VIRÉE DES GALERIES

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée montréalaise de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

KIM WALDRON 

Le vrai visage de la Chine

La Chine est, plus que jamais, au cœur de nos vies. Mais la connaît-on vraiment ? Dans une sorte d’échange symbolique, l’artiste québécoise Kim Waldron est partie travailler au cœur de la réalité chinoise en 2015. Elle en a rapporté une série de photographies qu’elle expose chez Circa jusqu’au 11 mars. 

Lauréate du prix Pierre-Ayot 2013, Kim Waldron est connue pour ses actions documentaires dans lesquelles elle se met en scène pour poser des questions sur notre quotidien, nos traditions, nos enjeux sociaux. En 2014-2015, elle était par exemple en campagne électorale ! En effet, elle s’était présentée aux dernières élections fédérales, comme candidate indépendante, pour se pencher sur l’usage de l’image en politique.

Après avoir reçu la bourse Claudine et Stephen Bronfman en art contemporain en 2013, elle est partie (avec sa fille qui venait de naître, son petit garçon et son conjoint) effectuer deux résidences artistiques en Chine, de mars à juin 2015. Deux mois sur l’île chinoise de Xiamen, située juste en face de Taiwan, puis un mois à Pékin. 

Elle a exposé une première partie de ce corpus en septembre 2015 à la FOFA Gallery de l’Université Concordia. Chez Circa, elle vient d’accrocher les photographies de son insertion « artistique » dans la société chinoise qu’elle a effectuée… par le travail.

Emplois temporaires dans l’empire du Milieu 

Made in Québec illustre en effet ses brèves expériences professionnelles en Chine. Des emplois temporaires pour toucher au plus près la réalité du pays. Et pour « donner de son temps », dit-elle, pour se « positionner comme une marchandise » et attribuer une « dimension humaine à la relation abstraite que nous avons face à la production et à la consommation ». Une réflexion que Kim Waldron a déjà illustrée avec son corpus Beautiful Creatures qui étudiait le rapport qu’on entretient avec les animaux que nous mangeons. 

Pour Made in Québec, elle voulait examiner ce qui se cache derrière l’inscription Made in China qu’on lit sur les étiquettes commerciales. Elle a constaté que les produits manufacturés chinois qu’on achète en Occident ne proviennent pas toujours de ces super-usines qui emploient des centaines de travailleurs et travailleuses assis devant des chaînes de montage ou des machines à coudre. Comme l’ont montré par exemple les photographies d’Andreas Gursky. 

Kim Waldron a travaillé en Chine pour quelques heures dans des ateliers et de petites fabriques. Elle s’est photographiée (ou fait photographier par son assistante-traductrice chinoise) pour montrer sa condition de travailleuse. Sur la trentaine d’impressions jet d’encre de l’expo, on la voit balayer un balcon, aider à la préparation d’un repas, encadrer les étudiants d’un cours de dessin, déplacer un bouddha dans une fabrique de statuettes, transporter des bidons d’eau, servir du riz dans une échoppe, décharger des sacs de plâtre d’un camion ou encore faire des plantations d’herbes médicinales dans une serre. 

Mise en scène et naturel 

Les photographies de Kim Waldron sont d’une richesse documentaire indéniable. Mais pas seulement. Bien qu’elle soit la seule Occidentale qui apparaisse dans ses images, elle n’a l’air ni d’une intruse ni d’une comédienne. Ses attitudes sont naturelles. Elle est habillée comme une Chinoise. On la sent concentrée sur ce qu’elle fait, intégrée à son contexte de travail. Pourtant, la photo est une construction, une mise en scène. 

« Quand j’ai commencé les arts plastiques, j’ai étudié le travail d’Henri Cartier-Bresson, dit-elle. Ce moment de la prise de photo que tu sais être le meilleur moment m’intéresse. J’aime cet inconnu, quand tu ne sais pas si ça va fonctionner. » 

Chine capitaliste

Les images de l’artiste montréalaise détaillent les intérieurs des espaces de travail chinois. Les lieux ne sont pas toujours d’une grande modernité. Le système électrique semble parfois bien primaire. On est loin des images d’usines ultra-sophistiquées. Et de bien des idées préconçues.

« Je me suis rendu compte que lorsque les gens donnent quelque chose, ils attendent autre chose en retour, dit-elle. J’ai trouvé les Chinois plus capitalistes que tout ce que j’ai connu auparavant. L’argent est le moteur de tout là-bas ! Je ne m’y attendais pas du tout… » 

Made in Québec, de Kim Waldron, à Circa art actuel (Édifice Le Belgo, 372, rue Sainte-Catherine Ouest, espace 444), jusqu’au 11 mars

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