Le Canadien

Lehkonen, réaliste

On savait qu’Artturi Lehkonen avait du cœur. On savait aussi, en particulier depuis les séries qu’il a disputées en Suède le printemps dernier, qu’il avait du talent. Ce qu’on savait moins, c’est qu’il avait un certain sens de l’humour.

Il fallait l’entendre décrire, après le match de samedi, le rôle qu’il a joué pour permettre à Jeff Petry de toucher la cible en deuxième période et d’amorcer la remontée du Canadien.

« J’essayais simplement de placer ma grosse charpente devant le gardien pour faire un écran et l’empêcher de voir. C’était tout un tir de Petry, sur l’intérieur du poteau. Ça importait peu que je place ma grosse charpente devant le gardien. »

Non, Lehkonen n’a pas peur de faire de l’autodérision. Le Finlandais de 21 ans n’a pas seulement le visage d’un adolescent, il en a aussi la morphologie. On l’annonce généreusement à 6 pi et 182 lb dans les documents officiels, mais on le soupçonne d’avoir traîné dans ses poches une poignée de « trente sous » lors de la pesée.

Lehkonen vient de disputer ses deux premiers matchs dans la Ligue nationale et, jusqu’ici, force est d’admettre qu’il semble à sa place. Jeudi, à Buffalo, il a mené les siens avec cinq tirs au but, et ce, même si son centre, Tomas Plekanec, cherchait ses repères. Ses cinq tirs venaient d’une distance moyenne de 24 pieds.

À titre indicatif, la saison dernière, les tirs de Brendan Gallagher, reconnu pour jouer près de la peinture bleue, provenaient en moyenne d’une distance de 21 pieds.

Samedi, Lehkonen a marqué son premier but dans la LNH. Quand il l’a fait, il était à un bras de distance du gardien. Plus tôt dans le match, sa présence devant Craig Anderson n’a sans doute pas nui à Petry quand il a marqué.

« Les matchs se décident par de petits écarts, sur de petits détails, constate-t-il. Tu dois être très précis dans les endroits où tu vas. Les luttes sont dures. Chaque soir, tu dois être prêt à te battre pour ton espace. »

Visiblement, Lehkonen l’a compris et le met en application.

« C’est différent de la Suède. Évidemment, les gars sont plus forts et il n’y a pas beaucoup de temps. Je dois être plus intelligent, plus intense que les autres, si je veux gagner ces batailles. Je ne peux jamais abandonner. »

— Artturi Lehkonen

« Je ne pourrai jamais battre un adversaire de puissance. Je dois vouloir la rondelle davantage que l’adversaire. »

Un repêchage toujours en évaluation

Les événements de la dernière semaine nous offrent quelques éléments supplémentaires pour mieux analyser le repêchage de 2013. Cette année-là, le CH avait eu droit à six choix parmi les 100 premiers, une première depuis 1994.

Or, dans les sept derniers jours, on a appris que Lehkonen, 55e joueur choisi en 2013, avait gagné le droit d’amorcer la saison dans la LNH. On a aussi appris que Sven Andrighetto, 86e choix, était soumis au ballottage. Il a finalement « survécu » à cette étape et poursuivra son cheminement dans la Ligue américaine.

Le collègue Mathias Brunet le répète : il faut attendre cinq ans avant de bien pouvoir évaluer un repêchage. Ce raisonnement est plus vrai que jamais, puisque le gardien Zachary Fucale et l’attaquant Jérémy Grégoire sont davantage des projets à long terme, tandis que Martin Reway, qu’on attendait en Amérique du Nord cet automne, a été terrassé par une mystérieuse maladie. Le premier de classe de ce groupe, Michael McCarron, continue quant à lui à se développer et n’a que 21 ans, tout comme Jacob De La Rose.

Andrighetto, par contre, avait été repêché à l’âge de 20 ans. Dans son cas, l’horizon de cinq ans s’applique moins, et on a déjà une meilleure idée de ce qu’il peut devenir dans la LNH. Idem pour Connor Crisp, l’autre choix de troisième tour du CH en 2013, qui avait 19 ans quand il a été réclamé. Il est incapable de s’établir dans la Ligue américaine.

Lehkonen est donc le seul joueur de son année de repêchage en position d’aider le CH cette saison.

Cette aide serait la bienvenue, puisque la relève du Tricolore traverse une période creuse. Des encans de 2010 à 2012, un joueur par année s’est établi à Montréal : Gallagher, Nathan Beaulieu et Alex Galchenyuk. De ceux de 2008 et de 2009, il ne reste plus rien. Bref, c’est plutôt mince depuis le fructueux repêchage de 2007, et depuis le coup de circuit de 2005 (Carey Price, vous vous rappelez ?), du moins en quantité. Car en qualité, Gallagher, Beaulieu et Galchenyuk devraient faire partie du noyau de cette équipe cette saison.

Plus récemment, aucune aide immédiate n’est attendue des joueurs réclamés en 2014 et en 2015.

Avec Plekanec et Andrei Markov qui sont appelés à voir leurs responsabilités diminuer, un coup de pouce de la relève serait évidemment le bienvenu chez le Canadien. En ce sens, les succès de Lehkonen ne feraient pas de tort à l’équipe.

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