TÉMOIGNAGE AIDE MÉDICALE À MOURIR

Regretteriez-vous
une vie sans issue ?

Voici un témoignage qui nous est parvenu à la suite de la publication, mercredi, de la chronique de Lysiane Gagnon « La loi et les consciences ».

L’aide médicale à mourir fait partie de chacune de mes pensées par les temps qui courent.

À la fin de chaque nuit, malgré les médicaments, ce sont les douleurs et l’inconfort qui me forcent à me lever. J’ai une maladie dégénérative, orpheline et sans issue. J’ai encore une certaine qualité de vie, mais ce n’est pas tout. À chaque seconde, à chaque mouvement, je dois être totalement concentré.

On dit des bébés qu’ils font leurs premiers pas ; moi, à 69 ans, j’en suis à mes derniers, aidé d’un déambulateur, lorsque je parviens à m’extirper de mon lit d’hôpital ou de mon fauteuil roulant surélevé, habituellement pour aller aux toilettes sur ma chaise d’aisance, elle aussi surélevée.

C’est le seul moment où je marche encore.

Je n’ai pratiquement plus de muscles et je suis sujet à des chutes sans pouvoir me protéger, n’ayant plus de tonus. L’endroit où je suis le plus inconfortable, c’est dans un lit. Et bientôt, j’y serai confiné 24 heures par jour, 7 jours sur 7, 365 jours par année. L’enfer assuré.

Ça fait réfléchir à l’euthanasie, malgré les services disponibles.

Je suis à l’aise financièrement, très, très bien entouré par ma famille, mes nombreux amis et les merveilleuses intervenantes de notre excellent système de santé : ergothérapeutes, travailleuses sociales, etc. Je suis très résilient, courageux, combatif, pas plaignard.

Mais il y a un « boutte à toutte », à ce que même Tarzan et Superman peuvent endurer !

Tout est devenu trop pesant. Même une fourchette ! À court terme, je vais être totalement rigidifié, prisonnier de mon corps devenu une poche de patates.

J’ai déjà pratiqué tous les sports. 

Je comprends les réticences des médecins à donner la mort. Ma fille en est un. Elle est d’accord, en théorie, mais ne voudrait pas l’administrer, ayant été formée pour sauver des vies. Mais il y en a qui sont prêts à le faire. Et pourquoi pas les vétérinaires, qui s’y connaissent mieux que tous ? « lol »

Dans le cas où la maladie affecte le cerveau, c’est plus délicat au niveau du consentement, en effet. Que certains aient l’alzheimer joyeux, j’en conviens, car j’en connais. J’en connais d’autres, cependant, qui ont changé huit fois de résidence en un an, parce qu’ils sont devenus fous furieux et dangereux pour les autres et pour eux-mêmes, alors qu’avant leur maladie, ils étaient tout à fait charmants.

Et si les directives anticipées n’ont aucun poids moral, selon le Collectif des médecins contre l’euthanasie, dites-leur de ma part que celui d’un collectif de Bérets blancs [association catholique, NDLR], qui ne sont nullement malades, en a mille fois moins. Et eux-mêmes vont peut-être changer d’idée lorsqu’ils seront souffrants. Ils appelleront peut-être alors la mort encore plus fort que les autres.

C’est sûr que des témoignages de personnes ayant bénéficié de l’aide médicale à mourir, c’est difficile à colliger. Mais à la question : « Regrettez-vous votre vie sans issue ? », elles auraient été unanimes à répondre : « Non. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.