Hockey

Des soins dans l’anonymat

Derrière chaque athlète se cache un vaste réseau de soutien professionnel. Le monde du sport étant ce qu’il est, on en sait toutefois très peu sur ce réseau, toute l’attention étant portée sur les athlètes.

Les visages les plus connus de ce réseau sont généralement les agents. Au hockey, les Pat Brisson, Allan Walsh et Don Meehan sont des vedettes de leur propre milieu et bénéficient d’une certaine notoriété dans le grand public.

Derrière les agents, c’est plus nébuleux. Certains préparateurs physiques finissent par devenir assez populaires. Au Québec, Stéphane Dubé, l’homme derrière Pascal Dupuis et Alexandre Burrows, en fait partie. Aux États-Unis, Ben Prentiss, qui s’occupe notamment de Max Pacioretty et qui a encadré Martin St-Louis, est un autre visage connu du milieu.

Le Québécois Kenny Spracklin, lui, fait son travail dans l’anonymat. C’est que, dans un rôle à la fois de préparateur physique et de thérapeute sportif à son compte, il est soumis à un certain secret. Quand Andrei Markov, par exemple, se remettait de sa dernière opération à un genou, il aurait été mal avisé de la part de Spracklin de publier un égoportrait avec le ténébreux défenseur du Canadien !

« Je traite des joueurs qui ont des petits bobos, pour leur permettre de continuer à jouer au lieu de s’arrêter plusieurs semaines », explique Spracklin, rencontré hier à son gymnase situé tout près de l’ancien hippodrome.

C’est donc en toute discrétion qu’il voit au bien-être de ses athlètes, parmi lesquels on retrouve « une dizaine » de joueurs de la LNH. De ce nombre, il y a notamment Marc-André Fleury, des Penguins de Pittsburgh. Le gardien des Remparts de Québec Callum Booth fait aussi partie de ses protégés.

Dans la NFL, le Québécois Cory Greenwood, qui a porté les couleurs des Chiefs de Kansas City pendant trois saisons, a permis à Kenny Spracklin de travailler avec quelques joueurs du circuit.

Du reste, il préfère demeurer discret sur l’identité de ses clients, en particulier ceux qui ont besoin de soins. Cette année, il épaulera même une équipe de l’Association de l’Est de la Ligue nationale pendant le camp d’entraînement, mais il préfère ne pas en dévoiler l’identité publiquement.

« L’important, pour moi, c’est que les athlètes aient confiance en moi. Que ce qu’on fait ensemble, ça reste entre nous, explique-t-il. Je suis fier qu’ils aient confiance en moi au point de tout me dire et que rien ne sorte. Ça leur donne plus de confiance et ça me permet de mieux comprendre ce qui se passe. Mais c’est dur parfois, car j’aimerais en parler plus. Si je nommais deux, trois personnes avec qui j’ai travaillé, ça m’ouvrirait plus de portes ! »

DANS L’ENTOURAGE DU CANADIEN

Élevé dans les Cantons-de-l’Est, Kenny Spracklin est déménagé à Montréal, où il a étudié en thérapie du sport à l’Université Concordia.

De là, un stage avec Scott Livingston, qui était alors préparateur physique du Canadien, lui a ouvert les portes du sport professionnel. C’est ainsi qu’il a pu travailler avec Markov, pendant la rééducation à la suite de sa troisième et dernière opération à un genou, de même qu’avec Hal Gill et Maxim Lapierre.

Aujourd’hui, c’est surtout l’été qu’il travaille avec des joueurs de la LNH. Mais pendant la saison, il peut aussi arriver que ses services soient requis.

« Je traite parfois des joueurs des équipes adverses quand ils sont sur la route, explique-t-il. Par exemple, si les Blackhawks sont à Montréal et qu’un de mes clients joue pour eux, le client peut me demander de le rencontrer à l’hôtel pour un traitement, la veille du match. Parfois, je les rencontre simplement pour adapter leur programme d’entraînement en fonction des petites blessures qu’ils traînent. »

À SOTCHI

Au niveau amateur, son association avec B2Dix lui a permis d’ajouter à son portfolio deux médaillés olympiques : Alexandre Bilodeau et Dominique Maltais.

Mais encore là, son travail se fait en toute discrétion. Une recherche sur Google avec son nom et ceux des athlètes permet de retracer une poignée de références. Un tweet de Bilodeau par-ci, une mention dans une citation de Maltais par-là.

Cela dit, sa présence dans le quotidien des athlètes était importante au point où il était à Sotchi quand les athlètes canadiens ont fait le plein de médailles.

« Sotchi, c’était vraiment cool, très excitant. C’était go, go, go ! Je faisais beaucoup de traitements. »

— Kenny Spracklin

« J’ai beaucoup de fierté quand je regarde Dominique Maltais, qui était en béquilles quelques semaines avant les Jeux de Sotchi, et qui a quand même gagné une médaille olympique. »

Ajoutez à cela l’ascension de l’Everest, de même qu’une randonnée Vancouver-Montréal à vélo, et vous avez le portrait d’un homme qui a amplement de vécu pour ses 30 ans...

La préparation des gardiens

Avec Marc-André Fleury et Callum Booth parmi ses clients, Kenny Spracklin a l’habitude de travailler avec des gardiens. Quelle est la clé de leur préparation physique ? « C’est plus de souplesse et de stabilité. Si le bassin n’est pas stable, le gardien aura une petite faiblesse dans ses déplacements. Regarde les gardiens dans la LNH, quand ils sont à genoux, ils se relèvent très souvent avec la même jambe. Ils développent donc des faiblesses. Si tu n’as pas un bon bassin et que tu compenses, ton bassin peut se désaligner. Mais le corps est magnifique : il peut toujours compenser. Si tu n’es pas efficace avec tes jambes, ton dos va travailler plus. Mais s’il travaille plus, tu vas te blesser. Tu utilises tes muscles pour te stabiliser, quand ça devrait être le travail du bassin. »

Les fameux « congés thérapeutiques »

C’est la chose la plus commune et, en même temps, la plus nébuleuse de la couverture quotidienne des activités du Canadien. Avant les entraînements, l’équipe tweete que tel ou tel joueur est absent en raison d’un « congé thérapeutique ». On ne connaît jamais les détails, puisque comme toute équipe, le Tricolore protège jalousement l’information médicale. À quoi peut ressembler une telle journée ? « Ce sont souvent des traitements sur les tissus mous : muscles, tendons, explique Kenny Spracklin. L’athlète doit ensuite prendre du temps pour relaxer après les traitements. Tu rentres dans le muscle en profondeur, donc tu ne veux pas que l’athlète joue après ça. Même chose en ostéopathie : par exemple, ton bassin est désaligné, ce qui te cause des douleurs à l’aine. Mais si tu replaces le bassin et que tu ne prends pas de pause, il peut se déplacer rapidement. Donc, la journée permet au corps d’assimiler le traitement, de rester aligné. »

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