Opinion : Fiscalité

Il n’y a pas de scandale

Le resserrement de l’âge d’admissibilité au crédit d’impôt en raison de l’âge ne va pas plonger les personnes âgées dans la pauvreté

Les associations de personnes âgées et les partis de l’opposition ont déchiré leurs chemises la semaine dernière pour protester contre l’augmentation de 65 à 70 ans de l’âge d’admissibilité au crédit d’impôt en raison de l’âge. À écouter les critiques, on pourrait croire que ce resserrement va plonger les personnes âgées dans la pauvreté. Loin de là.

Le revenu médian disponible réel des personnes de 65 ans et plus a augmenté de 1981 à 2010 plus rapidement que celui de tous les autres groupes d’âge.

Si nous focalisons sur la pauvreté, entre 4 et 17 % des personnes âgées de 65 ans et plus vivaient dans des ménages qualifiés de pauvres en 2014. Le taux de 4 % est fondé sur le coût d’un panier de biens essentiels ; celui de 17 % résulte d’une comparaison avec le revenu médian de l’ensemble des ménages.

Si nous comparons les personnes âgées avec celles d’âge actif, le taux de pauvreté est inférieur pour les plus vieux selon la mesure fondée sur la consommation.

Si nous comparons les personnes âgées au Canada et au Québec avec celles dans d’autres pays développés, les nôtres s’en tirent mieux selon l’OCDE.

Enfin, toute évaluation de la situation financière des personnes âgées doit tenir compte non seulement de leurs revenus mais aussi de leur actifs. Les boomers ont largement bénéficié de la hausse des valeurs foncières. Leur richesse immobilière peut être transformée en revenu à l’aide de produits financiers comme l’hypothèque inversée.

Ainsi, la plupart des indicateurs montrent que les personnes âgées ne constituent plus, globalement, un groupe social en état de détresse qui justifierait une aide fiscale définie selon l’âge, comme l’est le crédit d’impôt visé ici. Une étude portant sur ce même crédit au niveau fédéral recommande carrément de l’éliminer.

Il faut certes aider les personnes âgées dans le besoin, mais cette aide doit être davantage ciblée, comme l’est le Supplément de revenu garanti fédéral.

S’il avait voulu adopter une telle approche ciblée, le gouvernement aurait pu augmenter le taux auquel le crédit d’impôt est réduit à mesure que le revenu augmente. Actuellement, même les couples de personnes âgées avec un revenu familial de 70 000 $ en bénéficient un peu.

Le gouvernement a plutôt choisi d’en retarder l’âge d’admissibilité, tout en le laissant intact pour les retraités qui en profitent déjà. Ainsi tous ceux nés avant 1951 continueront de bénéficier du plein crédit, tandis que ceux nés à partir de 1951 devront travailler plus longtemps.

La clause de disparité des boomers

Les membres des générations X et Y connaissent déjà les « clauses orphelin », cette pratique par laquelle un employeur et un syndicat s’entendent pour refiler aux nouvelles embauches le fardeau d’une réduction des coûts salariaux. Ici, dans la fiscalité, les boomers nés après 1950 font maintenant l’expérience de cette approche, possiblement pour la première fois.

Il arrive qu’une société fasse un effort spécial pour améliorer la condition d’une génération qui s’est sacrifiée pour le bien commun. Par exemple, les cohortes nées dans les années 20, qui ont combattu durant la Seconde Guerre mondiale, se sont vu accorder en 1967 l’accès à la pleine rente de retraite dans le RRQ, même s’ils n’y ont cotisé qu’une fraction de ce qui auraient été requis pour la financer. En revanche, les boomers nés dans les années 50 n’ont rien connu de tel. Ils ont grandi durant les « trente glorieuses ». Ils ont obtenu leur premier emploi durant la période d’expansion de l’État québécois des années 70. Alors qu’ils étaient au sommet de leur courbe de revenu dans les années 2000, ils ont profité des baisses d’impôt consenties par les gouvernements Landry et Charest.

La fiscalité traduit les valeurs et l’histoire d’une société. Difficile ici de demander aux contribuables des générations X et Y de sacrifier un peu plus de leur revenu pour maintenir celui des boomers.

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