Opinion

Élections québécoises
Une erreur des sondages ?

Les élections québécoises d’octobre dernier ont été qualifiées de « pire erreur des sondages au Québec ».

Plusieurs raisons peuvent expliquer que les sondages prédisent mal le résultat des élections : des mouvements de dernière minute, des discrets qui votent différemment des « indiscrets », une participation au vote inégale selon les partis et des problèmes méthodologiques.

Pour examiner ces explications, nous avons collaboré avec la firme Ipsos pour mener une enquête postélectorale auprès des répondants à son dernier sondage préélectoral, réalisé du 26 au 28 septembre. Ce sondage estimait les appuis à la CAQ à 32 %, au PLQ à 31 %, au PQ à 18 % et à QS à 16 %. Les résultats ont été respectivement de 37 %, 25 %, 17 % et 16 %, soit une erreur combinée de 11 points pour les deux partis de tête.

Entre les 12 et 19 octobre, Ipsos a joint les deux tiers des répondants de son sondage pour leur demander s’ils avaient voté et pour qui. Elle a ajouté des questions sur divers enjeux et sur la prise de connaissance des sondages. Voici les premières conclusions tirées de ce sondage.

Les répondants de l’enquête postélectorale sont très similaires à ceux du sondage préélectoral pour ce qui est des caractéristiques de base – âge, sexe, région, langue, intention de vote. L’enquête postélectorale indique que 39 % des répondants déclarent avoir voté pour la CAQ, 27 % pour le PLQ, 15 % pour le Parti québécois et 13 % pour Québec solidaire. 

L’enquête estime donc très bien l’écart entre la CAQ et le PLQ même si elle surestime un peu l’appui à ces deux partis. Elle sous-estime un peu le PQ et significativement QS. On doit donc se demander ce qui s’est passé entre le sondage préélectoral et le vote.

Nous nous concentrons sur la CAQ et le PLQ, les deux partis mal estimés au départ.

Un mouvement vers la CAQ ?

Les données montrent que près de 10 % des répondants qui avaient exprimé une intention de vote déclarent avoir voté pour un parti différent de celui pour lequel ils affirmaient vouloir voter pendant la campagne. La CAQ a accueilli plus de la moitié de ces transfuges (56 %) et ceux-ci proviennent pour 30 % du PLQ. Ces partis ont également perdu des appuis, mais le PLQ enregistre 26 % des pertes comparativement à 12 % pour la CAQ. En résumé, il y a eu un mouvement vers la CAQ plus important que pour les autres partis, et les partisans de la CAQ sont restés plus fidèles à leur choix. Ces mouvements se soldent par 4,3 points de plus pour la CAQ et une perte de 1,5 point pour le PLQ.

Les discrets ont-ils avantagé un parti ?

Plus de 18 % des répondants du sondage de campagne se déclaraient indécis, refusaient de révéler leur préférence ou disaient ne pas prévoir aller voter. Lors de la présentation des résultats, ces discrets ont été répartis proportionnellement à l’intention de vote des divers partis parmi ceux qui avaient indiqué une intention de vote, ce qui comptait pour 5,9 points dans les intentions de vote de la CAQ et 5,6 points pour le PLQ.

Or la réalité est plutôt que plus de la moitié des discrets qui ont voté déclarent avoir voté pour la CAQ (53,5 %) et seulement 15 % pour le PLQ. L’hypothèse de discrets disproportionnellement caquistes est donc clairement validée.

Les partisans de certains partis sont-ils plus allés voter que d’autres ?

Plus de 12 % de l’ensemble des répondants qui avaient déclaré une intention de vote ne sont pas allés voter. Les partisans de la CAQ se sont abstenus proportionnellement à l’intention de vote. Par contre, les sympathisants du PLQ se sont abstenus un peu plus. Cette différence est toutefois si mince qu’elle n’a pas d’impact significatif sur le vote estimé.

Éviter la répétition de cette « erreur »

En somme, le sondage préélectoral a sous-estimé l’appui à la CAQ en partie parce que la CAQ a fait des gains dans les derniers jours de la campagne et parce qu’une forte proportion des discrets ont finalement voté pour ce parti. L’inverse s’applique pour l’appui au PLQ. La différence entre les sondages et le vote ne semble donc pas due à des problèmes méthodologiques.

Comment éviter qu’une telle « erreur » se reproduise ? Il faut sans doute trouver des moyens pour caractériser les campagnes électorales de façon à pouvoir identifier les contextes susceptibles d’entraîner des changements de dernière minute ou des mouvements des discrets disproportionnés vers un parti en particulier. Et il faut accepter le fait que ceci entraîne que les sondages ne peuvent pas toujours prédire l’issue des élections.

Méthodologie de la recherche

Dans le cadre de cette étude postélectorale, Ipsos a recontacté les 1250 répondants ayant pris part à son dernier sondage de la campagne électorale, publié le 29 septembre dans La Presse et sur Global News. Sur les 1250 personnes contactées, 842 ont pris part à cette seconde vague de sondage, pour un taux de participation de 67 %. De ces 842 répondants, 250 ont répondu par téléphone (117 sur cellulaire et 133 sur ligne filaire) et 492 l’ont fait par l’internet. Les entrevues téléphoniques ont été tenues du 12 au 17 octobre alors que les entrevues par l’internet ont été tenues du 12 au 19 octobre. Puisque ce sondage se veut un sous-échantillon d’un échantillon préalablement constitué, il n’est pas considéré probabiliste, et Ipsos n’applique par conséquent pas de marge d’erreur à ce sondage.

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