PSYCHO

Plus de petits bonheurs, moins de pression

Elles sont françaises, pleines de vie et très complices. Audrey Akoun est thérapeute cognitivo-comportementaliste et Isabelle Pailleau, psychologue. Ensemble, elles ont fondé l’organisme La Fabrique à bonheurs, qui propose des ateliers de pédagogie positive visant à redécouvrir le plaisir de l’apprentissage et du travail. Elles ont écrit Je dis enfin stop à la pression, cinq étapes pour se libérer de cette pression envahissante qui est parfois destructrice. Rencontre avec deux femmes qui ont choisi de vivre librement, sans pression.

D’où vient cette si grande pression ?

Audrey : Il y a la pression sociale, la pression des modèles et des croyances qui viennent de notre éducation. On a la pression de la performance et de la perfection dès l’enfance. Au bout d’un moment, on l’intègre nous-mêmes, ou alors on la rejette à l’adolescence. Nous sommes pris au piège entre une envie de réussite sociale et une quête du bien-être et d’harmonie.

Isabelle : Nous ne sommes pas éduqués dès l’enfance à prendre soin de soi. On dit toujours aux enfants qu’ils doivent penser aux autres, être gentils avec les autres, mais c’est vraiment une chose à mettre en place que de leur dire de penser à eux aussi ! On ne peut pas dire oui à tout et passer au second plan tout le temps. 

Vous voyez que les familles en souffrent ? 

Audrey : La pression de la société d’aujourd’hui, qu’est-ce que c’est ? On nous fait croire que pour être bien et heureux dans notre vie, il faut avoir la super belle maison, le corps parfait, les vacances incroyables, de l’argent, le conjoint adorable, les enfants superbes, on nous fait miroiter un modèle d’excellence qui n’est pas réel. L’écart entre ce qu’on est vraiment et ce besoin d’excellence est trop grand. On voit les gens qui n’y arrivent plus, qui travaillent comme des fous, qui courent après l’argent et se mettent encore plus de pression.

La pression de la réussite est-elle donc trop grande ?

Isabelle : Cette pression de réussite pollue les familles. Dans notre cabinet, on a commencé à voir que la pression augmentait sur des enfants de plus en plus jeunes. On voit des mères paniquées qui disent : « Mon fils ne sait pas lire, qu’est-ce que je fais ? » Attendez, il vient d’entrer à l’école ! Plus vous allez mettre la pression sur un enjeu de réussite et de performance, moins ça va fonctionner. C’est inquiétant de faire subir ça aux enfants. La course à la réussite absolue chez les enfants, au bout d’un moment, ça va exploser. Quelles sont les priorités ? C’est la question qu’il faut se poser.

Audrey : Ce qu’on voit arriver à notre cabinet, ce sont de jeunes parents dans la trentaine qui ont un beau parcours professionnel et, comme de bons petits soldats, ils ont toujours fait ce qu’on leur demandait et ce que la société exigeait d’eux. Ils ont de belles études en poche, un bon travail, un beau mariage, de beaux enfants, mais vers 35 ans, rien ne va plus ! Ils sont épuisés. Ils remettent tout en question, se disent qu’ils sont passés à côté de ce qu’ils voulaient vraiment dans la vie. Et ils pètent les plombs ! Ils explosent. Moi-même, j’ai fait sept ans de droit pour devenir notaire pour que mes parents soient fiers de moi ! Et finalement, j’ai fait autre chose. 

Qu’est-ce que veut dire « fabriquer des petits bonheurs » ? 

Isabelle : Fabriquer des petits bonheurs, ce n’est pas parce qu’on ne croit pas au grand bonheur ! C’est d’être capable de vivre des petits bonheurs au quotidien, qui se transforment en joie de vivre. Être capable tous les jours de s’émerveiller pour un rien, que ce soit un rayon de soleil ou une rencontre. Profiter des petits instants, par exemple, au lieu de tirer son enfant par la main pour l’emmener à l’école, partez cinq minutes plus tôt et vous allez pouvoir discuter avec lui le long du chemin, et vous donnerez une saveur plus agréable à votre journée. 

