Québec — Antoine Duchesne a beau vouloir s’en détacher, la question revient en boucle depuis son arrivée à Québec : as-tu un contrat pour la saison prochaine ?
Son collègue Guillaume Boivin comprend très bien comment il peut se sentir. Il était dans une situation semblable il y a deux ans à la veille du Grand Prix cycliste. Champion canadien en titre, il broyait du noir et songeait même à la retraite, à 26 ans.
« C’est presque un remake », a fait remarquer Boivin, hier matin, en marge de la conférence de presse de l’équipe nationale canadienne, pour laquelle Duchesne courra aujourd’hui. « Je trouve ça vraiment triste. On est de bons cyclistes au Canada. Avec les performances qu’il a réalisées, Antoine n’a pas besoin de prouver à personne qu’il est un bon cycliste. »
Si son ami Hugo Houle est sur le point de s’entendre avec Astana, une formation du WorldTour, Duchesne est toujours devant le néant pour 2018. Après quatre ans chez Direct Energie (anciennement Europcar), le natif de Chicoutimi s’est mis à regarder ailleurs, embauchant un agent pour l’occasion. L’initiative a déplu à son patron, Jean-René Bernaudeau, qui lui a brutalement fermé la porte au nez.
Début juillet, Duchesne, qui aura 26 ans mardi, pensait pouvoir retrouver du travail en Europe. Le temps a passé et les offres ne se sont jamais concrétisées.
« C’est toujours : on se reparle la semaine prochaine. Ça fait deux mois que c’est la semaine prochaine… »
— Antoine Duchesne, le deuxième Québécois qui a terminé le Tour de France, en 2016
Déjà précaire, sa position s’est détériorée il y a deux semaines quand Cannondale-Drapac a annoncé en catastrophe sa probable disparition l’an prochain en raison du retrait soudain d’un commanditaire. Tout d’un coup, la trentaine de coureurs de l’équipe américaine de première division est venue encombrer un marché déjà saturé. Les dirigeants ont lancé une campagne de sociofinancement, mais il faut trouver sept millions de dollars américains. Ils ont apparemment annoncé à leurs coureurs hier soir que les contrats déjà signés seraient respectés.
« Tout le monde attend de voir ce que ces coureurs vont faire, note Duchesne. Je suis dans une situation où j’ai très peu de poids de négociation. Les gens savent ce que je vaux et connaissent le coureur que je suis. En même temps, ils en profitent pour attendre et ils me feront probablement boucher les trous. »
Besoin de changement
Éprouvé par des chutes et la maladie, l’olympien de Rio est le premier à admettre qu’il n’a pas connu une dernière saison à la hauteur. Avec du recul, croit-il qu’il aurait mieux fait de poursuivre sa route avec Direct Energie ? « Je n’ai pas de regret parce que c’était vraiment mon choix, a-t-il assuré. J’avais besoin d’un changement. Je suis encore convaincu que je ne vais pas rester sur la touche. »
À la suite du départ de Duchesne, son compatriote Ryan Anderson a lui aussi décidé d’aller voir ailleurs après deux ans chez Direct Energie. L’Albertain de 30 ans prévoit partager son temps entre les États-Unis et l’Europe la saison prochaine, une avenue à laquelle Duchesne n’est pas encore prêt à se résoudre.
« Pour une raison ou l’autre, ce n’est jamais facile pour nous de trouver un contrat. »
— Guillaume Boivin
« C’est là que tu vois qu’une équipe comme SpiderTech [dissoute en 2012] manque beaucoup au cyclisme canadien, poursuit Guillaume Boivin. Tu regardes tous les Canadiens [sur le circuit], jeunes et moins jeunes, il y aurait moyen de faire une équipe vraiment solide. »
En 2015, Boivin a reçu une proposition inattendue d’Israel Cycling Academy, avec qui il s’est entendu pour deux ans. Le prochain contrat « est dans la poste », se réjouit-il. Promue en deuxième division, la jeune formation a pris du coffre et vise une première participation à un grand tour en 2018. Selon toute vraisemblance, ce sera le Giro, qui s’élancerait de Jérusalem.
Après avoir pris part à deux Tours d’Espagne, Boivin aimerait bien sûr être de l’aventure. Pour l’heure, il veut surtout se signaler au GP de Québec avec l’Academy. L’an dernier, il avait décroché le meilleur résultat canadien (17e) même s’il revenait à la compétition à la suite de deux blessures. « J’arrive de l’altitude avec les tours de l’Utah et du Colorado, j’ai vraiment confiance en mes moyens physiques », annonce l’athlète de 28 ans.
Duchesne se sent lui aussi en grande forme. Coureur protégé de l’équipe nationale, il tentera de jouer de finesse dans les deux ou trois derniers tours. Sans trop penser à son avenir.
Trois Québécois aux Mondiaux
Après avoir hésité, Antoine Duchesne participera finalement à la course sur route des Mondiaux de Bergen (Norvège), le 24 septembre. Il aura pour coéquipiers Guillaume Boivin et Hugo Houle, qui est en voie de terminer le Tour d’Espagne. Cyclisme Canada confirmera la composition de l’équipe dans les prochains jours.
— Simon Drouin, La Presse
Pluie perturbatrice ?
En sept présentations du Grand Prix cycliste de Québec, jamais une échappée n’a pu résister au retour du peloton. L’issue de la course s’est presque toujours décidée dans le dernier kilomètre. Et si la pluie prévue aujourd’hui venait bousculer ce scénario ? « Ça ne s’est jamais couru sous la pluie, a rappelé Charly Mottet, concepteur du parcours et manager sportif de l’épreuve. À mon avis, s’il pleut, l’échappée peut aller jusqu’au bout. Un jour, ça va arriver, c’est sûr. » Aux yeux du gagnant de trois étapes du Tour de France, des averses ne feraient que « bonifier » l’épreuve. « La course devient beaucoup plus dure. On doit courir devant, c’est usant. C’est plus tendu, plus nerveux, il peut y avoir des cassures. » Peter Sagan est bien d’accord : « Assurément, ça aura une grande influence sur le déroulement de la course. Ça se passe en ville, il peut y avoir beaucoup d’huile sur la route, ça peut être glissant. On verra. »
— Simon Drouin, La Presse