SCIENCE

Détecter le VIH grâce à son téléphone

Diagnostiquer le VIH avec son téléphone intelligent à partir de chez soi ? Voilà le défi qu’une équipe de chercheurs de trois campus s’est lancé. Ils ont mis sur pied une nanomachine simplissime et efficace qui peut émettre sur-le-champ un diagnostic de VIH ou d’autres maladies auto-immunes et infectieuses. En s’inspirant de la mécanique naturelle de notre corps, les scientifiques ont renversé le modèle actuel, long et coûteux, des tests de dépistage. Incursion au cœur de l’infiniment petit qui voit grand.

NANOMACHINE

On peut parler de « machine » dès qu’il y a de l’activité entre les molécules; le transport de l’oxygène par l’hémoglobine en est un exemple. « Toutes les décisions prises par notre corps se prennent au niveau moléculaire par des nanomachines », explique Alexis Vallée-Bélisle, professeur au département de chimie de l’Université de Montréal. « Une nanomachine est simplement une machine ou un processus de transfert d’énergie à l’échelle nanométrique, soit un milliardième de mètre, enchaîne-t-il. Nous possédons tous des nanomachines naturelles dans notre corps et partout où il y a de la vie. »

ANTICORPS

La nanomachine conçue à l’Université de Montréal réagit spécifiquement avec les anticorps. Ceux-ci sont produits par notre système immunitaire lors d’une infection. Pour diagnostiquer le VIH, il faut trouver la présence d’anticorps. Ce n’est donc pas le virus en tant que tel que l’on recherche lors d’un test, mais bien les anticorps. « Ce qui est intéressant avec la nanomachine, c’est qu’elle a de multiples usages », précise le chercheur. Il est possible d’adapter la nanomachine selon le test que l’on veut effectuer, que ce soit pour détecter des anticorps ou toute autre substance présente dans le sang.

FONCTIONNEMENT

La nanomachine est fabriquée en laboratoire en ajoutant une molécule fluorescente à une double hélice d’ADN. Le tout est appelé « interrupteur » ou « tige-boucle ». La molécule fluorescente est appelée « fluorophore » et le point sombre, « atténuateur ». Ils sont maintenus ensemble. L’atténuateur absorbe les ondes lumineuses émises par le flurophore. Lorsqu’un anticorps s’approche de l’interrupteur, il sépare le fluorophore de l’atténuateur. La lumière produite par le fluorophore n’est alors plus absorbée et peut être captée par un spectrofluoromètre, un appareil qui détecte les ondes lumineuses. Une petite goutte de sang suffit pour faire le test et le résultat est immédiat.

PRIX ET RAPIDITÉ

Les tests de dépistage du VIH sont coûteux et longs. Ils sont tous acheminés au laboratoire de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. « C’est l’autoroute des tests ! », commente le chercheur. Le test à l’aide de nanomachines est simple et peut être fait directement sur place. « Un téléphone intelligent pourrait même procéder au test sanguin et envoyer directement les résultats à votre médecin », s’exclame-t-il. « Le but serait de pouvoir procéder à un diagnostic chez soi. » L’autre aspect intéressant est le coût, bien inférieur à celui des tests actuels. « On peut fabriquer 2000 nanomachines pour 50 $ et un spectrofluoromètre est un appareil qui coûte moins de 1000 $ », indique M. Vallée-Bélisle.

FINANCEMENT

C’est grâce à l’aide de la fondation Bill and Melinda Gates que la nanomachine a vu le jour. La fondation a comme objectif de soutenir la recherche qui vient en aide aux pays en développement. La nanomachine est une solution au manque de ressources financières et médicales dans ces pays, souvent les plus touchés par des infections telles que le VIH. Pour le moment, ces nanomachines devront être testées sur de véritables patients, mais leur efficacité ne fait aucun doute, selon le chercheur. « On espère être en mesure de commercialiser la nanomachine le plus rapidement possible, mais nous sommes conscients des barrières administratives », explique Alexis Vallée-Bélisle.

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