Des créateurs québécois s’attaquent au marché
« C’est une œuvre que je voulais accomplir, j’avais la passion sauvage de mettre ça sur papier. Je ne voulais pas que ça se perde dans l’oubli, j’avais le désir de la partager. »
En 20 ans comme maître de jeu, Sébastien Pitre Langley a amassé des pages et des pages d’aventures, créées au rythme des soirées de Donjons et Dragons organisées deux fois par mois avec des amis. « Tant qu’à faire, pourquoi ne pas formaliser tout ça dans un jeu ? », s’est dit le jeune auteur. C’est ainsi qu’est né Courant fractal, jeu de rôle 100 % québécois lancé en librairie il y a un peu plus d’un an.
Vendu à plus de 400 exemplaires jusqu’ici et offert en ligne depuis le printemps sur le portail leslibraires.ca, le jeu est présenté dans un bouquin de 357 pages qui fait la part belle à la description de la Pangée fractale, son histoire, sa géographie, ses systèmes politiques, ses organisations militaires et paramilitaires, ses personnages clés, ses traits culturels. « On a voulu donner un cachet très littéraire au jeu, dans l’espoir de rejoindre les gens plus âgés, nous a expliqué Sébastien Pitre Langley. On a aussi notamment demandé la collaboration d’amis psychologues et historiens pour assurer la cohérence des personnages et de notre univers de jeu en général. »
L’auteur et journaliste indépendant David Riendeau a aussi été mis à contribution pour créer la première quête complète associée au monde de Courant fractal. Le mystère des Blodev a été lancé en juillet dernier au Comiccon de Montréal : « Au chapitre de l’intrigue, ç’aurait pu être celle d’un thriller ou d’un film d’action dans la mesure où la résolution des énigmes ne nécessite pas de magie, mais plutôt de la négociation ou des manœuvres politiques », a expliqué David Riendeau, qui vient parallèlement de faire paraître son premier roman, Le testament, un suspense policier.
« Dans une quête classique de jeu de rôle, les héros se limitent à sacrer une volée au méchant. Dans notre cas, même s’ils remplissent la mission, ils s’aperçoivent que ça peut avoir un impact insoupçonné sur la population civile. J’ai intégré beaucoup de considérations morales, je veux vraiment amener les joueurs à faire des choix de plus en plus déchirants, comme dans la réalité, en fait. »
Sébastien Pitre Langley n’avait pas de visée commerciale en lançant Courant fractal. Il n’avait évidemment pas le luxe de lancer de multiples produits, comme le font les grands éditeurs de jeux. « Le projet est né uniquement d’une passion de créer, a-t-il avoué. On était dans l’obligation de tout mettre dans un seul livre, le système de jeu ainsi que tous les détails de campagne. On ne savait pas si on allait pouvoir continuer après. On n’avait qu’une seule chance de se faire valoir. »
La réponse des joueurs a été suffisamment positive pour qu’on invite David Riendeau à créer une campagne de jeu – une suite du Mystère des Blodev est d’ailleurs déjà en chantier.
« J’aime explorer différents types d’écriture et les jeux de rôle sont pour moi quelque chose de différent et de plus ludique. »
— David Riendeau, auteur
« Dans un roman, la structure est assez linéaire, alors que dans le cas d’une campagne de jeu de rôle, le défi est d’anticiper les réactions des joueurs pour donner des repères au maître de jeu. »
Le marché québécois étant pour le moins restreint, la suite pour Courant fractal passe maintenant par l’Europe francophone. « On sait qu’on ne peut pas espérer subsister en restant ici, a reconnu Sébastien Pitre Langley. Et comme la traduction représente un investissement majeur, on espère plutôt accéder au marché français, ce qui est beaucoup plus simple, notamment avec le livre numérique. »
Des attentes bien pragmatiques pour des créateurs d’univers fantastiques…