Chronique

Pauvres petits-enfants des boomers !

Que voulons-nous léguer à nos enfants et petits-enfants ? Un gros tas de dettes ? Des services publics impossibles à maintenir ? Des coffres de l’État à sec ? Bien sûr que non !

Mais quand on regarde de quoi les finances publiques auront l’air dans plusieurs décennies, on réalise que les jeunes d’aujourd’hui devront supporter un fardeau fiscal beaucoup plus lourd que celui de leurs parents de la génération X et de leurs grands-parents, les baby-boomers.

Les résultats d’une étude de l’Institut CD Howe qui sera dévoilée ce matin m’ont jetée en bas de ma chaise. Elle démontre que les petits-enfants des boomers qui ont en ce moment 14 ans et moins assumeront des « taxes nettes réelles » vingt fois plus élevées que celles de leurs parents. Vingt fois !

Cette mesure tient compte non seulement des impôts et des taxes versés par les contribuables, mais aussi des transferts fiscaux et des services qu’ils obtiennent en échange (santé, éducation, etc.).

« En règle générale, les baby-boomers et leurs enfants s’en sortent bien, mais pas les petits-enfants des baby-boomers », constate l’auteure de l’étude, Parisa Mahboubi, qui a utilisé la méthode de la comptabilité générationnelle pour évaluer le fardeau financier de chaque génération.

Prenons par exemple les ados qui sont nés en 2005. Ces jeunes de 13 ou 14 ans devront assumer des taxes nettes réelles d’environ 531 000 $ durant toute leur vie. Ce fardeau est considérablement supérieur à celui de leurs parents, nés par exemple en 1975, qui forment la cohorte avec le plus faible fardeau des 100 dernières années. Au net, ces personnes qui ont 44 ans aujourd’hui verseront à peine 26 000 $ durant toute leur vie.

Pour l’équité intergénérationnelle, il faudra repasser !

Et ce scénario pourrait être encore pire si l’on ne parvient pas à réduire la croissance des dépenses en santé à un niveau inférieur à celui qu’on a connu récemment. Une hausse des taux d’intérêt pourrait aussi noircir le portrait.

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Les résultats de cette étude font écho à ceux d’une autre étude publiée en novembre dernier par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Les chercheurs ont évalué les perspectives budgétaires du gouvernement du Québec sur un horizon de 40 ans. Ils en arrivent à la conclusion que la situation risque de se gâter dans 10 ans avec le vieillissement de la population.

Si on continue à ce rythme, les déficits structurels vont refaire surface à partir de 2028. Les finances publiques du Québec seront sur la corde raide. Et il faudra faire des choix difficiles.

Tic, tac, tic, tac. Il reste une décennie pour s’ajuster aux changements démographiques qui entraîneront une augmentation des coûts des régimes de retraite et des soins de santé, tout en freinant la croissance économique.

Plus on attend, plus le choc sera brutal. C’est un peu comme en voiture : il vaut mieux regarder au loin pour freiner doucement à l’avance, plutôt que de mettre le pied sur le frein d’un coup sec juste avant de foncer dans le mur.

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Alors que faire ?

Tout d’abord, Québec pourrait créer un poste comme celui du directeur parlementaire du Budget à Ottawa, comme l’a suggéré, hier, l’Association des économistes du Québec (ASDEQ) dans un avis au ministre des Finances du Québec qui doit déposer son premier budget bientôt.

Ce directeur aurait pour mandat de faire des projections sur la santé des finances publiques sur un horizon de 10 à 40 ans. La Coalition avenir Québec (CAQ) ne devrait pas être si difficile à convaincre, puisqu’elle était pour cette proposition alors qu’elle était dans l’opposition.

Ensuite, il faudrait être prudent avant d’utiliser la réserve de stabilisation pour accorder des baisses d’impôt rétroactives, comme l’a fait le gouvernement libéral avant les élections.

Il est facile de donner des bonbons fiscaux quand les finances sont en ordre et que l’économie tourne à plein régime. Mais il est plus difficile de resserrer la vis quand une récession fait fondre les surplus comme un banc de neige sous la pluie.

Enfin, dans un contexte où la population active décline, il faudrait favoriser la participation des femmes sur le marché du travail, encourager les étudiants étrangers à faire leur nid chez nous et inciter les travailleurs à reporter leur retraite.

Présentement, beaucoup de retraités qui retournent sur le marché du travail se font gruger tous leurs revenus d’appoint par l’impôt, les cotisations salariales et la perte de prestations. Autant rester chez eux !

Pour qu’il leur en reste davantage dans leurs poches, on pourrait bonifier l’aide fiscale aux travailleurs d’expérience. On pourrait aussi permettre aux travailleurs de 65 ans et plus de cesser de cotiser au Régime de rentes du Québec (RRQ), comme je l’écrivais hier. Le plus beau, c’est que ça ne coûterait rien à l’État.

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