Audrey : Plus on s’entraîne à voir et à profiter des petits moments de bonheur, et plus on sera stimulé à en vivre davantage. Dans une même journée, on peut avoir vécu une expérience triste, mais en même temps vivre quelque chose de positif. Par exemple, depuis que nous sommes à Montréal, comme je n’ai pas du tout le sens de l’orientation, on se perd beaucoup, ce qui énerve Isabelle ! L’art de fabriquer des petits bonheurs, c’est de se dire que malgré cela, on a découvert des endroits et des quartiers formidables que nous n’aurions jamais vus si on se s’était pas perdues. C’est ça, la capacité de s’émerveiller ! 

Êtes-vous optimiste ?

Isabelle : Oui, je suis foncièrement optimiste, car de ces prises de conscience émergent d’autres choses. On voit qu’il y a d’autres envies et que le vieux modèle d’efficacité et de performance, comme le fait de vouloir gagner beaucoup d’argent à tout prix, n’a plus la cote. Les jeunes ont envie de prendre le temps de vivre et on se rend compte qu’ils vont vraiment changer la façon de gérer dans les entreprises. 

Audrey : Avec la génération Y, on se demandait déjà dans les entreprises comment les gérer ! Ils ne sont pas très serviables, font ce qu’ils veulent, ont beaucoup d’activités et de temps libre, et attention, les Z arrivent ! Ce sera pire ! Cette génération va forcer les dirigeants à changer leur modèle, ils ne pourront pas faire autrement. Les nouveaux dirigeants vont devoir s’adapter, car de toute façon, les jeunes qu’ils embauchent, s’ils ne sont pas contents, ils s’en vont ! S’ils veulent les garder, ils doivent mettre en place des méthodes de travail plus ludiques et créatives pour le bien-être des employés. Avec ce mieux-être, il est prouvé que les gens sont plus efficaces et plus productifs. 

CINQ ÉTAPES POUR SE LIBÉRER DE LA PRESSION

S’AFFIRMER L’affirmation de soi, c’est savoir exprimer son opinion, ses sentiments et ses besoins. C’est souvent difficile pour plusieurs d’entre nous, n’ayant pas été autorisés à parler de nos sentiments ou de nos besoins. S’affirmer, c’est oser dire ce qui est bon pour soi-même et écouter ses besoins et désirs profonds. 

ACCEPTER D’ÊTRE IMPARFAIT La perfection nous énerve autant qu’elle nous attire. Accepter d’être imparfait, c’est se libérer du jugement des autres, s’accepter tel que nous sommes et tirer des bénéfices de nos imperfections. 

PENSER ET ORGANISER SON TRAVAIL AUTREMENT Il est difficile de lutter contre la pression de la réussite et de la performance. Travail, famille, amis, loisirs, activités… demander de l’aide n’est pas un aveu de faiblesse. Il est temps d’apprendre à déléguer et à solliciter l’aide de votre entourage pour faire baisser la pression. 

ÊTRE AUTHENTIQUE Être honnête avec soi-même en reconnaissant ses qualités et ses défauts. S’autoriser à vivre ses rêves et ses passions et se libérer des petites voix qui nous ont freinés, d’une fausse image de nous-mêmes. Prendre la responsabilité de son bien-être. 

FABRIQUER SES PETITS BONHEURS Qui n’a jamais cherché le grand bonheur ? La société nous renvoie une image idéale du bonheur, mais il se cache dans les petits détails d’une journée, dans la capacité d’émerveillement que nous avons. Dans des questions comme celles-ci : Qu’est-ce qui m’a fait rire aujourd’hui ? De quoi suis-je fier aujourd’hui ? Qu’est-ce qui m’a enthousiasmé, excité ou inspiré aujourd’hui ?

Je dis enfin stop à la pression

Audrey Akoun

Isabelle Pailleau

Éditions Édito

22,95 $

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