Céleste Boursier-Mougenot au MBAM

Pinsons en résidence

L’artiste visuel et musicien français Céleste Boursier-Mougenot a transformé ces jours derniers le Carré d’art contemporain du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) en une immense volière. Des pinsons y « créent » une œuvre musicale quotidienne en posant leurs pattes sur 14 guitares électriques. Présentée dès demain et jusqu’au 27 mars, l’installation immersive devrait plaire autant aux petits qu’aux grands…

Rendue hermétique par un double rideau métallique, la salle du Carré d’art contemporain du MBAM est devenue, samedi dernier, une immense volière dans laquelle 70 diamants mandarins vivent en liberté.

Quand on entre dans la salle, on est saisi par les piaillements de ces petits oiseaux et par une musique de type contemporain formée de bruits aigus et de riffs de guitare qui résultent des mouvements que font ces pinsons d’origine australienne quand ils se posent sur les instruments.

Artiste ayant représenté la France lors de la dernière Biennale de Venise, Céleste Boursier-Mougenot présente la 19e version de son œuvre conceptuelle from here to ear créée en 1999. Commandée par l’ex-conservateur de l’art contemporain au MBAM Stéphane Aquin, avant qu’il ne parte le musée pour Washington, cette œuvre est une installation au sein de laquelle le visiteur peut se promener.

JOUEURS DE GIBSON

Les déplacements du visiteur provoquent l’envol des oiseaux, qui vont ainsi d’une guitare à une autre, ce qui provoque, chaque fois, la création de sons. Les 14 guitares électriques et basses Gibson sont branchées à des amplificateurs. Elles ont été placées sur des trépieds et réparties dans un espace sablonneux décoré par quelques plantes. Les oiseaux, qui proviennent d’un oiseleur de la région de Thetford Mines, sont ainsi comme des artistes en résidence.

On leur a concocté quatre grands panneaux percés de 49 trous chacun pour leur permettre de nicher contre les murs. Car ces diamants mandarins à la queue rayée noir et blanc et au bec orange ne font pas d’heures supplémentaires. À la fin de la journée, à 19 h au maximum, ils vont reposer leurs pattes et leur voix dans de petits nids douillets. Durant la journée, ils sont nourris avec des graines et de l’eau placées sur des cymbales en cuivre posées sur le sable.

« Un vétérinaire aviaire va venir une fois par semaine s’assurer de leur bonne santé et nous travaillons quotidiennement avec une équipe de techniciens en animalerie », précise Marie-Ève Beaupré, conservatrice de l’art québécois et canadien postérieur à 1945. Un nettoyage quotidien des lieux permet aussi de les maintenir propres.

UNE VERSION INÉDITE

L’installation est conçue de telle sorte que le visiteur ne passe pas trop près des guitares, mais suffisamment pour provoquer l’envol des oiseaux. Après avoir expérimenté from here to ear à Paris, New York, Milan, Brisbane et Linz, en Autriche, Céleste Boursier-Mougenot est heureux d’avoir bénéficié d’une grande salle au MBAM pour y recréer son œuvre phare. Les oiseaux ont ainsi beaucoup d’espace pour voler.

« L’équipe est fantastique au Musée des beaux-arts. Les gens sont très motivés et j’ai pu m’enfermer avec les oiseaux et rester quand je voulais pour travailler. »

— Céleste Boursier-Mougenot

Céleste Boursier-Mougenot a mis une dizaine de jours à installer son œuvre, avec l’aide des techniciens du MBAM. Il a dû tenir compte du potentiel sonore de la salle, accorder les instruments et reprogrammer son installation qui produit, grâce aux oiseaux, un assortiment de rythmes blues et rock qui forme une œuvre continue et « vivante » qui dépend de la déambulation des visiteurs et des mouvements des oiseaux.

« Les guitares sont toutes accordées différemment et ont toutes un ampli à modélisation, dit l’artiste né en 1961. Après le passage de l’oiseau, il y a du delay, des boucles d’un peu plus d’une seconde qui créent un rythme, une sorte d’arpège sur lequel jouent d’autres guitares avec de la distorsion. En fait, je compose dans l’espace une partition en trois dimensions. »

Cela fait 20 ans que Céleste Boursier-Mougenot croise les sciences, la nature et les arts, tout en travaillant avec des oiseaux. « L’œuvre from here to ear est une sorte de concert qui va durer plusieurs mois, dit-il. Une pièce qui évolue et qui est vivante. Des gens auront une perception et d’autres en auront une autre. C’est ma manière de faire de la musique et j’ai aussi des pièces que j’ai réalisées avec piano, porcelaine ou même avec des arbres connectés. »

Au Musée des beaux-arts de Montréal du 25 novembre au 27 mars

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