Tendances

2017 en sept pistes

De quoi sera faite l’année 2017 ? De tomates ancestrales cultivées par des robots ? De fausses nouvelles carburant à la vraie pub ? De consommateurs milléniaux ou boomers ? D’intelligence artificielle ou de livraison à la voile ? Sept pistes de réflexion sur ce qui nous attend…

La robotisation partout

La robotisation n’est pas propre à 2017, mais bien à notre siècle et va aller en augmentant pour atteindre des secteurs insoupçonnés de nos vies, bien au-delà des machines-outils ou des robots de transport de marchandises dans les entrepôts et des voitures qui s’autoconduisent. On parle de boulots de cols blancs, aussi, qui vont être automatisés.

Il va rester des emplois pour les humains, mais lesquels ? Ceux qui livrent à la voile, transatlantique, des produits vraiment écolos ?

L’exemple le plus frappant de la fin de 2016 : l’ouverture à Seattle, au début de décembre, d’Amazon Go, un supermarché réservé aux employés d’Amazon où on s’inscrit avec son téléphone intelligent en entrant pour ensuite faire toutes ses courses et repartir sans autre formalité. Pas de file d’attente, pas de caisse. La clé : l’intelligence artificielle de systèmes de reconnaissance de l’image parents avec ceux utilisés pour l’autoconduite des Tesla, qui permet de nous voir, de nous saisir en train de magasiner. « Ça, c’est typique de ce qui s’en vient », note François Lacoursière, vice-président exécutif chez Sid Lee.

La polarisation

Est-ce nécessaire de l’expliquer et de l’illustrer autrement que par un nom : Trump ? On aurait pu ajouter Brexit. (Et qu’arrivera-t-il avec Marine Le Pen et le Front national à la présidentielle de 2017 ?) Rarement aura-t-on eu le sentiment d’une société aussi nettement séparée entre des pôles qui croient tous défendre l’idéal : la modernité ou les traditions, la créativité naissant du chaos ou la paix et la logique innées de l’ordre, le changement ou la protection.

Comment établir des stratégies d’affaires globales devant cette bipolarité ? À qui vendre ? À qui parler ?

« La moyenne n’existe plus », dit François Lacoursière. Florence Girod, chef de la stratégie chez Cossette, croit qu’il faudra profiter de 2017 pour étudier l’autre versant des questions qui nous tiennent à cœur. « Quand on s’intéresse trop à un groupe, on ne voit plus l’autre qui est bien là », affirme la publicitaire. Celle qui se dit fondamentalement féministe pense par exemple qu’il faudra commencer à s’intéresser aux garçons, à leurs désespoirs, à leurs défis…

« Actuellement, c’est très caricatural, la thématique de la masculinité en publicité, par exemple, dit-elle. Peut-on parler des hommes autrement ? » Surtout qu’elle note, par exemple, un retour des métiers traditionnels, amorcé depuis quelques années, mais qui se démocratise de plus en plus. Ébénistes, cordonniers, agriculteurs… « C’est une bonne nouvelle, les gars ne peuvent pas tous être dans des start-up ! »

Les milléniaux et les autres

François Lacoursière croit qu’une des conséquences de l’élection américaine est que les personnages qu’on croyait marginaux – vus des agences de pub, des médias ou des quartiers généraux des partis politiques traditionnels, par exemple – ne le sont plus et apparaissent comme drôlement importants.

« Il y a un gros retour du pendule », dit-il, loin du millénial urbain qui a été au centre des préoccupations du marketing depuis des années. « Là, ça va changer. On réalise qu’une bonne partie du public, qui n’est pas un millénial urbain, ne se reconnaissait plus. Et que ces gens-là ne veulent pas nécessairement tous des fusils. C’est pas mal plus subtil. Il va falloir apprendre à adapter l’offre. »

François Lacoursière croit à un retour à l’avant-plan de certains domaines associés au masculin ou au rural traditionnel… On parle de quincaillerie de proximité, d’agriculture, de valorisation de la vie non citadine, même si ces concepts doivent être regardés avec lucidité et non pas avec la lorgnette idéaliste des milléniaux urbains.

La synchro-sécurité

À l’heure de l’internet et de l’hypercommunication, plus personne n’est pas l’abri des conséquences d’événements survenus à l’autre bout du monde. 

