux, il n’a plus été possible de faire des maisons en bois dans la vieille ville de Montréal, dit Phyllis Lambert. Mais après, bien plus tard, cela représentait quelque chose d’important pour les gens d’avoir une maison en pierre. » 

L’exposition permet de découvrir à qui appartenaient les terres aux XVIIe et XVIIIe siècles, et comment anglophones et francophones se sont répartis dans les quartiers.

« Pour les francophones, la terre représentait des revenus, par l’agriculture mais aussi au niveau foncier, alors que les anglophones, eux, construisaient pour le commerce, comme on le voyait sur le côté ouest du boulevard Saint-Laurent, qui était alors le chemin du Roy. »

— Phyllis Lambert

En 1890, les propriétaires montréalais d’origine britannique ont jeté leur dévolu sur le quartier Saint-Antoine alors que ceux d’origine française se trouvaient plutôt dans les quartiers Saint-Louis et Saint-Jacques, soit dans l’est de la ville, à l’époque.

Des édifices réputés

Quand la Belle Province est passée du régime français au régime britannique, l’architecture a connu une transformation. La pierre grise a été utilisée au XIXe siècle pour les maisons de la place Jacques-Cartier, l’érection de la future basilique Notre-Dame, la Maison de la douane, le marché Bonsecours, le vieux palais de justice, l’édifice de la Banque de Montréal, l’hôtel de ville et l’édifice de Notre-Dame-du-Bon-Secours.

La plupart des bâtiments construits en pierre grise à Montréal sont encore en place. On a cessé d’en construire massivement quand les carrières de calcaire ont commencé à s’épuiser, à la fin des années 1880, mais aussi en raison de l’arrivée d’autres matériaux de construction, favorisée par la construction du chemin de fer continental.

Après 1912, c’est devenu plus rare, explique Mme Lambert. Mais on a continué à utiliser la pierre grise pour les éléments décoratifs des toits et les ornementations des façades. Une caractéristique architecturale qui donne aujourd’hui une véritable signature à Montréal, puisque la métropole possède la plus grande concentration de bâtiments en pierre en Amérique du Nord, selon Phyllis Lambert.

Au Centre canadien d’architecture (1920, rue Baile, Montréal), jusqu’au 4 mars

Mathieu Cardin

Mathieu Cardin est de retour sur les cimaises avec l’exposition La quête du superflu et la Précession de la substance, présentée à la Galerie Nicolas Robert, dans le Vieux-Montréal. Un corpus qui aborde le concept de la précession, soit le changement graduel d’orientation de l’axe de rotation d’un objet, notamment de la Terre. Mais dans ce cas-ci, la précession évoque plutôt l’évolution actuelle de nos perceptions.

À la Galerie Nicolas Robert (10, rue King, Montréal), jusqu’au 13 janvier

Ari Bayuaji

Après avoir exposé à la Galerie René Blouin, en 2015, et lors de deux résidences au Musée des beaux-arts de Montréal et à la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, en 2017, l’artiste montréalais d’origine indonésienne Ari Bayuaji présente ses créations au Conseil des arts de Montréal, dans le cadre d’un projet de résidence artistique avec le Musée des beaux-arts de Montréal. Une présentation mêlant les références à son pays d’origine à celles issues d’autres cultures.

À la Maison du Conseil des arts de Montréal (1210, rue Sherbrooke Est, Montréal), jusqu’au 24 janvier

Le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine

L’Atelier d’histoire Mercier–Hochelaga-Maisonneuve présente l’exposition Le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, 50 ans d’histoire entre deux rives, à la maison de la culture Maisonneuve. Le pont-tunnel a été inauguré il y a quelque 50 ans, le 11 mars 1967, peu avant Expo 67. Symbolisant une rupture entre un passé traditionnel et un avenir émancipé, l’ouvrage d’art a représenté un virage dans l’histoire de Montréal, notamment pour son développement. L’expo retrace la conception du pont-tunnel, le déroulement de sa construction et ses impacts pour la population locale.

À la maison de la culture Maisonneuve (4200, rue Ontario Est, Montréal), jusqu’au 21 janvier (du jeudi au dimanche de 13 h à 17 h)

Anselm Kiefer à New York

Le Metropolitan Museum of Art de New York expose, jusqu’au 8 avril au Met Breuer, 35 œuvres sur papier et une peinture de l’artiste allemand Anselm Kiefer issues de la collection du Met et couvrant près de 50 ans de sa carrière. Intitulée Provocations : Anselm Kiefer at The Met Breuer, l’exposition évoque les confrontations que l’artiste a provoquées avec son propre passé et celui de l’Allemagne.

Provocations : Anselm Kiefer at The Met Breuer, au Metropolitan Museum of Art de New York (945 Madison Avenue, New York), jusqu’au 8 avril

Paul Jolicoeur

La galerie Art Dépôt, à Sutton, expose jusqu’à dimanche une trentaine de photographies de Paul Jolicoeur réalisées au Sénégal lors de plusieurs voyages effectués depuis sept ans. Un reportage au cœur d’un quartier de pêcheurs de la ville de Saint-Louis, qui révèle la population locale et son environnement. Des photographies parfois impressionnistes, avec de fins jeux de lumière et un travail de cadrage souvent très pictural.

Impressions sénégalaises, de Paul Jolicoeur, à la galerie Art Dépôt (4, rue du Dépôt, Sutton), jusqu’au 7 janvier

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.