Opinion : Croissance durable 

Les investisseurs peuvent faire bouger les choses

BUENOS AIRES – — Au Sommet du G20, les leaders n’ont fait aucun progrès sur une stratégie commune pour la croissance économique mondiale. Le communiqué final n’était rien de plus qu’une triste liste d’épicerie sans conviction. Le point culminant de la fin de semaine ? Une trêve mal définie sur les tarifs, motivée non pas par la recherche d’une politique de commerce international structurante, mais plutôt par le besoin politique immédiat du président des États-Unis d’assurer la vigueur de l’économie américaine, qui doit affronter des vents de face de plus en plus forts.

Cette absence de résultats en Argentine est le reflet d’une tendance plus lourde. Les gouvernements – individuellement et collectivement – sont de moins en moins capables de réagir avec efficacité à plusieurs questions urgentes. Le monde a besoin de croissance durable et inclusive. De solutions aux changements climatiques. D’infrastructures. Mais les gouvernements à eux seuls ne peuvent y arriver. Il est grand temps que d’autres s’impliquent – pas par un élan de noblesse, mais parce que c’est dans notre intérêt.

Soyons clairs : les gouvernements auront toujours un rôle essentiel à jouer pour bâtir des sociétés prospères et durables. Mais la complexité des défis et les contraintes auxquelles font face nos gouvernements – dont les contraintes budgétaires – nous forcent à penser autrement. Les acteurs qui peuvent contribuer à la recherche de solutions concrètes sont nombreux : entreprises, organismes sans but lucratif, philanthropes et dirigeants communautaires. Et il y a un rôle crucial pour les investisseurs.

Les investisseurs de long terme comme la Caisse tendent naturellement à saisir cette nouvelle occasion. Parce que nous comprenons très bien que la qualité de nos rendements dans les prochaines décennies dépendra de la solidité des communautés dans lesquelles nous investissons.

Ensemble, les investisseurs institutionnels de long terme du monde comptent plus de 50 000 milliards de dollars sous gestion.

Ce sont des capitaux suffisants pour faire bouger les choses sur des questions que les gouvernements ne peuvent tout simplement pas résoudre d’eux-mêmes.

Prenons l’exemple des changements climatiques. Partout dans le monde, des consommateurs modifient leurs façons de faire et de penser. L’impact sur le climat influence leurs choix. Le résultat ? S’assurer que leur marque soit du bon côté du défi climatique est devenu une priorité pour les entreprises.

Il y a de plus en plus d’innovations pour réduire les émissions de carbone. De nouvelles idées. De nouvelles technologies. Et, chez certains d’entre nous, il y a aussi une nouvelle façon de penser qui reconnaît qu’investir dans la lutte contre les changements climatiques représente une occasion de faire deux choses en même temps : bien gérer les épargnes des gens et contribuer à la transition vers une économie sobre en carbone.

Une idée fausse courante

Plusieurs investisseurs voient toujours les changements climatiques comme une contrainte qui pèse sur les rendements. Ils ont tort. En Amérique du Nord, la Caisse est l’un des plus grands investisseurs en énergie éolienne. Nous investissons également en énergie solaire en Inde. Et nous avons un rendement dans les deux chiffres. À Toronto, à Chicago, à Houston et à Paris, nous construisons la prochaine génération d’immeubles écoénergétiques – avec des rendements très avantageux.

Prenons l’exemple des infrastructures : investir dans des ports, des systèmes de transport et des réseaux de télécommunication, des actifs réels qui relient les gens aux emplois et les produits aux marchés.

Autrement dit, les investissements en infrastructures sont sans doute l’outil le plus puissant que nous avons pour générer le type de croissance dont le monde a besoin.

Mais selon la Banque mondiale, nous n’investissons pas assez pour répondre aux besoins, et encore moins pour saisir de nouvelles occasions. Chaque année, il manque 1000 milliards de dollars.

Les gouvernements ne peuvent pas résoudre ce problème seuls. Ils sont trop endettés. Aujourd’hui, la dette mondiale est plus élevée qu’elle ne l’était lors de la crise financière.

Donc, si les gouvernements ne peuvent construire les infrastructures nécessaires pour stimuler la productivité et la croissance dont nous avons besoin, qui peut s’en charger ? Les investisseurs de long terme peuvent et devraient le faire. Soyons clairs : dans l’environnement commercial des années à venir, les investisseurs de long terme auront besoin du rendement stable, prévisible et à faible risque qu’offrent les investissements en infrastructures.

Le défi est de démontrer que nos intérêts commerciaux n’entrent pas en conflit avec l’intérêt public. Le Réseau express métropolitain que la Caisse construit à Montréal démontre que c’est possible. Les gouvernements de tous les niveaux – Montréal, Québec, Canada – ont défini l’intérêt public. Et de notre côté, à la Caisse, nous avons conçu une solution de transport collectif qui sert cet intérêt. Le réseau de transport résultant de cette collaboration desservira 30 millions de personnes par année. Et sera carboneutre du début à la fin.

Il ne manque pas d’idées pour jumeler les intérêts commerciaux et l’intérêt public. La Banque de l’infrastructure du Canada en est une. Les outils de partage du risque en infrastructures récemment développés par la Banque mondiale en sont une autre. La seule limite est notre capacité de penser différemment et de faire preuve de créativité.

Établir une stratégie mondiale de croissance durable et inclusive est une tâche énorme. Et nous ne réussirons pas en nous tenant à l’écart, en attendant que les gouvernements s’en occupent. Ils ne peuvent pas y arriver seuls. Davantage d’entre nous doivent sauter dans l’arène. Parce que c’est dans notre intérêt. Et que c’est essentiel.

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