Revenu minimum garanti en finlande

Une expérience peu concluante, selon une agence

La Finlande avait reçu beaucoup d’attention internationale il y a quelques années en annonçant le lancement d’un projet expérimental d’envergure sur le revenu minimum garanti, mais les résultats paraissent peu susceptibles de mettre un terme au débat suscité par cette approche.

Kela, l’agence chargée de la sécurité sociale dans ce pays nordique, a révélé il y a quelques jours dans une analyse préliminaire que l’octroi d’une aide mensuelle sans restriction de près de 900 dollars n’avait pas eu d’incidence marquée sur le nombre d’heures travaillées durant l’année par les personnes ciblées.

« Nous pouvons dire que durant la première année de l’expérience, les bénéficiaires du revenu minimum n’étaient ni meilleurs ni pires que le groupe témoin pour trouver de l’emploi sur le marché du travail », a noté l’un des responsables de l’étude, Ohto Kanninen.

Tant les 2000 bénéficiaires de l’aide mensuelle que le groupe témoin ont travaillé en moyenne une cinquantaine de jours en 2017, et les revenus générés par cette entremise étaient sensiblement les mêmes.

Effets psychologiques

Les chercheurs, qui doivent analyser plus tard les résultats pour la seconde et dernière année de l’étude, ont constaté par ailleurs des différences psychologiques non négligeables entre les deux groupes.

Les bénéficiaires du revenu minimum garanti étaient globalement plus satisfaits de leur état de santé et se disaient moins affectés par le stress. Ils étaient aussi plus confiants quant à leur capacité de trouver du travail.

La chercheuse chapeautant l’étude, Miina Ylikanno, a indiqué que ces résultats n’étaient pas contradictoires. 

« Le revenu minimum garanti peut avoir un effet positif sur le bien-être de la personne qui le reçoit même s’il n’améliore pas à court terme ses perspectives d’emploi. »

— Extrait d’une analyse écrite de Miina Ylikanno, chercheuse qui chapeaute l’étude

Le Collectif pour un Québec sans pauvreté, qui milite pour l’instauration dans la province d’un programme de revenu minimum garanti, pense qu’il faut se garder de tirer des conclusions hâtives à partir de l’étude.

Son porte-parole, Serge Petitclerc, relève qu’il faudrait notamment avoir plus d’information sur le profil et la situation des personnes ciblées pour évaluer l’impact de la mesure en matière d’emploi.

La capacité des gens de trouver un travail est en fonction de nombreux paramètres, dont leur formation, qui ne change pas à court terme avec le revenu minimum garanti, souligne-t-il.

Nombre de critiques de l’approche pensent qu’elle est susceptible d’inciter les personnes ciblées à travailler moins.

Projet pilote abandonné en Ontario

Le gouvernement conservateur de Doug Ford en Ontario a évoqué cette conviction pour justifier l’été dernier l’abandon d’un projet pilote de revenu minimum garanti qui devait cibler 4000 personnes pendant trois ans.

« Je crois que, quand vous encouragez les gens à accepter de l’argent sans condition, ça n’envoie pas le message que veulent envoyer notre ministère et notre gouvernement », avait déclaré à Radio-Canada la ministre des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires de la province, Lisa MacLeod.

M. Petitclerc déplore que le même discours soit entendu régulièrement au Québec.

« On est encore dans la logique [selon laquelle] il faut se battre pour faire reconnaître l’aide sociale et la sécurité du revenu comme un droit plutôt qu’une forme de charité et une dépense inutile », souligne le porte-parole.

Et au Québec ?

Le gouvernement caquiste a annoncé en décembre qu’il entendait majorer son soutien aux personnes inaptes au travail et a introduit des modifications susceptibles d’accroître légèrement les sommes versées aux prestataires d’aide sociale.

Il refuse pour autant de sortir de la logique punitive utilisée pour pousser ces derniers à chercher un emploi, relève M. Petitclerc.

L’impact psychologique positif relevé par l’étude finlandaise est conforme par ailleurs avec ce qui a été constaté par le passé lors d’autres études, indique l’activiste.

« Que les gens qui disposent de plus d’argent se sentent mieux et moins stressés est facile à comprendre », souligne le porte-parole, qui insiste sur le fait que cette amélioration est susceptible de réduire sensiblement le recours aux services publics, notamment dans le secteur de la santé.

Cet aspect devrait aussi être pris en compte dans l’étude de l’impact économique du revenu minimum garanti, conclut-il.

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