Hockey

Peu de buts, mais des bagues de la Coupe Stanley

ROB SCUDERI

Le 4 octobre 2008. La LNH lance sa saison en Europe. À Stockholm, les Penguins de Pittsburgh affrontent les Sénateurs d’Ottawa.

Les Sénateurs mènent 3-2 en troisième période quand les Penguins créent l’égalité. Sidney Crosby hypnotise la défense adverse, pendant que son coéquipier Rob Scuderi est laissé seul. Crosby rejoint Scuderi, qui tire et déjoue le gardien Martin Gerber.

S’ensuit une typique célébration de but, à un détail près : Crosby se précipite pour récupérer la rondelle, comme lorsqu’un joueur marque le premier but de sa carrière. Ou son 500e, par exemple.

Or, ce n’était pas le premier but de Scuderi dans la LNH, mais bien son troisième. Sauf qu’il le marquait seulement à son 219e match.

« Je pense que les gars voulaient juste me taquiner. Je leur ai fait un beau doigt d’honneur par après ! », a raconté Scuderi à La Presse, lors d’une entrevue récente.

L’ANTIÉTOILE

Cette semaine à Nashville, les meilleurs joueurs de la Ligue nationale – et John Scott – se donnent rendez-vous pour le match des Étoiles. Pour ces 44 joueurs, ce sera une vitrine de plus pour mousser leur popularité.

Pendant ce temps, les travailleurs de l’ombre en profiteront pour passer du temps en famille et décrocher du hockey. Scuderi, aujourd’hui défenseur chez les Blackhawks de Chicago, en fait évidemment partie.

Selon les données diffusées sur le site Hockey-Reference, Scuderi serait le pire marqueur de l’histoire de la LNH parmi les 1136 joueurs qui ont disputé au moins 600 matchs. On parle ici d’une ligue qui a plus d’un siècle d’existence !

Avec 8 buts en 761 matchs de saison, le vétéran défenseur de 37 ans marque une fois tous les 95 matchs. Même Mike Weaver, que l’on a vu à Montréal et qu’on ne confondait pas avec Paul Coffey, a été plus « offensif » (un but tous les 79 matchs). Idem pour Hal Gill (un but tous les 31 matchs).

En baissant la barre à 500 matchs, on découvre que seul Rob Zettler a fait pire, avec 5 buts en 569 matchs (un but tous les 114 matchs).

Cela dit, Scuderi ne semble pas le moindrement complexé par sa production. C’est ce qui transparaît, par exemple, quand l’auteur de ces lignes lui indique entre deux questions avoir cherché sur YouTube les faits saillants de sa carrière. « Tu n’as pas dû en trouver beaucoup ! », réplique le joueur, spontanément.

LE FAIT SAILLANT

En fait, son jeu le plus important s’est déroulé dans le sixième match de la finale de la Coupe Stanley, en 2009. Les Penguins défendent une avance de 2-1 avec une vingtaine de secondes à jouer au match. En tentant un arrêt, Marc-André Fleury est déporté hors de son demi-cercle. Scuderi repousse alors la rondelle une première fois avec son bâton, puis se jette à genoux dans le demi-cercle pour réaliser deux autres arrêts et priver Johan Franzen du but égalisateur.

Les Penguins remportent ce match et soulèveront la Coupe Stanley au match suivant. Ce sera le premier championnat de sa carrière. Scuderi soulèvera la Coupe une deuxième fois en 2012 avec les Kings de Los Angeles.

« La clé de mon jeu a toujours été d’exceller dans le positionnement, explique-t-il. Tous les joueurs de la LNH ont été des vedettes. Même moi, j’étais une vedette à l’école secondaire. Puis, tu arrives dans un niveau – dans mon cas, c’était au collégial – où tu réalises que tu dois t’adapter. Il y avait des gars beaucoup plus talentueux que moi pour amasser des points.

« J’ai commencé à développer les habiletés inverses de celles des joueurs talentueux. Ils étaient bons en avantage numérique, je devais m’améliorer en désavantage numérique. Et même si je suis costaud, je ne suis pas le plus robuste. Donc, je travaillais sur le positionnement de mon bâton, sur l’angle par lequel j’approche les adversaires. Les joueurs de talent ne se préoccupent pas de ça. Pour un gars comme moi, c’est la différence entre une carrière ou pas de carrière. »

Pour opérer ce changement, il faut toutefois une bonne dose d’humilité.

« Tu as toujours connu un succès phénoménal et on te dit de changer. Ce n’est pas évident ! Mais je me souviens de Maxime Talbot, il avait tout un potentiel offensif. Et en une année à Wilkes-Barre, il a complètement modifié son style et il a connu une carrière fantastique. »

CARRIÈRE HONORABLE

Rob Scuderi ne sera pas du match des Étoiles ce week-end, pas plus qu’il ne l’a été à ses 10 premières saisons dans la LNH. Sa fiche de 4 passes en 41 matchs cette saison passe inaperçue dans les médias et auprès des partisans. Mais voilà un joueur qui, malgré un talent offensif limité, connaît une carrière plus qu’honorable de plus de 700 matchs. Son travail lui a même permis de signer pas un, mais deux contrats de quatre saisons.

« On n’a peut-être pas d’attention des médias, mais ce qu’on fait est toujours apprécié des coéquipiers. J’ai gagné plusieurs prix de héros obscur. Quand tu es dans une équipe tous les jours, tu remarques ce que chacun fait. Tant que mes coéquipiers m’apprécient, je ne cherche pas vraiment plus d’attention. »

On devine aussi que ses deux bagues de la Coupe Stanley ne nuisent pas non plus à la gratification. Et à titre de membre des Blackhawks de Chicago, ses chances d’en obtenir une troisième cette saison sont bonnes !

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