Les carrières en sciences

Le danger de la surqualification

« Les sciences pures vous ouvriront toutes les portes », nous a-t-on martelé toute notre jeunesse. Pourtant, le taux de chômage des diplômés universitaires en sciences est plus élevé que celui des finissants en sciences humaines. Les emplois y sont rares. Les salaires, peu élevés. Bref, plusieurs de ces fameuses portes sont verrouillées.

C’est un peu la conclusion de Maxime Bergeron, qui vient de publier un court essai sur les carrières en sciences.

Le jeune homme de 32 ans en sait quelque chose. Après avoir fait un baccalauréat en biochimie, une maîtrise en biologie moléculaire, un doctorat en chimie et un postdoctorat sur les biocarburants (aux États-Unis), Maxime Bergeron a peiné pour trouver un emploi. Une brève expérience de travail dans une entreprise pharmaceutique l’aura finalement convaincu de… retourner aux études. En sciences de la santé.

« Oui, il y a un risque de surqualification, nous dit l’auteur, qui rêvait d’être chercheur. Mais si on a un plan de carrière, ça peut être raisonnable de le faire. Moi, pour enseigner à l’université, je n’avais pas le choix de me rendre jusqu’au doctorat. »

« Ce que je dis, c’est que les gens doivent poser des questions, se renseigner. La réalité peut être pas mal plus difficile que ce qu’on nous laisse entendre. »

— L’auteur Maxime Bergeron

Pour étayer son propos, Maxime Bergeron a notamment épluché les enquêtes Relance du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Des rapports statistiques basés sur des sondages faits auprès de diplômés universitaires. On se rend vite compte que les diplômés en sciences sont peu nombreux à travailler dans un domaine lié à leur formation.

Par exemple, à peine 4 % des bacheliers en sciences physiques occupaient un emploi à temps plein dans leur domaine d’études. Chez ceux munis d’une maîtrise, ce taux grimpait à 24 %. C’est mieux, mais c’est peu.

« On ne peut pas uniquement se fier au taux d’emploi parce qu’il y a beaucoup de diplômés qui travaillent dans un domaine qui n’est pas lié à leurs études, précise Maxime Bergeron. Dans certains cas, les perspectives d’emploi peuvent être intéressantes, mais c’est loin d’être généralisé. En sciences physiques, 30 % des diplômés poursuivaient leurs études faute d’avoir trouvé un emploi. »

Côté salaire, rien de mirobolant. Des bacheliers en microbiologie gagnaient à peine un peu plus de 40 000 $ par année en 2015. Avec une maîtrise, ce salaire passe à 45 000 $. « C’est souvent un choc pour les jeunes qui ont des attentes salariales beaucoup plus élevées », note Maxime Bergeron.

Études et compétition

Dans le petit ouvrage de la collection sur les carrières édité par Septembre éditeur, ce passionné de sciences se questionne sur la pertinence des études supérieures.

« Tout dépend de notre plan de carrière, mais les jeunes doivent comprendre que ce n’est pas parce qu’on a plusieurs diplômes qu’on a plus de chances de décrocher un emploi. Au contraire. Si on veut faire de la recherche au Québec, il faut poursuivre sa formation à l’étranger pour acquérir une expertise qu’on n’a pas ici. Mais c’est difficile. On parle d’environ 20 % des doctorants qui accèdent à des postes de professeur. »

Quel est le piège le plus important à éviter ? « Ne pas remettre en question les informations qu’on nous donne, répond Maxime Bergeron. Il faut tout valider auprès de plusieurs sources. Il ne faut pas se fier à des gens qui sont en conflit d’intérêts. »

« Je croyais aussi qu’en recherche, les gens s’entraidaient. Mais il y a beaucoup de compétition, ce qui finit par nuire à l’avancement de la science. »

— Maxime Bergeron

Ce désenchantement face à des perspectives d’emploi faibles peut mener les jeunes diplômés en sciences à la dépression.

« J’ai vécu des moments difficiles, admet Maxime Bergeron. Il y a eu des périodes de découragement, c’est sûr. Quand on a étudié aussi longtemps et qu’on se rend compte que notre investissement ne rapporte pas grand-chose, c’est dur. Je connais plein de gens qui ont vécu la même chose, mais il ne faut pas se décourager, parce qu’en fin de compte, la vie, ce n’est pas que le travail non plus. »

Les carrières en sciences – Astuces pour éviter les pièges

Maxime Bergeron, Ph. D.

Septembre éditeur

75 pages

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.