OPINION ENSEIGNEMENT

Pourquoi ces examens ?

Le temps est venu de poser les bonnes questions quant à la pertinence et au contenu des épreuves du Ministère au primaire

Il peut sembler audacieux de remettre en question les examens que le ministère de l’Éducation fait subir à des milliers d’élèves chaque année, et ce, aux frais des contribuables. Mon expertise me permet d’en juger la pertinence et le contenu.

Bachelière en éducation, j’ai terminé une maîtrise en science politique qui m’a permis d’analyser le système d’éducation québécois et ses programmes. J’étudie en administration des affaires (MBA) tout en enseignant en sixième année du primaire. Comment se fait-il que mes élèves de 12 ans passent des matinées entières, s’échelonnant sur trois semaines, à faire des examens ? Âgée de 29 ans, jamais je n’ai subi des épreuves aussi longues et ardues au cours de mon parcours d’études supérieures.

C’est à la mi-mai que la période d’anxiété généralisée commence. Le Ministère expédie aux écoles des boîtes remplies de copies d’examens de français et de mathématiques. En sixième année, chaque enfant reçoit 15 documents de plusieurs pages, dont un magnifique fascicule de lecture imprimé en couleurs. Chaque enseignant reçoit trois cahiers de consignes pour l’administration et la correction des épreuves. Tout ce matériel, différent d’une année à l’autre, est conçu par une équipe de professionnels. 

Alors qu’au Québec, faute de budget, la majorité des enfants à problèmes psychologiques ou d’apprentissage ne bénéficient d’aucun service d’aide, comment justifier les dépenses que les épreuves ministérielles engendrent ?

Ajoutons que les enseignants doivent conserver les copies des élèves durant un an pour ensuite les détruire.

Il faut admettre que les situations de français semblent adaptées. Une situation d’écriture et deux de lecture sont généralement complétées par les élèves dans le temps prévu et les résultats correspondent aux moyennes de l’année. Mais que dire des examens de mathématiques ? Les enfants doivent résoudre six problèmes d’environ une heure chacun, même si le Ministère prévoit 20 minutes. Ils remplissent aussi un questionnaire mathématique d’une heure. La pire épreuve est une situation problème complexe qui doit être résolue en 1 h 30 minutes. Pourtant, cette année, le double du temps a été nécessaire. Certains élèves ont même travaillé durant quatre heures avant de terminer.

Les enseignants auraient-ils dû enlever les copies aux enfants après 1 h 30 minutes et en faire échouer la presque totalité ? Lorsque la majorité des élèves ne correspondent pas aux attentes, est-ce parce qu’elles sont irréalistes ? Est-ce approprié que des enfants du primaire passent 10 heures à résoudre des examens de mathématiques ? Chose certaine, ils n’oublieront pas la fin de leur parcours primaire.

Plusieurs élèves de sixième année pleurent et deviennent insomniaques pendant les périodes d’examens. Ils terminent leur éducation primaire en catastrophe. Les parents s’inquiètent.

Mais que veut-on mesurer avec ces épreuves ? Impossible de comparer les élèves d’une année à l’autre puisque le contenu et la complexité des épreuves varient. Impossible de comparer les enseignants entre eux puisque les conditions sont différentes d’une classe à l’autre.

Alors pourquoi ces examens ? N’oublions pas un fait important : les enseignants de sixième année doivent classer les élèves pour le secondaire bien avant la période d’examens finaux. Un enfant qui doit aller en classe ordinaire ira en classe ordinaire, même s’il obtient une moyenne de 30 % dans ses épreuves de fin d’année. Les examens du Ministère représentent 20 % du résultat total de l’année. Ils sont donnés et corrigés par les enseignants qui peuvent facilement donner des indices ou des points supplémentaires à leurs élèves. Quelle est la raison d’être des examens ? Il est temps de poser les bonnes questions quant à la pertinence et au contenu des épreuves du Ministère au primaire.

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