Science

L’avenir des continents

Tout d’abord, la Méditerranée disparaît. Ensuite, l’Australie se fond dans l’Asie du Sud-Est. Cinquante millions d’années se sont maintenant écoulées. Après 100 millions d’années, Amérique et Europe cessent de s’éloigner l’une de l’autre, comme si l’Alaska avait rebondi sur l’est de la Russie. Et dans 250 millions d’années, on a une nouvelle Pangée, un supercontinent, avec Terre-Neuve au milieu, collé au Maroc, et le Brésil contre l’Afrique du Sud.

Telle est la prévision de la dérive future des continents, élaborée depuis plus d’une trentaine d’années par un géologue américain, Christopher Scotese de l’Université du Texas.

« Quand je faisais mon doctorat à Chicago, on parlait beaucoup de la dérive des continents, qu’on ne connaissait que depuis une vingtaine d’années, dit M. Scotese. En 1982, le magazine Discover m’a demandé de faire une projection de l’avenir en me basant sur ce qu’on savait de la dérive des continents depuis Pangée. Ça a piqué ma curiosité, et depuis, j’affine le modèle des changements passés et du proche futur au fil des progrès des connaissances. »

On explique la dérive des continents par la théorie des plaques tectoniques, qui veut que la Terre compte une douzaine de grandes plaques interagissant les unes avec les autres. Les failles entre les plaques sont les endroits où il y a le plus de tremblements de terre.

Les travaux de M. Scotese sont en grande partie basés sur les travaux d’une légende canadienne de la géologie, Tuzo Wilson, qui, en 1966, a proposé le premier que l’ouverture et la fermeture des deux grands océans du monde, l’Atlantique et le Pacifique, suivaient un cycle d’environ 400 à 600 millions d’années. Le supercontinent Pangée s’est défait voilà environ 250 millions d’années, avec l’ouverture graduelle de l’océan Atlantique, qui devrait encore durer de 50 à 100 millions d’années. Ensuite, l’Atlantique se refermera.

DES PRÉDICTIONS RÉALISTES ?

Jusqu’à quel point les prédictions de M. Scotese s’avéreront-elles ? Lui-même considère qu’en deçà de 50 millions d’années, elles sont relativement réalistes. « C’est comme prédire ce qui va se passer sur une autoroute qu’on connaît bien dans les dix prochaines minutes. »

Par exemple, la Méditerranée est en train de se refermer parce que l’Afrique se déplace vers le nord, ce qui a notamment causé en Italie les tremblements de terre de L’Aquila en 2009 et d’Amatrice cet été. Les mauvaises langues en Italie ont fait à la blague une comparaison avec les réfugiés qui débarquent en Italie depuis l’Afrique.

« Il y a certainement beaucoup d’incertitude dans l’interprétation des mouvements des plaques par le passé, surtout quand on remonte beaucoup dans le temps », estime Christie Rowe, spécialiste de la question à l’Université McGill, à qui La Presse a demandé de commenter les travaux de Scotese.

« Il fait les meilleures reconstructions possibles en se basant sur l’énorme quantité de données disponibles. Il fonde ses prédictions sur ces reconstructions du passé. Un autre chercheur pourrait arriver à des résultats différents, mais pas tellement. Il est généralement admis que l’Atlantique est en train de s’ouvrir et qu’avec le temps, les continents se rassembleront à nouveau pour former un supercontinent. »

LES DÉBUTS DE LA TERRE

Les raffinements du « cycle de Wilson », qui décrit l’ouverture et la fermeture des océans ainsi que la formation des supercontinents, portent maintenant sur les changements de vitesse et de direction des plaques.

Le cycle de Wilson a-t-il toujours existé ? « Au moins depuis un milliard d’années, dit Mme Rowe. Au début, la Terre était beaucoup plus chaude et la circulation dans le manteau était probablement plus vigoureuse, tout comme le mouvement des plaques tectoniques. Mais on n’a presque pas de roches de cette époque. La Terre a graduellement perdu de la chaleur vers l’espace. On sait que la tectonique des plaques modernes s’est graduellement mise en place à partir de trois milliards d’années et qu’elle existait sous sa forme actuelle il y a un milliard d’années. Mais on ne sait pas ce qui s’est passé entre les deux. »

Particulièrement mystérieuses sont les accélérations subites de la perte de chaleur vers l’espace, comme celle qui s’est produite voilà 2,7 milliards d’années et a donné au nord du Québec ses mines d’or. « Il y a certainement un lien entre la vitesse de la perte de chaleur vers l’espace et les mouvements de plaques tectoniques, mais on n’a pas encore tout compris », dit Mme Rowe.

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