Chronique

Les immigrés coûtent-ils plus qu’ils ne rapportent ?

Toutes sortes d’informations circulent sur la rentabilité économique des immigrés au Québec.

Certains affirment que les immigrés coûtent plus cher à la société d’accueil qu’ils ne rapportent. D’autres pensent carrément le contraire.

Or, les études économiques sont beaucoup plus nuancées. Et elles ne permettent certainement pas aux détracteurs de justifier leur opposition à l’immigration sur la seule base des motifs économiques.

Essentiellement, les opposants soutiennent que ce sont les immigrés eux-mêmes qui absorbent l’essentiel des gains économiques de leur venue, bien davantage que la société d’accueil. De plus, disent-ils, les immigrés accentuent la pénurie de main-d’œuvre plutôt qu’ils ne la résorbent, notamment parce que leur présence accroît les besoins de services publics (écoles, hôpitaux, etc.).

Il y a quelques années, l’argumentaire des opposants pouvait tenir la route, quand le marché de l’emploi était anémique au Québec, ce qui frappait encore davantage les immigrés. Mais les choses ont bien changé, et les entreprises du Québec font maintenant face à une réelle pénurie de main-d’œuvre, qui mine notre croissance.

Au début de mai, justement, une étude du Conference Board est venue affirmer que l’immigration est la mesure la plus importante pour maintenir notre niveau de vie et freiner le déclin de la population active causé par le vieillissement de la population.

Et, en début d’année, l’économiste Pierre-Paul Proulx a rappelé que le Canada est le pays qui accueille les immigrants les mieux formés au monde et que cette source d’immigrants est de nature à faire croître l’économie. Plus précisément, 65 % des immigrants canadiens sont titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires, comparativement à 49 % au Royaume-Uni et 36 % aux États-Unis.

Ces immigrants hautement qualifiés contribuent à l’augmentation du PIB et des salaires, grâce à une croissance de la productivité et des taux d’activité, selon une recension d’études qu’a faite Pierre-Paul Proulx, professeur honoraire de l’Université de Montréal. Ces immigrés aident à résorber les pénuries de main-d’œuvre, notamment dans les secteurs névralgiques de l’intelligence artificielle et des applications numériques. Ils stimulent aussi l’innovation.

« Les études récentes tendent à montrer que l’accueil d’immigrants qualifiés a globalement des impacts économiques et fiscaux favorables sur le pays d’accueil et que l’impact fiscal net de leur intégration à la communauté est positif, de leur entrée au pays à leur décès », écrit-il dans l’un des textes parus sur le forum Libres Échanges, de l’Association des économistes québécois (ASDEQ).

Sondage auprès des économistes

Jeudi, un sondage publié par l’ASDEQ a conclu que l’immigration était jugée favorablement par les économistes québécois. Ainsi, quand on leur demande de nommer le principal avantage de l’immigration pour la société québécoise, 44 % des 90 économistes sondés affirment qu’elle contribue à la croissance économique et 37 %, qu’elle atténue la rareté de la main-d’œuvre.

Quant aux inconvénients de l’immigration, les économistes croient surtout qu’elle crée des tensions sociales et culturelles (43 %). Une minorité juge qu’elle nuit directement à l’économie, par exemple par une pression à la baisse sur les salaires (2 % des répondants), une charge supplémentaire pour les programmes sociaux (11 %) ou d’autres inconvénients (8 %), comme les problèmes de qualification ou d’intégration, entre autres.

Pour faciliter l’intégration, le tiers des économistes sondés croient qu’il faut augmenter les ressources aux programmes d’accueil et d’intégration, un autre tiers, qu’il faut alléger la réglementation des métiers et professions, et 13 %, qu’il faut sensibiliser la population aux avantages de l’immigration. Seuls 8 % d’entre eux jugent qu’il faut fixer des quotas correspondant à notre capacité d’accueil.

Par ailleurs, reconnaît Pierre-Paul Proulx, l’un des aspects économiques de l’immigration que les autorités devraient analyser attentivement est l’incidence de l’accueil de parents d’immigrés. Ces parents âgés, s’ils sont nombreux, risquent d’accentuer le vieillissement de la population et d’alourdir le recours à nos services publics, sans qu’ils aient pu, au préalable, contribuer énormément à l’économie en travaillant.

Les enfants d’immigrés ont aussi recours à nos services publics, mais ils en rembourseront largement l’utilisation dans les années à venir.

Ces questions continueront d’alimenter les débats au cours des prochaines années. L’ASDEQ en fait justement le thème principal de son congrès annuel, qui aura lieu les 29 et 30 mai, à Québec.

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