Pinel : Au cœur de la maladie mentale

L’hôpital de la deuxième chance

Asile de fous, prison pour malades mentaux, centre de détention à perpétuité… Les préjugés à l’égard de l’Institut Philippe-Pinel sont tenaces. Mais que se passe-t-il vraiment entre ses murs ? Le psychiatre Gilles Chamberland lève le voile sur cet hôpital psychiatrique à sécurité maximale et nous raconte le travail titanesque des intervenants auprès de patients parmi les plus dangereux au pays.

« Les gens ne se doutent pas de tout ce qui peut se vivre ici… » Ici, c’est l’Institut Philippe-Pinel, où ont séjourné Guy Turcotte, Karla Homolka, Valery Fabrikant… comme tant d’autres patients – pour la plupart des détenus – qui ont commis des crimes graves allant jusqu’au meurtre, mais qui, souvent, ont été jugés non criminellement responsables pour cause de maladie mentale.

Et c’est ici, dans l’établissement de l’est de Montréal, que ces personnes considérées dangereuses pour elles-mêmes et pour autrui sont évaluées, encadrées et traitées en vue de réintégrer un jour la société. Dans cet hôpital de la deuxième chance, médecins, psychologues, infirmiers, criminologues, sociothérapeutes, commis et agents d’intervention se relaient jour et nuit au chevet de ces patients dont personne ne veut à part eux.

La communauté de Pinel

Le Dr Gilles Chamberland connaît Pinel par cœur, lui qui y travaille depuis près de 20 ans. Il connaît aussi la souffrance des patients et le travail louable accompli par les intervenants. Et c’est ce qu’il met de l’avant lorsqu’il parle des uns et des autres.

« Quand un patient, qui a tué un proche dans un moment de psychose, revient à la réalité, il éprouve de la souffrance. Il réalise qu’il a bousillé sa vie et fait du mal, souvent aux gens qu’il aimait le plus. Il y a tout un travail de deuil à faire. »

- Dr Gilles Chamberland

C’est là où les intervenants entrent en jeu pour soigner et accompagner ces patients dans leur longue rééducation. Un travail difficile, parfois ingrat. « On encaisse, au propre comme au figuré. On éprouve de la peur, de la joie, de la déception. Les patients nous en font voir de toutes les couleurs ! On doit rester empathiques et ne pas perdre de vue la maladie, tout en composant avec la personnalité des individus. Le défi, c’est de ne pas se décourager. Ça prend beaucoup de patience et de compassion. »

Le psychiatre ne vit pas avec les patients au quotidien. Mais plusieurs de ses collègues demeurent littéralement avec eux, dans la « console » au centre de chacune des 15 unités. Il y a, par exemple, Line, sociothérapeute à la main de fer dans un gant de velours, qui organise et anime les activités de réadaptation. Pierre, aussi sociothérapeute et agent d’intervention baraqué, qui assure la sécurité et intervient en situation de crise. Ou encore Sylvie Sénéchal, une commis au sixième sens acéré, qui contrôle les allées et venues des résidents, répond à leurs demandes et rapporte ses observations à l’équipe de soins.

Ces intervenants figurent parmi les personnages clés d’une nouvelle série documentaire de 10 épisodes, Pinel : Au cœur de la maladie mentale, qui suit le parcours de ces travailleurs de l’ombre ainsi que celui de leurs patients et de la famille de ces derniers. Pour une rare fois, cet hôpital considéré hermétique a ouvert ses portes à une équipe de production télé. « On s’est assurés de couvrir les différentes étapes de l’évolution d’un patient, dit le Dr Chamberland. Certains arrivent, d’autres quittent l’Institut. Une panoplie de services sont offerts, qui vont bien au-delà du simple traitement pharmacologique : thérapie individuelle ou de groupe, apprentissage des règles de vie, ateliers multiples, sports… »

Le tournage n’a pas été de tout repos. Il fallait veiller à la sécurité et à la confidentialité, au consentement et au respect des droits des patients.

« Au début, tout le monde ici était réticent à participer, avoue le Dr Chamberland. Mais au fil des jours, c’est devenu un projet commun dont nous sommes maintenant tous fiers. Les gens seront surpris de voir à quel point les patients évoluent dans un environnement favorable, parmi un personnel bienveillant. Pinel, ce n’est pas un trou noir. Tout ce qui se fait entre nos murs, c’est pour soigner au mieux les personnes qui en ont besoin. »

- Dr Gilles Chamberland

Pinel : Au cœur de la maladie mentale, LES MERCREDIS À 22 H, SUR Z.

Pinel en chiffres (2016-2017)

620

Nombre de patients admis à Pinel, en traitement ou en évaluation.

621

Nombre de patients qui ont obtenu leur congé définitif.

74

Nombre de patients qui ont pu réintégrer un domicile, leur famille, une maison de transition ou un foyer/famille d’accueil.

21,9 %

La majorité des patients, soit un peu plus de 1 sur 5, séjourne de 2 à 4 mois à Pinel (à peine 6,3 % y passent 6 ans et plus).

34 jours

Durée moyenne de séjour pour 8 patients sur 10 en évaluation (aptitude à comparaître, responsabilité criminelle) aux unités d'expertise H3 et H4.

Source : Statistiques annuelles du Service des archives médicales 2016-2017

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