Opinion

Le meilleur cours de finances personnelles

En 1988-1989, notre enseignante Suzie a fait quelque chose que peu de ses collègues d’aujourd’hui font avec des enfants : elle nous a parlé d’argent. Sacrilège ! Capitalisme juvénile ! diraient les anarchistes. Chose certaine, cette année-là, en plein déclin de la carrière de Samantha Fox, nous apprenions les rudiments de l’intérêt composé.

Les règles étaient simples : chaque défi relevé sélectionné par l’enseignante apportait une rémunération en argent de Monopoly. Chaque élève gardait le compte dans une enveloppe bien rangée dans son bureau. Pour éviter l’apport de faux billets, l’enseignante avait même instauré un système antifraude où les billets utilisés par la classe étaient marqués. Pendant que Rick Astley chantait Together Forever, nous faisions fructifier l’argent.

Chaque semaine, l’enseignante jouait le rôle du banquier en offrant de l’intérêt sur la somme cumulée. De même, elle ajustait le solde de notre compte sur l’enveloppe en récupérant les billets, comme une banque le ferait.

Si bien que ceux qui avaient une bonne performance en classe obtenaient une rémunération supérieure aux autres. Par exemple, ce pouvait être : « Pour 10 $, quelle est la réponse à cette question ? » Périodiquement, nous avions un encan en classe de divers objets : crayons, cahier, livre d’écriture, etc.

RÉSERVES MONÉTAIRES

Au début, les prix des articles étaient raisonnables et accessibles à tous. Plus le temps s’écoulait, plus les élèves accumulaient des réserves monétaires et des intérêts. De telle sorte que les premiers consommateurs, ceux qui s’étaient procurés les biens en premier, se retrouvaient dans l’incapacité d’acquérir de nouveaux articles, puisque les plus économes du début pouvaient alors miser de plus grosses sommes pour les biens les plus convoités. Nous venions de comprendre le principe de l’inflation.

À la fin de l’année scolaire, Dominique, celle qui avait compris les règles du jeu, avait ramassé les plus beaux prix de l’encan final. Je me souviens d’une élève qui avait alors dit : « Ce n’est pas juste, elle a tous les premiers prix. » Qu’est-ce que Dominique avait compris ? En épargnant davantage que les autres, on se retrouve avec du capital qui fait du rendement tout seul. Elle faisait de l’argent, même en dormant. Peu importe les nouvelles entrées d’argent de ses confrères et consœurs de classe, le capital de Dominique dépassait celui des autres.

Cet exercice perdurant sur une année scolaire a permis à des enfants de 9 et 10 ans de l’école Saint-Joseph-Artisan de Salaberry-de-Valleyfield de comprendre quelques notions de base en finances personnelles. Premièrement, épargner et investir au début d’une carrière est la seule façon d’aspirer plus facilement à un actif net financier intéressant. Deuxièmement, se fier aux entrées de fonds hebdomadaires de salaire peut ne pas être cohérent à long terme avec les besoins financiers. Troisièmement, ceux qui appliquent les règles du jeu présentent de meilleures performances.

Alors, qu’est-ce que l’on attend au Québec pour parler d’argent à l’école et cela à tous les niveaux scolaires ? Qu’est-ce que l’on attend pour accorder autant d’importance aux mathématiques financières et aux finances personnelles que l’on en accorde aux arts, à la science, à l’histoire, à l’éducation physique ou au français ? C’est un vœu pieu, ou Like a prayer, comme le chantait Madonna durant cette année scolaire de référence.

Cette année encore, nombre de Québécois ne paieront pas leur dû au gouvernement si bien qu’ils devront faire des arrangements de paiement sur 12 mois. La dette de consommation moyenne par Québécois est de 18 070 $. On a beau lancer des alertes, il semble qu’il faudra « Tous les cris les S.O.S. » pour convaincre la population que la culture financière n’est pas plus vulgaire que la culture littéraire ou théâtrale : c’est une question d’équilibre.

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