Mon clin d’œil  Stéphane Laporte

Le G dans G7, c’est pour Gênant.

Opinion

Regard sur les inégalités du système scolaire québécois

C’est un secret de polichinelle, le Québec s’avère encore et toujours l’Eldorado en matière de financement des écoles privées. Pendant que le Nouveau-Brunswick et l’Ontario n’accordent plus aucune subvention aux écoles privées de leur territoire, le Québec finance ces écoles à la hauteur de 50, voire jusqu’à 70 % selon certaines études. Force est d’admettre que le Québec est désormais le champion de l’élitisme ! Pourtant, on ose encore utiliser le terme « privé » pour caractériser ces écoles. Renversant est un euphémisme.

La Finlande, un pays avec qui le Québec partage de nombreuses similitudes, a fait le choix non pas d’abolir les subventions aux écoles privées mais d’abolir littéralement l’école privée. Ce choix de société s’est effectué en 1970. Pourquoi ? Pour favoriser l’égalité des chances, valeur qui visiblement s’étiole au Québec. Aujourd’hui, les Finlandais demeurent convaincus que chaque citoyen, quel qu’il soit, peut devenir président de la République, peut obtenir un doctorat, indépendamment de son bagage socioéconomique et familial. Pouvons-nous en dire autant ?

Cohésion sociale

En Finlande, la collectivité dans son ensemble a pris conscience dans les années 70 que l’école est l’institution la plus efficace pour favoriser la cohésion sociale et conséquemment, la mieux organisée pour réduire les inégalités sociales. Encore faut-il que l’école publique québécoise ait les moyens de ses ambitions, si ambition il y a. La Finlande détient un produit intérieur brut comparable à celui du Québec et dispose, contrairement à nous, de très peu de richesses naturelles hormis le bois. Prioriser le développement des cerveaux était inéluctable et, pour y arriver, la Finlande est passée par un système éducatif public qui enraye les inégalités de naissance où l’enseignement se situe au sommet de la valorisation des professions dans une société de savoir.

Comprenez-moi bien ! Il serait téméraire d’établir une équation directe entre les subventions accordées aux écoles privées québécoises et les résultats de nos élèves issus des milieux défavorisés, c’est une piste que je n’emprunterai pas. Cependant, l’exemple de la Finlande mérite qu’on s’y attarde, car les résultats des jeunes Finlandais ne sont pas tombés du ciel mais proviennent d’une série de moyens mis en place au cours des dernières décennies.

Or, si l’école privée a toujours sa place, qu’elle se finance alors en totalité par les parents qui font le choix d’envoyer leur enfant dans cette école.

D’ailleurs, accepterons-nous encore longtemps que des parents qui n’ont pas les moyens d’envoyer leur enfant à l’école privée, le lot d’une majorité de la classe moyenne, paient des taxes et des impôts à l’État québécois pour notamment aider les familles mieux nanties à faire le choix de cette même école privée ?

Les conséquences éducatives, sociales et économiques de cette division entre enfants privilégiés et infortunés sont désastreuses pour le Québec comme nous le rappelle Guy Rocher, doyen actuel de la sociologie au Québec, membre de la commission Parent entre 1961 et 1966 et l’un des précurseurs de la Révolution tranquille.

En effet, entre l’apartheid, cette politique de ségrégation qui vise à consolider les inégalités entre deux groupes de citoyens (modèle éducatif américain) et l’égalité des chances comme valeur collective (modèle finlandais), que choisira le Québec de demain pour sa jeunesse ?

Maintenir le statu quo face à cette épineuse question, c’est accepter que le Québec fasse une croix sur la mixité sociale et de facto au bien commun, plongeant l’école publique dans le contexte brutal d’une concurrence marchande déloyale. Nos petits valent mieux que ces valeurs individualistes malheureusement triomphantes.

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