Ben Affleck et Matt Damon. Ketchup et pâté chinois. Bière et jus de tomate. Fred Caillou et Arthur Laroche. Il y a de ces éléments qui resteront toujours indissociables dans nos têtes.
Marc Bergevin, lui, n’est pas tant associé à une personne qu’à un concept intangible, invisible, mais combien réel : un gros trou sous le plafond salarial. Et si c’était la fin de cette association, qui en fait rager plusieurs depuis deux ans ?
À l’approche du 1er juillet, il existe cette perception que le Canadien nage littéralement dans l’espace disponible sous le plafond de 81,5 millions de dollars pour 2019-2020. Cette perception incite à croire que le Tricolore possède les ressources pour y aller d’un coup d’éclat, pour se lancer aux trousses de Matt Duchene ou des autres grands noms qui seront sans contrat lundi à midi.
Cette perception vient en partie des deux dernières saisons. Selon CapFriendly, le CH a conclu la campagne 2017-2018 à 7,2 millions du plafond. À l’été 2018, Bergevin a fait l’acquisition de Joel Armia, une transaction qu’il a conclue en acceptant de racheter le contrat de Steve Mason. Il restait néanmoins de l’espace, et Montréal a terminé la dernière saison à 8 millions sous le plafond.
Tout indique que cet écart diminuera grandement en 2019-2020. La Presse a projeté la formation de 23 joueurs du CH pour le début de la prochaine saison, avec les éléments actuellement en place. Aux fins de l’exercice, nous avons estimé les salaires des joueurs autonomes avec compensation Artturi Lehkonen et Joel Armia, en nous fiant à des contrats comparables. Nous avons aussi projeté que les vétérans Karl Alzner et Dale Weise amorceraient la saison à Laval, et calculé leur impact sous le plafond en conséquence.
Conclusion : le Canadien n’a plus que 7,75 millions de marge de manœuvre, et ne compte toujours pas de vrai gardien numéro 2 dans ses rangs. Cela signifie qu’au mieux, l’équipe jouit actuellement d’une marge de 6 millions pour trouver un défenseur gaucher des deux premiers duos ou un ailier offensif.
C’est là que l’embauche d’Alzner à l’été 2017 – même si l’impact de son contrat est moindre puisque le joueur est relégué à Laval – fait mal à Bergevin. L’entente finira bien par être rachetée, mais en reportant la décision d’un an, les pénalités s’étaleront sur quatre ans plutôt que sur six ans si le rachat se faisait cet été.
Le marché
Les grands noms qui seront disponibles le 1er juillet, on les connaît tous : Artemi Panarin, Matt Duchene, Anders Lee, Joe Pavelski, Ryan Dzingel, Gustav Nyquist, Mats Zuccarello, Brett Connolly, Micheal Ferland et Wayne Simmonds à l’avant.
En défense, Jake Gardiner, Tyler Myers et bien des joueurs qui font leur possible seront libres. Devant le filet, Sergei Bobrovsky est le meilleur gardien disponible, mais pour les besoins du Canadien, des noms comme Curtis McElhinney, Cam Ward, Mike Smith et Keith Kinkaid sont plus appropriés.
On connaît aussi les prix du marché. Erik Karlsson (11,5 millions par année), Jeff Skinner (9 millions) et Kevin Hayes (7,1 millions) ont tous renoncé à l’autonomie, mais ont signé de lucratives ententes qui mettent la barre haut pour les joueurs en négociation.
Avec ses 8 millions de marge de manœuvre et environ 2 millions à budgéter sur un gardien, Bergevin n’a donc pas les coudées franches pour tenter sa chance avec un joueur d’impact. Il resterait les options secondaires comme Connolly, Ferland ou Simmonds ; ils ajouteraient du muscle à l’équipe, mais leur potentiel offensif est limité.
En défense, le marché est si mince que Gardiner aura beau jeu de faire monter les enchères.
Une transaction pour mettre la table ?
