Chronique

Jours travaillés

Somme de 50 $ versée aux médecins pour chaque journée au-delà de 180 jours de travail par an, qui passe à 200 $ pour chaque journée au-delà de 200 jours de travail. But : inciter les médecins à travailler plus de jours. Coût en 2014 : 31,5 millions

Chronique

Horaire défavorable

Majoration de la rémunération de 13 à 30 % pour le temps de pratique le soir, les fins de semaine, les jours fériés, etc. But : inciter les médecins à travailler dans des périodes défavorables. Coût : n.d.

Chronique

Suivi, clientèle vulnérable

Somme de 8 $ ou 10 $ par visite pour favoriser un suivi plus fréquent des patients vulnérables. Coût en 2014 : 61,1 millions

Chronique

Inscription générale

Somme de 9 $ ou 11 $ versée annuellement aux médecins par patient inscrit. But : augmenter l’accès à un médecin. Coût en 2014 : 53,5 millions

Chronique

Volume de patients

Supplément annuel de 5 à 20 $ pour chacun des patients au-delà d’un certain seuil. Par exemple, la somme est de 20 $ par patient au-delà de 1500 patients. But : augmenter le volume de patients suivis. Coût en 2014 : 35,4 millions

Chronique

Inscription, clientèle vulnérable

Somme de 19 $ à 159 $ versée annuellement pour chacun des patients vulnérables inscrits (cardiaques, diabétiques, etc.). But : augmenter la prise en charge de patients vulnérables. La somme varie selon le degré de vulnérabilité. Coût en 2014 : 115,6 millions

Chronique

Un milliard de dollars de primes pour les médecins

Le rapport du vérificateur général a soulevé un tollé. Mais selon moi, la portion la plus scandaleuse est passée pratiquement inaperçue, soit le milliard de dollars versé aux médecins en primes incitatives de toutes sortes.

Oui, oui, 1 milliard de dollars. Par année. Le milliard est versé en primes pour inciter l’essentiel des 21 000 médecins à travailler les soirs, à suivre plus de patients vulnérables, à être disponibles plus de 36 semaines par année, etc. Bref, l’argent est versé pour les amener à modifier leur comportement dans le sens souhaité par le ministère de la Santé1.

Un milliard, c’est de l’argent en titi, qu’il faut gérer serré. Le problème, justement, c’est que ce milliard est géré tout croche, selon le vérificateur général.

Comment tout croche ? De trois façons. D’abord, les mesures incitatives sont tellement nombreuses que les intervenants peinent à s’y retrouver. Le vérificateur général en a dénombré 33 et encore, il y en a quelques autres bien enfouies dans le système, m’a-t-on expliqué.

Ensuite, sur ces 33 mesures, « 30 ne comportent ni cible ni indicateur convenus avec les fédérations médicales » qui permettraient au ministère de faire des ajustements pour atteindre les objectifs souhaités.

Bien sûr, le Ministère vérifie généralement si les mesures donnent certains résultats. Toutefois, si les résultats sont insatisfaisants, le Ministère ne fait rien. Zéro. « Il n’adopte aucun plan d’action qui permettrait notamment de réévaluer les modalités de chaque mesure pour s’assurer de bien atteindre la cible fixée ou encore remettre en question leur pertinence », est-il expliqué dans le rapport.

Par exemple, deux mesures ont été mises en place pour assurer un meilleur suivi des patients vulnérables (cardiaques, diabétiques, etc.). Ces mesures donnent droit à des primes versées annuellement (jusqu’à 159 $) ou à chaque visite (jusqu’à 10 $). Elles coûtent 177 millions par an au gouvernement.

Or, après analyse, le Ministère a constaté que le nombre de visites de ces patients n’a pas augmenté, tel que souhaité, il a diminué ! La baisse est de 25 % depuis 2006. Face à constat, qu’ont fait le Ministère et le syndicat des médecins ? Absolument rien. Et les médecins continuent à toucher la prime.

Mais il y a pire encore. Depuis 2012, le Ministère verse une prime qui lui coûte 35 millions par année pour inciter des médecins de famille à obtenir des résultats qui sont… déjà atteints.

Plus précisément, le Ministère s’est entendu avec le syndicat des médecins pour leur accorder un supplément s’ils atteignent un taux de prise en charge de 61 %. Ce taux correspond grosso modo à la part des consultations qu’un patient est capable d’obtenir auprès de son médecin (ou du groupe affilié) plutôt qu’auprès d’autres médecins.

Or, à l’entrée en vigueur de la mesure, en 2012, la presque totalité des médecins atteignait déjà cette limite de 61 %. Autrement dit, il leur était déjà possible de toucher, sans modifier leur comportement, le supplément annuel moyen estimé à 10 000 $ par médecin.

Au départ, il avait été convenu de hausser ce taux de prise en charge à 65 % en 2013 puis jusqu’à 80 % en 2016, progressivement. Mais devinez quoi ? Le taux de prise en charge n’a finalement pas été rehaussé tel que prévu, demeurant à 61 %, si bien qu’au 31 décembre 2014, pratiquement tous les médecins (99 %) atteignaient la cible et touchaient la prime. Pendant ce temps, nombre de patients sont restés sans médecin.

Selon le vérificateur, ces primes versées à tout vent s’expliquent par le système d’enveloppe minimale garantie négociée entre le Ministère et les syndicats de médecins. Comme les sommes de ces enveloppes reviennent nécessairement aux médecins, on a trouvé des moyens imaginatifs pour les leur verser, même si aucune cible de rendement n’est véritablement atteinte.

Pour ceux qui se le demandent, la prime pour atteindre le taux de 61 % N’EST PAS la fameuse prime Bolduc, mais une autre, qui s’ajoute. La prime Bolduc, qui porte le nom de l’ex-ministre de la Santé qui en a abusé, a été abolie.

Toutefois, les fonds de 26 millions qui y étaient consacrés serviront à instaurer deux autres mesures incitatives, destinées, encore une fois, à augmenter le taux de prise en charge. Ces mesures sont incluses dans le projet de loi 20. Cette fois, Gaétan Barrette a fixé des cibles précises pour le taux de prise en charge (80 % en 2018). Mais attention, ce taux de 80 % est exigé seulement pour le remplacement de la prime Bolduc, pas les autres.

Le milliard de dollars de mesures incitatives se divise à peu près moitié-moitié entre les médecins de famille (omnipraticiens) et les médecins spécialistes. Pour les premiers, ces mesures ont représenté 54 % de leur augmentation de salaire depuis 2010 et pour les seconds, 40 %.

Le constat du VG est vraiment désolant. En plus, les changements implantés par les négociations au fil des ans ont rendu le système extrêmement complexe, même pour les médecins, ce qui coûte une fortune en administration. Vraiment désolant.

1 L’estimation est plus précisément de 920 millions de dollars

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