Du bleu, du rouge et du vert pour oublier le noir

PARIS — Deux nations sœurs, deux stars, Ronaldo et Griezmann, mais une seule place au sommet… L’Euro va s’achever aujourd’hui sur la finale Portugal-France et le pays hôte espère qu’une victoire lui donnera une bouffée d’oxygène dans une période de crises et de peur.

Une victoire des Bleus aurait une « bonne incidence » sur le moral des Français, a estimé le président François Hollande depuis le sommet de l’OTAN à Varsovie.

Un titre, « c’est toujours pour un peuple le sentiment qu’il peut réussir, dans le domaine sportif, mais aussi dans le domaine économique, dans le domaine culturel, dans le domaine international, politique, diplomatique », a-t-il ajouté en conférence de presse.

Crise économique, craintes d’attentats terroristes après les drames qui ont endeuillé l’année 2015, défiance envers les politiques, climat social dégradé… Le contexte a été lourd en France, ces derniers mois.

« Les Français ont besoin de s’évader à travers cette compétition, le sport a cette force de rassembler et d’unir. »

— Hugo Lloris, gardien et capitaine des Bleus

Le Stade de France, où se jouera la finale aujourd’hui à 15 h, heure de Montréal, est intimement lié à cette soirée tragique. Alors que l’équipe de France y affrontait l’Allemagne en match amical, des attentats terroristes ont eu lieu près de l’enceinte, à Saint-Denis, ainsi qu’à Paris, et ont fait 130 morts.

Le premier d’entre eux était Manuel Dias, un chauffeur franco-portugais de 63 ans. Tué dans l’attentat-suicide commis par un djihadiste devant la porte D du stade, il venait de déposer un petit groupe de spectateurs arrivés de Reims, où il vivait, et était allé boire un café en attendant la fin du match.

« C’est très émouvant, cette finale. On pense forcément à lui, d’origine portugaise mais Français dans l’âme, qui adorait le foot », a déclaré à l’AFP sa fille Sophie Dias, qui aurait aimé qu’un hommage soit rendu à son père.

LIENS

L’histoire de Manuel Dias illustre de façon tragique les liens très forts qui unissent les deux nations finalistes de l’Euro. Comme le champion du monde 98 et d’Europe 2000 Robert Pires avant lui, Antoine Griezmann a des origines portugaises par sa mère.

En face, le Portugal compte trois joueurs binationaux, nés en France et qui auraient pu jouer sous le maillot bleu : le défenseur Raphaël Guerreiro, le gardien Anthony Lopes et le milieu Adrien Silva.

Avec plus de 600 000 ressortissants selon l’Institut national de la statistique (750 000 selon d’autres chiffres officiels), les Portugais sont la troisième communauté immigrée de France, juste derrière les Algériens et les Marocains. Le consulat du Portugal estime même la communauté à 1,2 million de personnes, en comptant les binationaux et les descendants d’immigrés.

Avant la finale, les drapeaux rouge et vert du Portugal et bleu-blanc-rouge de la France s’affichent donc aux fenêtres du pays hôte, parfois au même balcon. Et l’ambiance s’annonce chaude, pas seulement parce que les températures vont s’élever jusqu’à 30° aujourd’hui.

L’équipe de France est portée par un énorme soutien populaire et renoue avec des images qu’elle n’avait plus vues depuis longtemps : fan zones bondées, concert de klaxons et drapeaux tricolores dans les rues après la victoire contre l’Allemagne en demi-finale jeudi.

REVANCHES

Ce soutien, l’attaquant portugais Ricardo Quaresma le réclame également à son pays, où le foot est une passion nationale. Il veut que les fans inondent les réseaux sociaux de messages de soutien à la sélection : « Tous ensemble, nous sommes plus qu’un pays […], nous sommes un peuple. Nous sommes le Portugal ! », a-t-il écrit sur son blogue.

Le Portugal et la France se sont croisés à de multiples reprises sur le terrain. Et la Seleção en fait toujours des cauchemars.

Les Bleus ont éliminé les Portugais à l’Euro 84, à l’Euro 2000 et au Mondial 2006, chaque fois en demi-finale.

Le Portugal espère donc bien vaincre la malédiction et sa bête noire. Comme la France l’a elle-même fait en demi-finale en battant l’Allemagne dans un grand tournoi pour la première fois depuis 1958.

Revanche, encore : la superstar portugaise Cristiano Ronaldo veut effacer l’immense déception de l’Euro 2004, où le Portugal avait été battu en finale à domicile par la Grèce (1-0). Ronaldo avait 19 ans et avait fondu en larmes. Aujourd’hui, il en a 31 et a prévenu : « [Aujourd’hui], j’espère à nouveau pleurer. Mais de joie. »

Revanche, enfin : la dernière fois que Ronaldo et Griezmann se sont croisés, le 28 mai en finale de la Ligue des champions, le Portugais l’avait emporté avec le Real Madrid contre l’Atlético de Madrid du Français.

Les forces de l’ordre se préparent

Après la finale, 3400 policiers et gendarmes seront présents sur les Champs-Élysées pour éviter les débordements. Et s’assurer que la soirée soit une fête, quel que soit le vainqueur. Le ministère de l’Intérieur gère une cellule de crise depuis le début du tournoi, pour aider à la supervision des événements et à la coordination des mesures à prendre, si nécessaire. La France a aussi mobilisé 90 000 agents de sécurité pendant le tournoi. L’Union européenne des associations de football (UEFA) a louangé le travail des autorités jusqu’ici dans l’Hexagone, au fil de 50 matchs disputés dans 10 villes.

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