Commerce de détail

Les fournisseurs sont déçus, mais pas surpris

La décision du grand détaillant américain Target d’abandonner sa coûteuse expansion au Canada déçoit évidemment beaucoup de ses fournisseurs de biens et services.

Mais sans les surprendre, cependant, parce que les difficultés de développement et les pertes d’exploitation de Target au Canada étaient pressenties depuis des mois dans tout le secteur des gros détaillants.

À un point tel, d’ailleurs, que des analystes boursiers spécialisés en commerce de détail indiquaient hier que la disparition prochaine de Target du marché canadien aura un impact « très modeste » sur ses principaux concurrents.

Parmi les fournisseurs de Target Canada, et désormais créanciers selon le processus de liquidation sous protection judiciaire amorcé hier en Cour de l’Ontario, on ne connaît pas encore l’ampleur des comptes finaux à régler au cours des prochaines semaines.

Selon les documents préliminaires déposés en cour, la société mère de Target aux États-Unis se prépare à radier au moins 600 millions US en stocks de marchandises dans sa filiale canadienne.

Mais l’impact final de cette radiation d’actif s’annonce minimal parmi ses fournisseurs, comme la montréalaise Gildan, un important fabricant de t-shirts, chaussettes et sous-vêtements.

« Bien que nous soyons un fournisseur, l’annonce faite par Target Canada aujourd’hui n’a aucune incidence significative sur notre société. »

— Geneviève Gosselin, directrice des communications de Gildan

N’empêche, chez d’autres fournisseurs d’importance comme les pharmacies Brunet, une affiliée de Metro qui a ouvert des franchises dans 14 magasins Target au Québec, ou encore le groupe alimentaire Sobeys/IGA, qui était fournisseur et gestionnaire attitré du secteur alimentaire chez Target, on ne cachait pas sa déception face à cette fin abrupte des activités.

Chez Sobeys/IGA, on indiquait hier à la direction québécoise de cet important distributeur et détaillant en alimentation que « nous avons été déçus d’apprendre la nouvelle. Nous avons connu une relation d’affaires productive avec Target Canada depuis l’annonce de notre entente de distribution en gros en 2011 visant à approvisionner le réseau canadien de Target, principalement en produits réfrigérés et surgelés ».

Quant à l’impact de cette fermeture sur les prochains résultats de Sobeys/IGA, on indiquait tout au plus que « nous sommes en mesure d’affirmer que la perte de ce compte de gros n’aura pas d’effet important sur nos résultats ».

EXISTENCE TROP BRÈVE

En fait, comme dans ses autres secteurs de vente, l’existence de Target au Canada dans l’énorme marché de l’alimentation aura été trop brève et trop faible pour avoir eu un effet notable.

Selon l’analyste Peter Sklar, spécialiste du commerce de détail chez BMO Marchés des capitaux, les ventes alimentaires de Target étaient d’à peine 300 millions, sur une base annualisée.

C’était très inférieur aux attentes, mais aussi minime par rapport aux 100 milliards de l’ensemble du marché alimentaire au détail au Canada, note l’analyste dans un avis publié hier pour les clients-investisseurs de BMO (Banque de Montréal).

À la direction de Metro, pendant ce temps, on préférait décliner pour le moment tout commentaire sur l’impact de la fin du partenariat de sa filiale Brunet avec Target pour l’exploitation de pharmacies en franchise dans ses magasins au Québec.

« Nous n’avons pas encore en mains les documents officiels et les informations nécessaires pour commenter la suite des choses avec nos franchises Brunet dans les magasins Target. Tout ce que nous voyons aujourd’hui, c’est l’aboutissement de la situation difficile chez Target. »

— Marie-Claude Bacon, directrice du service des affaires corporatives chez Metro, qui détient l’enseigne Brunet par l’entremise de sa filiale McMahon en distribution pharmaceutique

À l’annonce du partenariat entre Brunet et Target, en mai 2014, les dirigeants de McMahon et de Metro prévoyaient ouvrir au moins 18 pharmacies en franchise dans le réseau de 26 magasins Target au Québec.

En date d’hier, 14 pharmacies Brunet étaient en exploitation chez Target, soit 12 avec de nouveaux franchisés de l’enseigne et 2 avec des franchisés existants.

Il y a quelques mois, en commentant des résultats trimestriels de Metro, son président et chef de la direction, Éric La Flèche, avait exprimé sa déception envers les premiers résultats des franchises Brunet dans les magasins Target.

« Il y a clairement des problèmes d’achalandage dans les magasins Target. Nous ne sommes pas où nous voudrions être », avait-il indiqué lors d’une téléconférence d’analystes.

Mais encore hier, en commentant l’impact de la fin prochaine de Target au Canada sur les autres détaillants d’envergure, l’analyste David Hartley, spécialiste des détaillants chez Credit Suisse à Toronto, a indiqué dans une note à ses clients-investisseurs que « dans le marché de la pharmacie et des prescriptions, les volumes étaient très faibles chez Target et que, par conséquent, l’impact sur Metro et sa filiale Brunet devrait être insignifiant ».

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