Chronique

Le 91,9 Sports peut-il survivre ?

« Saluuuuuuut, les gars ! »

C’est Michel Therrien qui parle. Sa voix grave chasse la musique de mes écouteurs.

Il est 16 h 25. L’heure de sa chronique quotidienne au 91,9 Sports. C’est devenu un incontournable de ma journée. Dix minutes bien remplies d’anecdotes et d’informations privilégiées sur les joueurs et les dirigeants que l’ancien entraîneur-chef du Canadien a côtoyés. Le tout raconté avec franchise et générosité. De la très bonne radio.

C’est à cette tribune qu’on a appris la semaine dernière que Marc Bergevin aimait assister à la rencontre matinale de ses entraîneurs. Ou encore les raisons pour lesquelles le Canadien a préféré le gardien Dustin Tokarski à Peter Budaj en finale d’association en 2014. Une rare fenêtre ouverte sur ce qui se passe vraiment dans les coulisses étanches du Centre Bell.

Malheureusement, les rideaux pourraient bientôt être tirés.

La seule station francophone 100 % sports à Montréal pourrait changer de vocation dans les prochaines semaines.

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Dans le portfolio de RNC Média, le 91,9 Sports est un canard boiteux. La station accumule les déficits depuis son lancement, en 2015. Elle peine à s’imposer comme incontournable, tant auprès des agences de publicité que des amateurs de sport – plus nombreux chez le concurrent, au 98,5 FM.

En août dernier, RNC Média a donc décidé de vendre le 91,9 Sports et CHOI-FM, à Québec. L’acheteur, Leclerc Communication, a le vent dans les voiles. En seulement sept ans, les frères Jean-François et Nicolas Leclerc ont réussi à propulser leur chaîne WKND au premier rang à Québec avec une offre musicale différente. Leur intention est d’importer le concept de WKND à Montréal sur l’antenne du 91,9.

Pour cela, ils ont besoin de l’autorisation de l’organisme fédéral responsable des licences radio, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

Les audiences ont eu lieu hier à Québec. Rien ne laisse croire que le CRTC bloquera le changement de vocation de la fréquence 91,9 vers une radio musicale. Mais il pourrait refuser la vente, car Leclerc Communication serait propriétaire de trois stations à Québec – une de plus que la limite normalement permise dans un marché.

Deux scénarios sont possibles.

Le CRTC dit oui : le 91,9 Sports devient une radio musicale.

Le CRTC dit non : RNC Média conserve le 91,9 Sports.

Mais même dans le deuxième scénario, quelles sont les chances de survie du 91,9 comme station sportive ?

J’ai posé la question à plusieurs experts. Certains travaillent dans le milieu de la radio, d’autres, en publicité et marketing. Les avis sont partagés.

Les optimistes notent que le 91,9 Sports est encore une start-up. Une entreprise en démarrage a besoin d’investissements importants au moment du lancement, ce qui réduit ses chances de générer des profits. Plus les cotes d’écoute augmentaient, plus la situation financière s’améliorait. Cet automne, la station a atteint 2 % de parts de marché, avec environ 102 000 auditeurs uniques par jour. C’est comparable à ICI Musique, de Radio-Canada. Le temps d’écoute moyen par auditeur est aussi parmi les plus élevés de l’industrie.

Considérant que la station sportive anglophone TSN Radio obtient environ 3 % de parts du marché anglophone et que le 91,9 est pauvre en propriétés sportives – il n’a que les droits du Rocket de Laval –, il y a encore beaucoup de place pour la croissance, estime-t-on.

Les pessimistes partagent plutôt l’avis de RNC Média : sans propriété sportive majeure (lire le Canadien), le créneau occupé par la station est trop étroit. Le marché publicitaire a beaucoup évolué depuis le lancement du 91,9 Sports. Les annonceurs qui souhaitent rejoindre l’amateur de sport âgé de 25 à 54 ans ont plusieurs autres options. Des choix évidents, comme RDS, TVA Sports ou le 98,5 FM (en soirée), mais aussi les autres médias de masse capables de segmenter leur auditoire, ainsi que Facebook et Google. Ça fait beaucoup, beaucoup, beaucoup de concurrence pour une station qui obtient entre 2 % et 3 % de parts de marché. La portée n’est tout simplement pas assez grande.

Pour augmenter l’auditoire, ça prend des vedettes et des droits de radiodiffusion de clubs majeurs.

La station compte plusieurs animateurs et chroniqueurs de grande qualité. Il reste que les deux têtes d’affiche de la station, Enrico Ciccone et Jean-Charles Lajoie, ont quitté l’antenne ces derniers mois.

D’autre part, le 98,5 FM a déjà mis le grappin sur les deux propriétés sportives qui génèrent les meilleures cotes d’écoute à Montréal : le Canadien (jusqu’en 2023) et les Alouettes (pour encore trois ans). La station de Cogeco est aussi en train de négocier un pacte de plusieurs saisons avec l’Impact.

Le 91,9 Sports pourrait-il miser sur d’autres propriétés, comme Équipe Canada junior, les Canadiennes de Montréal, la NFL, le football universitaire ou la Formule 1 ? Trop nichés, explique-t-on, pour générer des revenus dépassant les coûts de production et d’acquisition.

La seule autre propriété susceptible de faire bouger l’aiguille, ce serait un nouveau club de baseball à Montréal. « Un gros potentiel », ont répondu toutes les sources consultées, optimistes et pessimistes confondus. Cela assurerait du contenu de qualité pour au moins 162 jours. Ce serait une carte de visite intéressante auprès des agences de publicité – un enjeu présentement pour RNC Média.

Tout cela considéré, le 91,9 Sports tel qu’on le connaît depuis quatre ans risque de changer. Mais je préfère encore avoir un contenu dilué plutôt qu’une 10e station musicale à Montréal – aussi originale et différente soit-elle.

DANS LE CALEPIN

> La semaine dernière, j’ai dénoncé les tarifs démesurés exigés par Trois-Rivières aux non-résidants qui utilisaient ses installations sportives. La mairesse suppléante et son chef de cabinet m’ont assuré mardi avoir bien entendu les critiques. Ils ont ajouté que l’intention n’était pas d’empêcher les enfants de faire du sport. Les élus veulent négocier des ententes équitables avec les villes voisines dans les prochains jours.

> Les meilleurs hockeyeurs québécois nés en 2003 brillent aux Jeux du Canada. Ils ont remporté leurs trois premiers matchs. Trois dépisteurs auxquels j’ai parlé se sont extasiés après la victoire de 7-3 contre les Ontariens. « Les Québécois ont dominé leurs rivaux dans tous les aspects : plus rapides, meilleure transition, beaucoup plus disciplinés et, surtout, beaucoup mieux préparés », m’a écrit un dépisteur de la LHJMQ. Le Québec affrontait la Colombie-Britannique tard hier soir en quarts de finale.

> L’ancien vice-président principal des communications du Canadien, Donald Beauchamp, sera consultant pour la LHJMQ. Il travaillera étroitement avec le commissaire Gilles Courteau et l’équipe des communications de la ligue.

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