économie

Le Québec n’a jamais créé autant d’emplois. La province se classe même première au Canada à ce chapitre. Et certains secteurs sortent gagnants de ce boom, qui fait aussi quelques perdants.

Chronique

Employés recherchés, désespérément

Je n’avais jamais vu ça. Imaginez, une entreprise de Gaspé qui se paye une pub à la télé à Montréal pour attirer désespérément des employés qualifiés ! Une entreprise de la Gaspésie, région réputée pour ses nombreux chômeurs !

Les messages publicitaires, payés 50 000 $, ont été diffusés durant tout le temps des Fêtes, aux heures de grande écoute. L’entreprise en question est LM Wind Power, qui a décroché un mégacontrat avec un client américain, l’été dernier.

Le fabricant d’éoliennes cherche des techniciens, des employés de production, des ingénieurs, des superviseurs, etc. Pas des emplois précaires, mais plusieurs dizaines de postes permanents garantis pour plusieurs années. Une grande annonce est d’ailleurs prévue demain, à Gaspé. Pincez-moi quelqu’un, je rêve !

Le cas de LM Wind est une belle illustration d’un véritable phénomène qui a cours au Québec : le boom des emplois. Depuis six mois, il s’est créé 88 300 jobs au Québec, selon les données de Statistique Canada. Tant et si bien que le taux de chômage atteint un creux historique (taux moyen de 7,1 % en 2016).

Une des statistiques qui donne le meilleur pouls du phénomène est le taux d’emploi, soit la proportion de la population en âge de travailler qui occupe un emploi. En décembre 2016, 60,8 % des gens âgés de 15 ans ou plus occupaient un emploi au Québec (les autres étant aux études, en chômage, à la retraite, en arrêt de travail, etc.).

Ce taux d’emploi prend tout son sens quand on le mesure pour le groupe le plus actif dans la société, soit celui des gens âgés de 25 à 54 ans. Parmi ce groupe, 83,5 % occupaient un emploi en décembre 2016, du jamais vu au Québec depuis que Statistique Canada compile ce genre de données (1976). Il s’agit non seulement d’un record historique au Québec, mais d’un sommet canadien, puisqu’aucune autre province n’avait un tel taux d’emploi dans ce groupe d’âge en décembre dernier !

Que se passe-t-il donc au Québec ?

D’abord, le secteur privé, optimiste, a recommencé à créer de nombreux emplois. Il faut dire que la baisse du dollar a stimulé le tourisme et a des effets sur nos exportations. En parallèle, la vigueur des secteurs de la construction – les cônes orange – et des technos a contribué à créer de nouveaux postes.

À cela s’ajoutent, bien sûr, la fin des compressions aux gouvernements du Québec et du Canada et, conséquemment, le déblocage de certaines enveloppes dans le secteur public. Depuis six mois, justement, 40 300 des 88 300 emplois au Québec ont été créés dans le secteur public, selon les données de Statistique Canada.

Bref, les astres sont alignés, et il est bien possible que nos efforts collectifs depuis quelques années donnent des fruits, quoi qu’en pensent certains.

Depuis 20 ans, faut-il le rappeler, ce sont les femmes qui ont absorbé une grande part des nouveaux emplois. En 1996, avant les garderies à 5 $ par jour, le taux d’emploi des femmes de 25-54 ans était d’à peine 65 % au Québec, alors qu’il est maintenant de 82 % (en décembre). En comparaison, ce taux d’emploi chez les femmes de l’Ontario est passé de quelque 71 % à 77 % durant la même période. Tout un rattrapage !

Informatique, jeux vidéo et ingénieurs

Cela dit, certains secteurs économiques s’en tirent mieux que d’autres. Pour avoir un portrait, j’ai comparé la croissance du nombre d’emplois par grands secteurs depuis 10 ans.

Sans surprise, c’est le secteur des technologies de l’information, des services informatiques et des jeux vidéo qui a le plus bénéficié du boom. En 2016, ce secteur regroupait 86 300 employés au Québec, soit 23 100 de plus qu’en 2006 (+ 37 %).

Le secteur des services professionnels suit (ingénieurs, avocats, comptables), avec un bond de 32 % (54 700 jobs de plus), de même que celui de l’hébergement et de la restauration (+ 31 % ou 67 600 emplois de plus). La construction vient au 6e rang (+ 27 % ou 50 300 emplois de plus).

Forêt, fabrication et agriculture

Du côté des perdants, trois grandes victimes : la foresterie, la fabrication et l’agriculture. Dans le premier cas, qui englobe aussi les pêches et les mines, les pertes d’emplois se chiffrent à 20 % depuis 10 ans (7700 emplois de moins).

Le secteur de la fabrication, de son côté, a subi les contrecoups d’un dollar canadien très élevé pendant plusieurs années, attribuable notamment au fort prix du baril de pétrole. Ce secteur a perdu 87 200 jobs au Québec, soit 15 % de ce qu’il comptait en 2006.

Avec le retour du huard à un plus bas niveau, il n’est pas impossible que le secteur manufacturier reprenne du poil de la bête, comme on le voit chez LM Wind. On verra. Enfin, les fermes du Québec comptent 8500 employés de moins qu’il y a 10 ans, soit une baisse de 13 %.

Voilà qui fait le tour. Oh, j’oubliais : globalement, le Québec a créé 387 000 emplois depuis 10 ans et plus d’un million d’emplois depuis 20 ans. Qui a dit que le Québec stagnait ?

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.