Trois enfants, une carrière… et un mari astronaute
Quand son mari David Saint-Jacques a été nommé astronaute, Véronique Morin a été claire : elle n’allait pas mettre ses rêves de côté pour regarder son amoureux vivre les siens. Aujourd’hui, la mère de trois jeunes enfants pratique la médecine de santé publique au Nunavik, la médecine d’urgence à Houston et la conciliation travail-famille à l’extrême. Rencontre.
Le voyage est bourré d’imprévus. La mission requiert des années d’études et d’entraînement. Et l’environnement vers lequel on s’envole est très différent de celui de la maison. Une expédition vers la Station spatiale internationale ? Non. Un départ de Houston vers le Nunavik pour y pratiquer la médecine, avec des enfants de 1, 4 et 6 ans comme membres d’équipage.
Cette semaine, l’astronaute David Saint-Jacques a ébloui les médias canadiens par ses exploits à l’entraînement. Mais à Houston, il n’est pas le seul Québécois à avoir des choses à raconter. Pour affronter les situations délicates, sa femme Véronique Morin ne donne pas sa place.
« J’ai toujours eu peur de devoir arrêter de travailler dans le Nord, confie la Dre Morin à La Presse. Je suis passionnée par la médecine, et particulièrement par la médecine autochtone avec les Inuits. J’ai une grosse partie de mon cœur là-bas. »
Suivre ses ambitions professionnelles tout en partageant la vie d’un astronaute, Véronique Morin connaît. Quand David Saint-Jacques a été recruté par l’Agence spatiale canadienne, en 2009, elle a fait le chemin vers Houston avec lui pour se rapprocher des installations de la NASA. Les voyages de son mari pour l’entraînement se sont multipliés. Deux garçons, Pierre et Léon, sont venus grossir la famille. Malgré cela, Véronique Morin a continué ses propres expéditions au Nunavik pour y soigner les autochtones.
Puis, en mai 2016, la nouvelle est tombée : David Saint-Jacques avait été sélectionné pour s’envoler vers la Station spatiale internationale. Date du départ : novembre 2018. L’entraînement passait en vitesse supérieure. Les voyages, notamment à Moscou, allaient devenir encore plus fréquents.
« À l’époque, j’étais enceinte de Sophie. On a tout de suite vu que ça allait être un défi considérable. On s’est dit : “OK, ça commence. On a beaucoup de travail devant nous” », raconte Mme Morin.
A-t-elle pensé sacrifier son travail pour s’occuper des enfants ?
« J’entends David dire à tout le monde : “Suivez votre rêve, c’est tellement important.” Et moi, j’aurais mis mon propre rêve en veilleuse ? Pour moi, c’était impossible. Je ne pense pas que j’aurais été heureuse. »
— Véronique Morin
Loin de se détourner de ses ambitions, la Dre Morin en a développé de nouvelles. Elle vient de terminer une maîtrise en santé publique, dont elle applique les enseignements au Grand Nord canadien. Elle pratique aussi la médecine d’urgence mineure au Texas. Pour elle, pas question de compter les jours avant la fin de l’entraînement de son mari.
« L’entraînement, c’est deux ans et demi. On ne peut pas retenir son souffle pendant deux ans et demi. Il faut apprendre à bien vivre là-dedans », dit-elle.
Une famille « nomade »
C’est ainsi que la famille Morin-Saint-Jacques est devenue ce que Véronique Morin appelle une « famille nomade ». Houston, Moscou, le Québec, le Nunavik : ses différents membres se promènent sans cesse, avec des grands-parents, des cousins, des belles-mères et des filles au pair qui affluent à gauche et à droite pour donner un coup de pouce.
« Pour nous, la maison n’est pas un lieu. La maison, c’est quand on est ensemble », dit Mme Morin.
« Quand on a des vies très éclatées et très intenses, on se rend compte que les petites choses ont tellement de valeur », continue Véronique Morin.
« On chérit les petits moments. Quand on fait des jeux de société en famille, des casse-têtes, quand les gars font des pitreries à table, on a tous le réflexe de savourer au maximum et de protéger ces moments-là. »
— Véronique Morin
Maintenant que papa est absent environ 70 % du temps, Mme Morin se décrit comme « le commandant de la famille ».
« Les autres conjointes d’astronaute me disaient : “Tu vas voir. Tu vas arriver à un point où c’est tellement plus facile quand il n’est pas là”, raconte Véronique Morin en riant. Je me disais : “Ce ne sera jamais moi.” Puis là, David arrive, j’entends un enfant lui demander huit yogourts et David me regarde sans savoir quoi faire… »
Et sinon, c’est fatigant, dans un souper d’amis, d’être avec un astronaute qui vole toujours la vedette ?
« Au Québec, oui, c’est fatigant, répond la Dre Morin. Mais je prends ma revanche à Houston. Parce que dans un party d’astronautes, tout le monde veut entendre parler des Inuits et du Grand Nord. La bibitte exotique, ici, c’est moi et pas lui ! »