Hockey

Dans le vestiaire

Contrairement à leurs collègues masculins, les femmes journalistes doivent tenir compte d’une multitude de facteurs dans le vestiaire d’une équipe sportive professionnelle, notamment en ce qui a trait à leur apparence. Témoignages.

Moi, je n’ai pas à me préoccuper de savoir si ce que je porte est approprié ou pas dans le vestiaire. Mais vous devez le faire.

Amanda Stein :  Oh oui. Est-ce que ma blouse est un peu trop basse ? Est-ce que mes talons sont trop hauts ? Je dois être certaine que ce que je porte est approprié pour un vestiaire. Je comprends que ça peut paraître bizarre de parler de ça, mais on tient tellement à être respectées.

Chantal Machabée  : Je ne nommerai pas de noms, mais il y a des femmes journalistes dans le sport qui ont été jugées sévèrement par les joueurs à cause de leur habillement.

A. S. :  Il faut s’assurer de faire bonne impression.

C. M. :  Un des incidents les plus cocasses dans mon cas, c’était une entrevue en direct après un match, avec Daniel Alfredsson. Il était arrivé rapidement, alors je n’ai pas eu le temps de replacer ma camisole. J’ai fait l’entrevue et puis la traduction, et normalement, le joueur s’en va pendant la traduction. Pas cette fois-là ; il était resté là, les yeux dans mon décolleté. Le caméraman trouvait ça tellement drôle qu’il est resté avec le même plan. Le lendemain, ça a fait le tour des médias sociaux… Après ça, j’ai porté des cols roulés pour le reste de la saison !

A. S. :  Nos collègues masculins n’ont pas à se soucier de ça.

C. M. :  Je suis extrêmement consciente de ça ; autant les hommes que les femmes vont critiquer mes choix de vêtements à la télé. Si je suis trop sexy, je me le fais reprocher. Si je suis trop « matante », je me le fais reprocher aussi.

Je me souviens du match au Minnesota, au début du mois de janvier ; on avait des collègues qui arrivaient en retard de Winnipeg à cause de la météo, à la suite du match qui avait eu lieu la veille. La rencontre entre le Canadien et le Wild était sur le point de commencer, et l’une de nos collègues voulait quand même passer à l’hôtel avant pour aller se changer.

C. M. :  Parce que les femmes, on va être jugées sur tout. Sur nos connaissances, nos opinions, notre comportement, l’intelligence de nos propos, mais aussi sur nos cheveux, notre maquillage, nos dents… on est jugées sur tout alors que vous, les gars, vous allez être jugés sur votre travail, pas votre allure.

A. S. :  Jess et moi, on travaille en radio, les gens ne nous voient pas. Mais quand il y a une photo de nous quelque part, on se fait critiquer.

C. M. :  Et si tu prends du poids, tu te le fais dire…

Jessica Rusnak : Les gens nous jugent aussi sur la façon dont on interagit avec les joueurs. Quand j’ai couvert les matchs des séries du Canadien pour TSN, quelqu’un m’a écrit pour me dire : « Ouin, Max Pacioretty, tu lui souris, tu lui fais des beaux yeux… » Non, je fais juste une entrevue ! Le gars, dans sa tête, avait décidé que j’avais une « connexion » avec Pacioretty. Personne ne dit ça des hommes qui travaillent dans les médias.

A. S. :  Ça me rappelle la fois où j’ai voulu parler à Mike Cammalleri sur sa routine d’avant-match ; j’avais entendu dire qu’il écoutait du Van Morrison, et je voulais faire quelque chose avec ça. Alors j’ai attendu à la fin de son point de presse pour être seule avec lui et lui poser des questions sur ce sujet, et un collègue masculin m’a dit : « Tu sais, tu ne peux pas arriver ici dans le vestiaire et demander aux joueurs leur numéro de téléphone… » Je suis rentrée à la maison ce soir-là et je me suis mise à pleurer.

Tout ça me rappelle quelque chose. Vous souvenez-vous, il y a quelques années, une de nos collègues, qui n’est plus ici, avait apporté un gâteau à un des joueurs du Canadien dans le vestiaire ? Moi, ça m’a mis mal à l’aise. Vous ?

A. S. :  J’étais présente ce jour-là. J’ai tout vu, et Richard, je dois te dire que j’étais TELLEMENT inconfortable.

C. M. :  Moi aussi.

A. S. :  Parce que ça nous a toutes fait reculer. Nous sommes toutes jugées de la même manière, avec le même regard. C’était tellement inconfortable.

C. M. :  Ça ne se fait pas.

J. R. :  Ça m’a fâchée, ce n’était pas bon pour l’image des femmes du milieu. Ce n’est pas tout le monde, mais il y a encore des gens qui pensent que les femmes veulent juste aller dans le vestiaire pour se trouver un mari. Ce n’était vraiment pas la place pour ça. Aussi, je me souviens qu’elle avait raté la conférence de presse de l’entraîneur ensuite parce qu’elle était encore en bas, dans le vestiaire, à vouloir prendre des photos.

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