CHRONIQUE

Tout cela était bien beau !

Dans le vestiaire de l’Impact, l’ambiance est à la fête. Des rythmes africains résonnent fort dans la pièce. Didier Drogba, Hassoun Camara et quelques autres dansent en groupe. Autour d’eux, des sourires éclairent les visages.

Lorsque le vacarme s’estompe, les principaux acteurs de ce triomphe commentent enfin l’extraordinaire performance de l’équipe. L’Impact n’a pas seulement éliminé le Toronto FC, hier : il lui a donné une leçon de soccer. Les visiteurs ont été dominés de bout en bout, surpris par le départ canon du bleu-blanc-noir. Après 39 minutes, les locaux menaient 3-0 et l’affaire était entendue.

« Ce matin, en me levant, je me sentais comme à l’âge de 7 ans, quand j’attendais impatiemment l’heure du début d’un tournoi, lance Patrice Bernier. Je savais depuis deux jours que je serais de la formation partante. Mauro m’avait averti… »

Oui, l’Impact est maintenant l’équipe de Drogba. Il l’a transformée. Il en est devenu le leader incontesté. Sur le terrain, c’est lui le meneur de jeu ; et dans le vestiaire, il choisit la musique, un signe d’autorité qui ne ment pas au sein d’un club professionnel !

Mais au-delà de Drogba, il y a d’autres belles histoires chez l’Impact. Et celle de Bernier en est une. Voici donc ce Québécois de 36 ans, fier comme pas un de porter le maillot du club, et laissé sur la touche par l’ancien entraîneur, ce cher Frank Klopas, dont on ne s’ennuie pas trop.

Dès le début de la saison, on a clairement senti que Klopas n’était pas un admirateur de Bernier. Dans les premières semaines de la saison, il a souvent répondu avec impatience aux journalistes lui demandant si le capitaine figurait toujours dans ses plans. En milieu de saison, Bernier a connu des moments très difficiles. Au point de s’éloigner de l’équipe durant quelques jours afin de prendre du recul. Une décision risquée, évidemment, mais qui a finalement bien tourné pour lui.

Aujourd’hui, Bernier est redevenu un pilier de l’équipe. Mauro Biello, qui a succédé à Klopas, connaît sa valeur.

— Ça change quoi, Patrice, d’avoir un coach qui croit en toi ?

La réponse de Bernier tombe sans hésitation : « Tu veux lui donner raison de te faire confiance. Mauro est comme moi, il est un gars d’ici. J’ai joué avec lui, je le connais bien. Je suis un peu plus “lousse”, je joue avec moins de briques sur les épaules et plus de liberté. Et je veux montrer que les joueurs d’ici savent jouer aussi. »

Cela, ses adversaires torontois l’ont vite constaté. Bernier a marqué le premier but de l’Impact, si déterminant au soccer. Plus tard, il a servi une longue passe magique à Drogba, qui a propulsé le ballon au fond du but. Un jeu exceptionnel. « J’aime ce genre de match, j’aime les défis », ajoute Bernier.

Décidément, Mauro Biello s’impose comme entraîneur de l’Impact. D’abord, il rend Drogba, son meilleur joueur, heureux. Suffit de constater à quel point le numéro 11 s’investit dans le succès du club pour le comprendre. Ensuite, il gère son personnel avec doigté, comme le démontrent son utilisation de Bernier et ses changements judicieux à chaque match. Enfin, sur le plan tactique, il est manifestement capable de réagir très vite et de proposer des idées nouvelles.

À sa façon, Nick De Santis l’a d’ailleurs dit après la rencontre : « Félicitations au staff, l’équipe était très bien préparée. Ce soir, Toronto n’arrivait pas à trouver de solutions… »

Le vice-président de l’Impact a raison. Pour s’en convaincre, il a suffi d’écouter Greg Vanney, l’entraîneur des perdants. D’une voix très basse, manifestement sous le choc de ce revers coup de poing, il a expliqué à quel point son équipe était « un pas derrière » les Montréalais, surtout en première mi-temps. « Nous étions hésitants et cela a créé un effet domino », a-t-il ajouté.

Cette perplexité a été en bonne partie causée par l’agressivité de l’Impact, qui a empêché les canons du Toronto FC de prendre leur élan.