C’est ici qu’une transaction se présente comme une option, que ce soit pour larguer du salaire et avoir plus de marge de manœuvre pour un joueur autonome ou pour aller chercher un joueur en fin de contrat qui aiderait dès cette saison.
On parle de transaction pour deux raisons : d’une part, c’est dans les habitudes de la maison ; d’autre part, il reste plusieurs joueurs sur le marché.
D’abord, un coup d’œil sur les transactions conclues par Bergevin le 1er juillet ou dans les jours qui précèdent.
30 juin 2018 : le Canadien obtient Armia, Mason et deux choix au repêchage de Winnipeg contre Simon Bourque. L’équipe rachète la dernière année de contrat de Mason ;
29 juin 2016 : le Canadien crée un drame national en échangeant P.K. Subban à Nashville contre Shea Weber ;
1er juillet 2015 : le Canadien échange Brandon Prust à Vancouver et obtient Zack Kassian et un choix de 5e tour.
30 juin 2014 : le Canadien cède Daniel Brière à l’Avalanche contre Pierre-Alexandre Parenteau. Le lendemain, Bergevin envoie Josh Gorges aux Sabres contre un choix de 2e tour.
Ces transactions avaient des objectifs différents, que ce soit d’alléger la masse salariale, d’ajouter du poids ou de régler des cas de personnalités incompatibles. Mais dans tous les cas, elles illustrent en quoi les heures qui précèdent l’ouverture du marché des joueurs autonomes sont fertiles et le fait que Bergevin a l’habitude de plonger.
Ensuite, le marché actuel offre des possibilités.
– À Calgary, le nom du défenseur gaucher T.J. Brodie revient souvent, et le collègue Elliotte Friedman a fait état cette semaine de rumeurs impliquant Michael Frolik. Les deux sont dans la dernière année de leur contrat, et Brodie est le type de défenseur gaucher mobile qui manque au Tricolore.
– À New York, Chris Kreider écoule lui aussi sa dernière année de contrat ; avec sa vitesse, son gabarit et son talent de marqueur, il apporte exactement ce que le CH recherche.
– Jason Zucker faisait partie de la transaction avortée qui aurait envoyé Phil Kessel au Minnesota ; on devine que ses jours sont comptés avec le Wild.
– Les Golden Knights ont des problèmes de masse salariale et ils devront donner plus qu’Erik Haula (2,75 millions, échangé aux Hurricanes mercredi) pour se sortir du pétrin.
Une transaction pour un joueur en fin de contrat a aussi pour avantage d’éviter au Canadien de se menotter en vue de l’été prochain, quand Max Domi recevra une augmentation de salaire, et de 2021, quand ce sera le tour de Jesperi Kotkaniemi, Phillip Danault et Brendan Gallagher.
Qui serait sacrifié ? Kotkaniemi fait partie des intouchables. Danault continue à progresser d’année en année, reçoit maintenant des votes pour le Selke et le fait à hauteur de 3 millions par saison ; aussi bien l’inclure dans les intouchables. Gallagher est le cœur et l’âme de cette équipe.
Shaw, Tomas Tatar et Paul Byron, en raison de leur âge et de leur situation contractuelle, sont plus vulnérables. Ils sont très utiles à cette équipe, mais vous ne troquerez jamais vos restants de table contre du filet mignon ? Il faut donner pour recevoir. Jonathan Drouin ? Son cas est très dur à lire, mais l’équipe semble encore être prête à travailler avec lui pour exploiter tout son potentiel.
Donc voilà pour la situation actuelle. Le statu quo ne serait pas en soi catastrophique ; le Canadien a amassé 96 points et a raté les séries par deux petits points. Tel quel, ce club sera encore compétitif en 2019-2020.
Mais après deux exclusions de suite des séries, et trois en quatre ans, Bergevin veut-il un club compétitif, ou un club qui dépassera les 100 points et qui peut au moins espérer franchir le premier tour des séries ?