Inquiétant pour l’industrie ?

Le désintérêt croissant des milléniaux pour la voiture, illustré par le refus croissant de passer le permis de conduire, devrait-il inquiéter l’industrie automobile ?

Vice-président de Toyota Canada, Stephen Beatty réfute cette idée : « Nos recherches montrent que les jeunes nord-américains valorisent encore les véhicules et repoussent seulement la propriété, ils ne la rejettent pas. En fait, nous avons connu des ventes record dans l’industrie ces dernières années, le marché est pas mal robuste. »

Observateur attentif de l’évolution des comportements des jeunes adultes, Dominic Larivée, vice-président exécutif d’Optima Marketing, estime que les constructeurs automobiles et les concessionnaires devraient s’intéresser un peu plus aux moins de 25 ans et ne pas se frotter les mains devant les ventes record qui se profilent encore à l’horizon. Car les lendemains de fête risquent d’être rudes.

« Le problème n’est pas encore en train d’être saisi par l’industrie automobile puisqu’elle dit que le parc automobile continue à croître. Mon sentiment, c’est que l’on va un peu se heurter à un mur à un moment donné. »

— Dominic Larivée, vice-président exécutif d’Optima Marketing

« Quand cette cohorte de jeunes va être le cœur de la population active du Canada et du Québec, ça va changer les choses de façon importante. Les autres générations contrebalancent pour le moment ce non-intérêt pour la voiture. Ça peut devenir inquiétant. »

Plus haut représentant officiel des concessionnaires au Québec, Jacques Béchard avoue totalement ignorer cette menace fantôme et illustre l’insouciance des vendeurs.

« On ne s’est pas penchés là-dessus. Peut-être parce qu’on est dans nos meilleures années de ventes », reconnaît le président de la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec.

Est-il inquiet de savoir qu’il y a une érosion progressive des détenteurs de permis de conduire ? « Jusqu’ici, non. Si on n’était pas dans nos meilleures années, on penserait peut-être à ça », répond-il.

Catherine Morency ne porte pas le même regard sur l’attitude de l’industrie automobile. 

« Je pense que les constructeurs automobiles se penchent déjà [sur ce problème des jeunes]. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont embarqué dans les systèmes d’autopartage. »

— Catherine Morency, professeure titulaire de la Chaire Mobilité à l’École polytechnique de Montréal

Les grands constructeurs de la planète ont effectivement pour la plupart annoncé cette année qu’ils investiraient dans des services de mobilité. Comme Peugeot-Citroën l’a fait au sein de Communauto. Parce que leurs clients se dirigent de plus en plus vers le partage de véhicules. Quand ils ne les boudent pas.

L’offre de services de mobilité ne cesse d’augmenter dans tous les grands centres urbains de la planète. De la voiture en libre-service aux transports en commun, en passant par les Uber, Téo Taxi et autres Communauto, les Montréalais ont accès aujourd’hui à une offre inégalée d’options de transport. « Ces alternatives ont un impact sur la nécessité de recourir à l’automobile », commente Catherine Morency.

On pourrait croire que le problème ne sera circonscrit à l’avenir qu’aux villes. Or, le phénomène s’amorcerait en banlieue, parfois au-delà de la première couronne.

« Cette tendance semble s’amorcer également en dehors des villes-centres, mais plus discrètement, certainement en raison d’une offre de transport moins importante, qui rend l’usage de la voiture souvent incontournable », observe l’équipe de chercheurs franco-canadiens EvolMob, qui s’est penchée pendant deux ans sur les habitudes des jeunes de moins de 30 ans à Montréal, Lyon et Grenoble.

Ce dédain du permis de conduire ne se manifeste pas dans les campagnes québécoises. Mais attention, l’étalement urbain et l’exode rural des moins de 25 ans renforcent le poids démographique des agglomérations de la province…

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