Mon clin d’œil

On ne va pas juste s’ennuyer d’Obama, on va même s’ennuyer de W !

Opinion : Échographies

Pour que l’accessibilité soit réellement au rendez-vous

La couverture par l’État des examens d’échographie fait présentement les manchettes. Le ministre de la Santé tente en effet d’imposer une réforme qui a pour objectif, en théorie, d’améliorer l’accès à ces services et de rétablir l’équité entre tous les Québécois. Nous souscrivons à ces objectifs, mais la réforme annoncée par le ministre ne permettra pas de les atteindre.

Soyons très clairs ! Les radiologistes sont favorables à la couverture publique des examens d’échographie en cabinets privés de radiologie. D’ailleurs, ils y prodiguent déjà de tels services assurés par l’État, comme la radiographie et la mammographie.

Depuis plusieurs décennies, les radiologistes exercent des activités professionnelles en parallèle dans les établissements publics et dans des cliniques privées de radiologie.

La mise en place et le maintien de ces cliniques nécessitent un investissement massif de la part des médecins pour se procurer, opérer et entretenir des équipements coûteux.

Au fil des ans, ces cliniques ont servi de soupape au réseau hospitalier qui offre les mêmes services mais qui, de toute évidence, est incapable de suffire à la demande pour les services de radiologie. Il s’agit d’un équilibre délicat que l’intervention ministérielle unilatérale menace de faire sauter.

La gratuité précipitée aura l’effet contraire de ce qui est visé

Le débat sur la couverture publique des services de radiologie, et en particulier l’échographie, ne date pas d’hier. À peu près tous les intervenants sont d’accord avec le principe, mais tous les ministres qui ont précédé l’actuel titulaire avaient compris qu’on ne peut pas imposer la gratuité du jour au lendemain sans l’accompagner de mesures de transition.

La seule décision de rendre les services gratuits aura deux effets pervers qui mettent toute l’offre de service en radiologie en péril : premièrement, certaines cliniques privées ne feront plus leurs frais et cesseront d’offrir le service, avec les conséquences prévisibles pour les patients et pour les employés de ces cliniques ; deuxièmement, la demande pour les échographies, désormais gratuites, augmentera de manière significative. L’engorgement ne diminuera pas, il augmentera, tout comme les listes d’attente.

Réinvestir dans le réseau public pour améliorer l’accessibilité

La solution que nous martelons pour diminuer de façon significative les listes d’attente en échographie est simple : un investissement dans le réseau public, pour permettre d’étendre les heures d’ouverture. Elle appelle certes à un réaménagement des horaires de travail en milieu hospitalier mais il n’y a là rien pour effrayer notre ministre !

Ceci ne serait pas un précédent puisque, le 30 novembre dernier, le ministre Barrette annonçait en grande pompe un investissement de 6 millions de dollars pour optimiser l’utilisation des salles et des équipements en tomodensitométrie (TDM) et en résonance magnétique (IRM) en étendant les heures d’opération. Un investissement du même ordre de grandeur permettrait d’augmenter sensiblement l’offre en milieu hospitalier.

Pourquoi investir dans le réseau public pour d’autres types d’examens radiologiques, mais pas pour l’échographie ?

Pour ce qui est des cliniques privées, on pourrait échelonner la mise en œuvre de la gratuité sur une période de temps qui permettrait d’assurer la continuité de ces cliniques et d’éviter un engorgement soudain. On commencerait par les examens les plus urgents – pensons aux échographies mammaires, obstétricales et abdomino-pelviennes, pour intégrer graduellement les autres types d’échographies, à mesure que diminueraient les listes d’attente.

Des paramètres minimaux pour une transition réussie

Revenons à l’essentiel : comme le ministre, nous désirons améliorer l’accès aux soins de santé pour tous les Québécois. Pour y arriver en radiologie, nous croyons qu’il faudra respecter les paramètres suivants : 

1. La capacité pour les cliniques privées de « faire leurs frais ». Même l’organisme Médecins québécois pour un régime public reconnaît que cela est nécessaire ;

2. Un accès dans un temps raisonnable aux services de radiologie et, en particulier, aux échographies, avec la priorité pour les examens les plus urgents ;

3. Une organisation du travail qui permettra de maximiser la productivité des technologues et autres employés spécialisés en radiologie ;

4. Une utilisation optimale des ressources technologiques et de l’expertise des radiologistes, dans les établissements privés comme dans les hôpitaux.

Pour notre part, nous continuons à négocier de bonne foi afin de faire atterrir une réforme qui permettra non seulement la gratuité, mais qui donnera également aux Québécois l’accessibilité qu’ils méritent !

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