Chronique

Le beau choix de Calvillo

L’affaire démarre par un drôle de hasard. Tous deux invités à une soirée pour marquer le 375e anniversaire de Montréal, Danny Maciocia et Anthony Calvillo ont garé leur voiture au même moment. Ils ont amorcé une conversation qui s’est poursuivie à l’intérieur. Les deux hommes sont de vieilles connaissances. En 1998, lorsque Calvillo s’est joint aux Alouettes, Maciocia occupait un poste d’adjoint.

Tout en faisant honneur aux petits fours et en saluant d’autres convives, ils ont discuté durant quatre heures de leur passion commune, le football. Plus le temps filait, plus les questions de Calvillo se précisaient : comment est-ce de diriger des étudiants-athlètes ? Quelles sont les différences avec les professionnels ? Quelle est la qualité de vie ? Maciocia a alors compris son intérêt pour un poste au sein de sa garde rapprochée.

Quelques semaines plus tard, Maciocia a fait signe à Calvillo. Mais celui-ci venait d’accepter une proposition de Marc Trestman avec les Argonauts de Toronto.

Un an plus tard, Calvillo ne voulant plus demeurer éloigné de sa femme et de ses enfants à Montréal, une entente a été conclue. Et c’est ainsi que « le meilleur quart-arrière de l’histoire de la Ligue canadienne de football », comme le décrit Maciocia, est devenu un Carabin.

Du coup, Maciocia renforce son entourage. Son excellent travail a aidé certains de ses adjoints à obtenir des postes importants dans d’autres établissements d’enseignement. Résultat, son groupe d’adjoints est plus jeune. La venue de Calvillo apportera un équilibre bienvenu.

Ce n’est pas tout : la présence de Calvillo fera sans doute réfléchir Jonathan Sénécal, le plus bel espoir québécois au poste de quart-arrière. Ce jeune homme au talent inouï, qui s’alignera de nouveau avec le Collège André-Grasset l’automne prochain, devra choisir dans quelle université il poursuivra son parcours scolaire et sportif en 2020.

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C’était beau d’entendre Calvillo évoquer son attachement à Montréal, hier. Il a expliqué que ses filles ne voulaient pas vivre ailleurs. On a senti qu’il a trouvé le temps long à Toronto la saison dernière. Sur le plan familial, ce poste avec les Carabins tombe à pic.

L’ex-numéro 13 a raconté à quel point ses entraîneurs à l’école secondaire et à l’université l’avaient influencé : « Sans eux, je ne serais pas ici aujourd’hui. » À son tour, il souhaite avoir un impact positif sur la vie des jeunes Carabins. Maciocia, lui, estime qu’en raison de sa simplicité et de ses valeurs, son nouvel adjoint pourrait devenir une « figure paternelle » pour certains d’entre eux.

L’observation est juste. Comme tous les grands quarts-arrières, Calvillo ne doit pas son succès à ses seules qualités athlétiques. Il a aussi été un rassembleur, capable d’instaurer l’ordre et la solidarité dans le caucus.

Au-delà de ces aspects positifs, la nomination de Calvillo soulève un enjeu incontournable : celui de la langue.

L’Université de Montréal est un établissement francophone et la nouvelle tête d’affiche de son équipe de football ne baragouine que quelques mots dans la langue officielle du Québec.

Manon Simard, directrice du sport d’excellence, en est consciente. Elle suivra de près l’apprentissage de Calvillo, qui suivra des cours privés. La situation de l’ex-quart est semblable à celle de professeurs recrutés ailleurs dans le monde et qui doivent aussi apprendre la langue de leur société d’accueil. L’Université les accompagne dans ce projet. « Je n’ai aucune inquiétude : il fera les efforts nécessaires », dit-elle.

Si l’anglais est la langue du football, si les plans de couverture défensive et les tracés des receveurs sont évoqués en anglais même chez les Carabins, la communication est très largement en français. Maciocia est convaincu que Calvillo, qui baignera dans cet environnement, progressera rapidement. « Son français s’améliorera durant ses conversations avec nous, ça l’aidera énormément, dit-il. Et il le pratiquera à la maison avec ses enfants. »

Calvillo, lui, explique que l’apprentissage d’une langue est un défi pour lui. Ainsi, malgré son héritage mexicain, il regrette de ne s’être jamais mis à l’espagnol. Malgré les difficultés, il veut relever le défi avec le français.

Au fil des années, j’ai appris à prendre avec un grain de sel les promesses de différents intervenants sportifs à apprendre le français. Mais vous savez quoi ? Je pense que Calvillo nous surprendra, comme Jesse Marsch l’avait fait à sa seule saison à la barre de l’Impact. Pourquoi ? En raison de l’encadrement et de sa propre volonté.

Manon Simard et Danny Maciocia sont des gens de parole, en qui on peut avoir confiance. Et quand ils s’engagent à tout mettre en œuvre pour que Calvillo atteigne ses objectifs, je les crois. Après tout, c’est l’image de leur université qui est en cause. Et quand Calvillo dit haut et fort son désir de réussir, je le crois aussi. N’oublions pas qu’avec les Alouettes, aucune pression n’existait sur ce plan. Le DG Jim Popp, qui fut son patron durant des années, n’a lui-même jamais consenti le moindre effort à ce chapitre.

Cela dit, c’est tout de même dommage qu’après avoir joué si longtemps à Montréal, Calvillo ne connaisse pas mieux le français. Cela faciliterait sa vie aujourd’hui.

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Qui aurait pensé ça ? À Montréal, la plus importante nouvelle de l’entre-saison du football concerne les Carabins et non pas les Alouettes.

Peu importe la suite des évènements, avouons que c’est très sympathique de voir une légende du sport montréalais poursuivre sa carrière en enseignant le football à des joueurs universitaires de sa ville.

Cinq ans après sa retraite des Alouettes, Calvillo fait un beau choix.

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