Imaginez : ce matin, les trois vedettes des Rouges sont en vacances. Sebastian Giovinco touche pourtant 7,1 millions par saison ; Michael Bradley, 6,5 millions ; et Jozy Altidore, 4,7 millions.

En les embauchant à prix fort, les Torontois croyaient se diriger vers un championnat. Mais encore une fois, leur saison prend fin sur une immense déception. Ce qui, soyez-en sûr, rassurera la majorité des équipes de MLS.

Pourquoi ? Parce que même si plusieurs organisations comptent sur des propriétaires aux poches profondes, le modèle torontois ne fait pas l’unanimité. Il est en effet basé sur des dépenses très élevées. Or, les revenus du circuit peuvent difficilement justifier une stratégie semblable, sauf dans des villes comme New York, Los Angeles et, bien sûr, Toronto. Chose sûre, Joey Saputo a souvent répété qu’un plan pareil serait inconcevable à Montréal.

Sur le marché des vedettes, l’Impact a plutôt misé sur des acquisitions bien pensées, mais à moindre coût. L’an dernier, ce fut Ignacio Piatti, qui a joué un grand match hier. On a revu le joueur dominant du printemps dernier en Ligue des champions de la CONCACAF.

Mercredi, Piatti avait affirmé que le bleu-blanc-noir était assez puissant pour remporter le championnat de MLS cette saison. Vingt-quatre heures plus tard, il a montré une énergie formidable. Durant les trente premières minutes, il a donné le ton, enchaînant les attaques et réduisant d’autant la pression sur l’acquisition de 2015, Didier Drogba. Bien sûr, le numéro 11 est capable d’en prendre beaucoup. Mais les équipes championnes ne se fient jamais à un seul joueur.

« C‘était difficile de reproduire une grosse performance après le match de dimanche face à la même équipe, a dit Drogba. C’est souvent délicat parce que c’est un match de championnat et l’autre équipe était vexée du résultat. On s’attendait à une réaction de Toronto. Mais on a pris le match par le bon bout et ç’a donné ce que ç’a donné en première mi-temps. On a été ambitieux, on avait tout simplement envie de gagner ce match avec l’appui du public. »

La rencontre s’est terminée avec des milliers de partisans en liesse chantant « Nah-Nah-Nah-Goodbye ».

Tout cela était bien beau… sauf si vous veniez de Toronto !

LA FOULE

Le stade Saputo n’était pas rempli, hier. Vendre plus de 16 000 billets en quatre jours (capacité du stade moins les abonnements) est un gros défi, aucun doute là-dessus. Surtout lorsque le match est disputé un soir de semaine. Dans ce contexte, attirer 18 069 amateurs n’est pas un échec. Mais ce n’est pas une victoire non plus.

Un match éliminatoire de cette ampleur, le premier dans l’histoire de l’équipe en MLS, aurait dû être présenté à guichets fermés.

Deux raisons expliquent pourquoi ce ne fut pas le cas.

D’abord, la grille tarifaire était élevée. Dès lundi, on a vu que si les billets à 39 $ et à 52 $ se vendaient bien, ceux à 68 $ et à 90 $ s’écoulaient moins rapidement. L’Impact compte beaucoup sur la clientèle familiale et la facture potentielle a sûrement fait hésiter des gens.

Mais le principal motif est la faible base d’abonnements annuels. Cette saison, l’Impact en a vendu un peu plus de 6000. Environ 30 % des détenteurs n’ont pas acheté le forfait éliminatoire. La combinaison de ces deux facteurs exerce une pression énorme sur l’organisation, tributaire à l’excès des ventes à l’unité.

Voilà pourquoi le premier défi de l’Impact sur le plan des affaires est d’augmenter de manière significative son nombre d’abonnés. Dans tous les sports, ce sont eux qui donnent aux équipes la stabilité financière recherchée. La bonne nouvelle, c’est que les signes sont encourageants en vue de 2016. Plus de 2000 nouveaux abonnements ont été vendus.

La grande question, maintenant : le match de dimanche contre le Crew de Columbus sera-t-il présenté devant une salle comble ? Cette fois, l’Impact n’aura que trois jours pour écouler ces 16 000 billets. En revanche, la rencontre aura lieu le week-end, un avantage certain.

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