Chronique

Un principe à 2 $

Vivre en CHSLD n’est pas gratuit, chaque résidant doit payer un « loyer » selon ses revenus, le maximum tourne autour de 1800 $ pour une chambre individuelle.

Plus vos revenus sont élevés, plus vous payez.

Logique, non ?

En principe, oui. Mais la logique, quand on navigue dans les méandres de la bureaucratie, en prend souvent pour son rhume. Ainsi, il arrive que le loyer augmente plus que les revenus. Et que des personnes qui reçoivent un peu plus d’argent, en raison de l’indexation, notamment, perdent au change.

C’est arrivé à la mère de Michel Fauteux, dont il est le mandataire. La pension de vieillesse de la dame a été indexée cet été, une augmentation de 8,98 $, et sa contribution a été révisée. On a appliqué la grille de la Régie de l’assurance maladie du Québec, la calculatrice a tranché, le « loyer » a augmenté de 10,98 $.

Je vous entends, c’est juste deux dollars. « Ce n’est pas une grosse somme, mais il reste que la situation est absurde. »

Et la mère de Michel n’est pas seule dans cette situation.

« Selon ce que je comprends, toutes les personnes qui sont en CHSLD public et privé conventionné, qui ne paient pas le maximum du montant fixé par la RAMQ pour une place en CHSLD et qui ne reçoivent pas le maximum de la pension de vieillesse du Canada, voient leur revenu net diminuer toutes les fois qu’il y a une augmentation de la pension de vieillesse du Canada. »

On a expliqué à Michel qu’on n’y pouvait rien, qu’on ne faisait qu’appliquer l’article 367, qu’on était bien conscient que ça ne fonctionnait pas.

Le problème est connu, donc.

« La commissaire aux plaintes de la RAMQ m’a suggéré d’adresser ma plainte à d’autres instances, dont le Protecteur du citoyen. Ce que j’ai fait. La personne à qui j’ai parlé au Protecteur du citoyen m’a indiqué qu’elle connaissait cette problématique, qu’elle trouvait la situation très problématique, pour ne pas dire absurde, et qu’elle suivait le dossier. Il semble que ce problème dure depuis longtemps et que rien ne bouge. »

Ça fait beaucoup de 2 $.

Michel a demandé à la RAMQ de réviser la contribution de sa mère. Impossible. « La commissaire aux plaintes de la RAMQ m’a indiqué, le 17 août dernier, qu’il était totalement inutile de demander une révision auprès de la RAMQ. Voici, plus précisément, ce qu’elle m’écrivait : “À chaque indexation de la Pension de sécurité de vieillesse, plusieurs personnes hébergées voient leur contribution augmenter de façon plus importante que l’augmentation de leur pension. Plusieurs s’adressent à la Direction de la révision de la Régie, qui maintient toujours la contribution calculée par le Service de la contribution et de l’aide financière. […] Des modifications réglementaires ont été proposées au ministère de la Santé et des Services sociaux pour corriger cette situation.” »

Qu’est-ce qu’a fait Michel ? Il s’est tourné vers le Ministère.

Il a envoyé par courriel une lettre très polie dans laquelle il expose la situation, grille de calcul à l’appui. Une attachée politique lui a répondu. « Je vous confirme que la RAMQ nous a présenté un nouveau calcul à la contribution des adultes hébergés, des analyses sont toujours en cours et se poursuivront dans les prochains mois. Nous désirons ajuster cette contribution de façon équitable et juste pour tous. »

J’ai aussi posé la question au Ministère. La réponse que j’ai reçue est encore plus vague. « Une réflexion générale sur l’ensemble des tarifications est en cours. »

Bon.

Et quand verra-t-on les fruits de cette réflexion ? On ne m’a pas répondu.

À la RAMQ, on attend aussi. « La grille de calculs de la Régie est basée sur des paramètres fixés par le MSSS. Ce dernier est au courant de la problématique et poursuit sa réflexion sur la tarification. Entre-temps, la Régie doit continuer d’appliquer les règlements en vigueur depuis 1999. La Régie les modifiera lorsque les paramètres seront revus. »

Re-bon.

Et pendant qu’on analyse et qu’on retourne dans tous les sens un problème qui ne me paraît pas si sorcier, on applique la bonne vieille grille. La grille de la RAMQ qui fait en sorte que des centaines de Québécois sont un peu plus pauvres chaque fois que leur pension de vieillesse augmente.

De quelques dollars, mais quand même. Ça fait ça de moins pour payer ce qui n’est pas compris dans le loyer, comme la télévision, le téléphone, les services de coiffure, le nettoyage à sec, la plupart des articles de soins personnels.

Et les douceurs, comme une « petite liqueur ».

Devant cette fin de non-recevoir, Michel a répondu par l’absurde à l’absurde. Il a écrit à Service Canada. « Afin d’éviter l’effet pervers de l’augmentation de la pension de vieillesse sur l’augmentation de la contribution en CHSLD de ma mère et, conséquemment, sur son revenu net, je vous demande de cesser d’augmenter sa pension de vieillesse et, surtout, de cesser d’augmenter le montant maximal qui peut lui être versé. »

Vous voyez l’ironie ? Grâce au ministère de la Santé, Ottawa épargnerait de l’argent et Québec se retrouverait Gros-Jean comme devant.

À faire les frais de « loyers » qui n’augmentent plus.

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