« Il y a une attaque sur un marché de Noël à Berlin et 48 heures plus tard, on ne peut plus filmer une pub au marché de Noël de Montréal, car il y a des blocs de béton partout pour bloquer les véhicules. »

— François Lacoursière, vice-président exécutif chez Sid Lee

Et nulle part ailleurs les conséquences de cette synchronicité ne sont aussi palpables que dans le domaine de la sécurité. « Les entreprises vont constamment devoir réagir pour ne pas être blâmées », explique-t-il. La sécurité informatique devient un casse-tête et une source d’angoisse constante. L’avenir devrait nous amener à nous inquiéter des vols de données et à être plus vigilants. La circulation de notre identité de consommateur sur le web n’est pas une sinécure. Et la consolidation des entreprises, la présence de géants comme IKEA ou Amazon, augmente le risque.

L’expérience en ligne

On a souvent dit que la différence entre l’achat dans une boutique ayant pignon sur rue et un achat en ligne, c’était la qualité de l’expérience. Comme si l’achat en ligne pouvait se permettre d’être banal, tandis que l’achat en vrai devait devenir une aventure. Ces frontières disparaissent.

D’abord, prévient M. Lacoursière, le commerce sur le web continue de grossir et de grossir, et les commerçants québécois ne peuvent ignorer cela qu’à leur propre péril. Et en 2017, l’expérience de l’achat en ligne doit s’améliorer. Toute la question de l’interface avec le client, du suivi des commandes, de la précision des descriptions et de la livraison doit être étudiée. Comment optimiser la livraison et éviter que les transporteurs se rendent dans des dizaines de domiciles pour rien parce que personne n’est là pour répondre ? Les grandes entreprises doivent-elles, par exemple, profiter de leurs services déjà existants pour ouvrir des services de réception de colis pour les employés ? Et comment limiter les coûts de transport en évitant les embouteillages et sans faire travailler les coursiers comme des fous ?

Actuellement, à Tokyo, la poste japonaise et deux services de livraison testent un système de livraison en métro, histoire d’éviter les bouchons. Si cela fonctionne, de nouvelles rames cargo seraient attachées aux trains traditionnels…

Les genres redéfinis, la suite

Voilà quelques années qu’on parle de plus en plus des transgenres, queers et autres LGBTQ2. En 2016, la chanteuse Cœur de pirate a mis la question à l’avant-plan. En 2017, Florence Girod de Cossette se demande où tout ça s’en ira.

« C’est quoi, l’étape suivante ? », demande-t-elle. « Assistera-t-on à une dégenrification de la communication publicitaire ? Il y a des gens fascinés et d’autres traumatisés… »

Dans les vêtements, le mouvement « neutre » est présent. Rad Hourani, designer montréalais, en est un porte-étendard, mais Zara a suivi en 2016 et des marques comme Vêtements Collections ou Acne Studios s’amusent à flouter les frontières. Et il suffit de voir comment les ados partagent leurs bottes Blundstone, leurs chemises à carreaux, leurs vieux Canada Goose ou leurs Nike Roshe pour comprendre que bien des compartiments n’existent simplement pas à leurs yeux. « Je vends surtout des pulls “je suis féministe” à des hommes », disait récemment la gérante de la boutique OTH, dans le Vieux-Montréal.

Dans le jouet et les vêtements pour enfants, un mouvement contre la sexualisation de tout est solidement en place. On pense, par exemple, à la campagne britannique « Let Toys be Toys », laissons les jouets être des jouets. Aux États-Unis, la chaîne Target a finalement lancé une gamme de produits totalement sans genre pour les chambres d’enfants, et Toys “R” Us a finalement « neutralisé » aussi ses allées et ses étiquettes. Florence Girod rappelle le grand numéro de National Geographic publié en 2016 et consacré essentiellement à la redéfinition de l’idée de genre. « J’ai hâte de voir où tout ça s’en va. »

Le décrochage

« Partout je sens un appétit pour une pause », dit Florence Girod. Un trop-plein de réseaux sociaux, de nouvelles sur le web, de courriels, de tout. « On vit constamment dans des montagnes russes. Une minute Alep à feu et à sang, ensuite un reportage sur une nouvelle tour avec des apparts à 20 millions à Montréal… Je sens qu’on a besoin de repos. » Hôtels sans WiFi, vacances à l’abri du courriel et autres expériences de décrochage du virtuel auront sans doute la cote en 2017. Et peut-être verra-t-on le concept évoluer.

Namasté. Et bonne année !

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