Hockey

Le sport au féminin

Il y a celle que l’on appelle « la mère », tout d’abord, toujours avec un petit sourire en coin. Chantal Machabée, à 52 ans, fait tellement partie du paysage sportif au Québec qu’on a un peu l’impression qu’elle est arrivée avant RDS. Ce qui n’est pas tout à fait faux.

Il y a celle que l’on appelle « la mère », tout d’abord, toujours avec un petit sourire en coin. Chantal Machabée, à 52 ans, fait tellement partie du paysage sportif au Québec qu’on a un peu l’impression qu’elle est arrivée avant RDS. Ce qui n’est pas tout à fait faux.

« J’ai été engagée à RDS le 1er août 1989, un mois avant l’ouverture de la station sur les ondes », précise-t-elle avec cette mémoire infaillible qu’on lui connaît.

Il y a ensuite Amanda Stein, 30 ans, employée de l’antenne radiophonique de TSN à Montréal, qui est dans le milieu des médias sportifs du Québec depuis six ans. Puis il y a Jessica Rusnak, 29 ans, qui tient la chronique sportive de l’émission du matin à la radio de la CBC à Montréal, après une année à Toronto chez Sportsnet.

Dans le cadre du 8 mars, La Presse a tenu à réunir ces dames au centre d’entraînement du Canadien à Brossard, là où elles bossent tous les jours, ou presque. L’idée ? Une table ronde sur leur monde, leur milieu et leur réalité.

À table !

Chantal, ça fait quand même quelques années que tu fais ce métier, et à l’époque, tu étais pas mal parmi les seules à parler de sport au féminin.

Chantal Machabée  : J’ai commencé en 1983 et j’ai animé ma première émission en studio à 19 ans, le 8 mars 1984, à Radio-Canada Sherbrooke. Plus tard, j’ai postulé à La Presse canadienne et le réseau NTR. Ils ont eu 400 CV, ils en ont gardé 10, et parmi les 10, je suis la seule à qui ils ont fait passer un test de connaissances sportives. Parce qu’il y avait neuf gars et moi… J’ai étudié en science politique, et comme je suis maniaque de sport, j’étais curieuse, on étudiait la politique en Indonésie et les conflits là-bas, et je me demandais à quoi ils pouvaient bien jouer en Indonésie. J’ai appris que le badminton était leur sport national… et lors du test, il y avait cette question : quel est le sport national en Indonésie ? (Rires)

Il y a eu RDS ensuite…

Chantal Machabée :  J’ai animé la première émission de l’histoire de RDS. J’ai aussi été la première à être engagée à RDS, et le patron à l’époque, Guy Des Ormeaux, m’avait dit qu’il voulait que ce soit une femme qui « ouvre » le Réseau des sports. Il a tenu promesse. Et je suis encore là…

Amanda Stein :  C’est difficile de parler de moi après ça ! Je suis arrivée il y a six ans. J’ai commencé à TEAM 990, c’était plus petit, et nous avons été achetés par TSN par la suite. C’est ma cinquième saison à couvrir le Canadien. J’ai été parmi les chanceuses à commencer comme stagiaire. Ils cherchaient une voix féminine après avoir perdu Andie Bennett, qui était allée ailleurs. C’est comme ça que ça a commencé pour moi.

Jessica Rusnak : C’est ma huitième année, et comme Chantal, j’ai commencé au hockey junior. Je couvrais les activités du Junior de Montréal. J’ai demandé s’il y avait un journaliste qui couvrait l’équipe. Ils ont dit : « Non, tu peux le faire, mais tu ne seras pas payée… » J’ai dit : « OK ! » Je voulais juste avoir une chance. À la mi-saison, ils ont fini par me payer.

Trouvez-vous que les choses ont changé ? Lors d’un samedi soir au Centre Bell il y a quelques semaines, il devait bien y avoir une dizaine de femmes dans le vestiaire… Je ne me souviens pas d’en avoir vu autant.

C. M. :  Ça a énormément changé. Juste une parenthèse : le Washington Post a une femme sur le beat du hockey, du football, du basket et du baseball. Ce n’est pas encore comme ça à Montréal pour le moment. Mais c’est sûr que ça a changé ici ; au début, on n’était pas nombreuses, et on se faisait remettre en question par les fans, par les autres journalistes : « Mais qu’est-ce qu’elle vient faire ici, elle ? » Il a fallu que je me prouve pendant des années. Les athlètes n’ont pas ce jugement-là, ils répondent aux questions, c’est tout. Mais on ne se fait plus regarder comme ça. Plus tard, il y a eu une mode, toutes les stations voulaient avoir leur fille pour l’image, au détriment des femmes plus compétentes. On a parachuté un peu n’importe qui n’importe où. Ça a eu l’effet contraire. Mais ces filles-là sont parties, et là, les patrons s’assurent d’avoir des femmes compétentes.

J. R. :  En radio, il y a peut-être un peu de retard de ce côté-là. Il n’y a pas une seule femme qui anime sa propre émission sportive ici. J’aimerais qu’il y ait à la radio sportive plus d’espace pour les femmes, qu’elles aient une émission de trois, quatre heures pour parler de sport, pas juste un segment de temps en temps. Je pense aussi qu’il y a beaucoup de gens qui aiment entendre une opinion différente, un point de vue féminin.

C. M. :  J’ai le bonheur d’animer L’antichambre (à RDS) et il y a beaucoup de gens qui me disent : « C’est complètement différent quand c’est toi qui es là. » C’est vrai qu’on a peut-être un point de vue différent.

J. R. :  On entend parfois des patrons dire : « Je cherche une femme, il n’y en a pas. » Mais est-ce que tu cherches vraiment (rires) ? Si tu cherches le soleil lors d’une journée nuageuse, tu ne vas pas le trouver…

A. S. :  On est ici, mais on doit constamment se prouver, et on mérite d’obtenir les mêmes occasions. Il y a plusieurs gens qui sont très bons avec nous et qui nous offrent ces occasions, mais on dirait parfois que c’est plus difficile quand on tente d’aller plus loin, de monter un peu dans la hiérarchie. On a vu des hommes nous dépasser avec moins d’expérience. Ça peut devenir très frustrant.

C. M. :  Je me souviens que Pierre Trudel avait fait des recherches à un moment donné ; il avait appris qu’en 1989, j’étais la première femme au Canada à avoir une quotidienne de sport. On ne parle pas de 1924, là ! Aujourd’hui, il n’y en a pas d’autres. L’évolution se fait, mais je vois qu’il y a encore des progrès à faire.

A. S. :  À titre de filles de la jeune génération, nous sommes tellement chanceuses d’avoir avec nous quelqu’un comme Chantal. Quelqu’un à qui on peut demander conseil. Comment poser telle question sans que ça paraisse mal, quoi porter pour ne pas donner la mauvaise impression…

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