Centralisation des laboratoires

Les médecins de Sainte-Justine sonnent l’alarme

En centralisant ses laboratoires diagnostics dans des superstructures, Québec menace grandement la qualité de soins offerts aux enfants malades, estiment les médecins du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine. Dans une lettre envoyée à leur conseil d’administration le 15 septembre et obtenue par La Presse, les médecins de Sainte-Justine sonnent l’alarme sur le projet Optilab qui aura des « conséquences potentiellement graves sur les soins aux patients » selon eux.

« Il faut agir avec prudence dans ce dossier », affirme la présidente du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) du CHU Sainte-Justine, la Dre Valérie Lamarre.

Avec son projet Optilab, le gouvernement veut créer des « mégalaboratoires » qui réaliseront la majeure partie des analyses des hôpitaux des différentes régions du Québec. À Montréal, la majorité des prélèvements seront ainsi envoyés au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et au Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Dans leur lettre, les médecins du CHU Sainte-Justine expriment leur « grande inquiétude par rapport à la qualité des soins qui seront offerts par l’institution si certains laboratoires diagnostics cessent d’offrir leurs services sur place ».

S’ils ne remettent pas en question la pertinence du projet Optilab qui est « certainement justifié pour les hôpitaux régionaux à vocation plus générale », les médecins estiment que le CHU Sainte-Justine, de par sa mission pédiatrique, devrait en être exempté. Les médecins craignent qu’avec une fusion, les analyses de laboratoires des enfants « ne soient plus la priorité de quiconque au Québec ».

Or, explique le CMDP, les prélèvements faits sur des enfants ne peuvent être traités de la même façon que ceux des adultes. Car piquer un enfant ou réaliser une biopsie sur lui est souvent difficile. 

« La douleur et la peur occasionnées par le geste nous imposent de restreindre le nombre de prélèvements. »

— Extrait de la lettre des médecins du CHU Sainte-Justine

Chez les nourrissons, particulièrement les prématurés, les échantillons prélevés sont de très faibles volumes et deviennent « très précieux ». « Nous ne pouvons absolument pas prendre le risque qu’une hémoculture soit perdue ou encore que les bactéries difficilement cultivables ne réussissent pas à pousser en raison de conditions de transport ou de manutention sous-optimale », est-il écrit.

AUCUNE EXCEPTION PRÉVUE

Les médecins de Sainte-Justine craignent également que certaines bactéries qui ne sont pas dangereuses pour les adultes, mais potentiellement mortelles chez les nouveau-nés ne soient pas suffisamment prises en considération dans un laboratoire centralisé où les échantillons de patients adultes seraient fortement majoritaires.

Dans leur lettre, les médecins du CHU Sainte-Justine affirment que l’Ontario a centralisé ses laboratoires il y a quelques années. Mais l’hôpital SickKids de Toronto a conservé ses laboratoires d’expertise en pédiatrie afin de mieux desservir la clientèle. 

« Le projet Optilab ne s’applique pas à notre réalité et aura sans aucun doute des conséquences néfastes pour nos malades. »

— Extrait de la lettre des médecins du CHU Sainte-Justine

Président directeur général du CHU Sainte-Justine, Fabrice Brunet se dit « inquiet » par certains aspects du projet Optilab. « Il n’est pas question ici de remettre en question le projet Optilab. En revanche, il y a des éléments de spécificité à intégrer, a-t-il déclaré hier matin à la séance du conseil d’administration du CHUM-CHU Sainte-Justine. Sommes-nous inquiets ? Oui. Mais trouvera-t-on des solutions ? Oui. »

Au cabinet du ministre de la Santé Gaétan Barrette, on mentionne qu’aucune exception n’est prévue au projet Optilab pour les hôpitaux pédiatriques. Mais on assure que le projet « n’aura pas d’impacts négatifs sur la qualité des soins ».

INCERTITUDES AU CHUM

Le PDG « ne veut pas mentir »

Réformes du réseau de la santé. Projet Optilab. Déménagement. Le président-directeur général du CHU Sainte-Justine et du CHUM, Fabrice Brunet, ne s’en cache pas : ses établissements vivent actuellement une période de « transformations majeures », où l’incertitude et les inquiétudes « sont fortes ». « En plus, tout ceci se fait dans un environnement économique contraint et contraignant », a-t-il déclaré hier matin lors de la réunion du conseil d’administration du CHUM-CHU Sainte-Justine. M. Brunet reconnaît que « la souffrance est très forte sur le terrain » actuellement et que les « équipes sont inquiètes ». « On a beaucoup de difficulté à répondre aux questions précises, car il y a des inconnues. Pour rassurer les gens, il faut connaître les réponses. Je ne veux pas mentir aux gens », a expliqué M. Brunet.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.