LE BASKETBALL ET SES FONDAMENTAUX DE WILLIAM S. MESSIER

Dans la vie comme au basket

Quatre ans après le très réussi Dixie, William S. Messier est de retour avec Le basketball et ses fondamentaux, recueil de nouvelles au sujet surprenant et à la forme audacieuse. Alors qu’il termine la scénarisation d’une websérie avec Samuel Archibald, qui sera diffusée au printemps, et qu’il planche sur la réalisation d’un podcast pour l’automne, nous avons discuté avec l’auteur de toutes les sortes d’écriture qu’il veut explorer. Et, bien sûr, de basketball.

Le basketball

« Chaque fois que j’annonce le sujet de mon livre à quelqu’un, il pense que c’est une blague et se met à rire », dit William S. Messier, qui a joué au basket pendant toute son adolescence « de manière obsessive ». C’est ce rapport au sport, dont il a eu honte pendant toute sa vingtaine, qu’il raconte dans son nouveau livre – particulièrement dans les textes intitulés Les fondamentaux, qui sont intercalés entre les nouvelles. « C’est vrai que c’est champ gauche comme sujet. En même temps, si ce livre s’adressait juste aux amateurs de basket, ce serait suicidaire. C’est un peu la corde raide sur laquelle je marche avec ce projet. Mais j’ai grande foi en mon lecteur, je me dis que s’il a du plaisir dans la phrase, je peux l’emmener un peu n’importe où. »

Le fil conducteur

Dans Glossaire, la nouvelle qui ouvre le livre, William S. Messier explique aux néophytes les termes liés au basket. Mais il raconte aussi l’histoire d’une bataille de vestiaire impliquant Dave Langevin – un personnage qu’on reverra plus tard dans le recueil. Sa relation avec le reste de l’équipe, son amour secret pour Karine Levasseur, la séparation de ses parents, chaque élément de sa vie est ainsi associé à un mouvement, que ce soit le tip-in, le lay-up ou le backdoor. « Ce texte représente bien ce que je voulais faire. Pas vraiment parler de basket finalement, mais m’en servir comme toile de fond. » S’il y a un fil conducteur à son livre, c’est celui de l’ambition et des illusions perdues, croit-il. « Pas juste par rapport au basket, mais aussi professionnellement. J’ai placé des thématiques très humaines parce que ça m’intéresse, et dans ce souci de ne pas parler juste de double dribble. »

La forme

Le basketball et ses fondamentaux est très diversifié dans sa forme. Le recueil va de la nouvelle réaliste à la novella d’anticipation beaucoup plus longue – qui nous prend d’ailleurs par surprise en plein cœur du livre –, de l’essai au glossaire, comme si l’auteur ne voulait pas se faire poser d’étiquette. « Je suis peut-être encore en exploration », dit celui qui aime la littérature qui « joue des tours ». « Après trois romans, j’avais le sentiment d’avoir bouclé un certain cycle : les cantons ruraux, l’imaginaire country-blues. Avec le basket, je me suis dit : la place est libre, je peux faire ce que je veux ! Et les nouvelles, parce que c’est court, permettent ce jeu sur la forme. » William S. Messier reste conscient que son nouveau livre est une sorte de « bibitte littéraire ». « Mais j’ai renoué avec ce champ des possibilités que j’avais avant et c’est énergisant. Quand on travaille dans cet esprit, on peut aller n’importe où. »

La websérie

William S. Messier a scénarisé avec l’écrivain Samuel Archibald une websérie, réalisée par Sébastien Diaz, qui sera diffusée au printemps sur Tou.tv. « Nous sommes à la fin de l’écriture, mais le tournage est déjà commencé, dit-il à propos de cette série de genre qui naviguera entre l’horreur et le suspense. Si tu m’avais dit, il y a un an, que j’allais scénariser quoi que ce soit, j’aurais ri. Ça m’est vraiment tombé dessus, et j’apprends encore. » Pour lui, ce projet ressemble à un cours intensif de structure et de dialogue. « J’ai fait beaucoup d’ateliers d’écriture à l’université. Je me rends compte qu’on s’intéressait moins à la mécanique du texte et que c’est peut-être une lacune. Ce que j’apprends en faisant la websérie me donne envie de l’appliquer ailleurs – même que je l’ai déjà fait avec La défaite de Big Dawg, la dernière nouvelle que j’ai écrite pour le livre et qui est aussi ma préférée. Il y a quelque chose de plus efficace qui se passe. »

Le balado

Amateur de balado (podcast) depuis longtemps, William S. Messier a décidé d’en faire un lui-même – une fiction dans laquelle il a inventé une radio communautaire pour l’ancien village de Savage Mills, proche de Granby. « J’ai eu une bourse pour ça il y a un an, mais j’ai dû repousser l’écriture parce que j’avais toujours autre chose à faire. Là je suis dedans et je vise le lancer à l’automne. » Il en fera la narration, en plus de jouer de la guitare et d’avoir des invités. « J’aime les podcasts parce que c’est une forme d’art, quand on n’est pas dans un livre, qui se rapproche le plus d’un rapport cérébral à l’histoire. » Ce genre de projet alimente l’écrivain en lui qui a « constamment envie de raconter des histoires », que la forme soit courte, longue ou épisodique. « Surtout que s’embarquer dans un roman, c’est long. C’est deux ou trois ans à s’immerger si on veut que ce soit bon. On vit dans une époque formidable où on peut goûter à plein d’affaires pour assouvir sa créativité. Chaque nouvelle corde, je vais l’exploiter. »

Attitude hip-hop

Le hip-hop est indissociable du basket. La culture orale de rue qui y est associée traverse le livre et fonctionne parfaitement avec la manière d’écrire de William S. Messier, qui travaille à l’os le langage vernaculaire. Quand on lui demande quelle vie il souhaite à son livre, il lance en souriant : « Que Michael Jordan le lise ! C’est mon idole ! » Un peu baveux, certes, mais c’est qu’il est assez fier du résultat. « J’aime beaucoup l’attitude d’Alaclair Ensemble, qui dit : voilà, on est là et voici ce qu’on produit. On a toute une mythologie, un jargon, un vocabulaire qui nous appartient. Ça m’inspire pour le rapport à la littérature. Le basketball et ses fondamentaux, c’est un défi lancé aux lecteurs. Je sais, ça fait prétentieux, mais j’ai envie de l’assumer. C’est une attitude hip-hop aussi, qui dit : ceci est mon identité, je suis authentique, même si des fois c’est un peu construit. Les gars d’Alaclair, ils sont comme tout le monde, dans la vie, ils ne parlent pas en bas-canadien. Mais dans leur œuvre, c’est ça. J’ai beaucoup d’admiration pour ça. »

Le basketball et ses fondamentaux

William S. Messier

Le Quartanier

248 pages

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