Restaurants

Le côté sombre de la cuisine

Les cuisines sont souvent petites, voire minuscules, même dans les meilleures adresses de Montréal. Les heures de travail sont longues. La tâche est dure, quelques chefs le sont aussi, ce qui peut mener aux pires dérapages. Incursion dans un monde où les excès sont communs.

UN DOSSIER DE STÉPHANIE BÉRUBÉ

Comme un champ de bataille

« La cuisine, ç’a toujours été un monde de ruelle. De recoins sombres où les gens ne vont pas. Un milieu tough où les loups se mangent entre eux », lance Dominique Dufour, qui travaille depuis une dizaine d’années derrière les fourneaux. Après s’être fait les dents à Vancouver et à Toronto, la jeune chef est revenue à Montréal, il y a un an. 

Dominique Dufour est une bête de cuisine. Elle nous a rencontrés dans un café montréalais un dimanche, sa seule journée de congé dans sa semaine qui compte au moins 60 heures de travail, souvent 70. « Pour travailler en cuisine, il faut que tu sois à l’aise de te couper, te brûler. D’être debout 12 heures par jour. Ça fait des années que je ne mange pas mes trois repas par jour. » Et il faut être à l’aise avec certains travers de la psychologie humaine. Dominique dit avoir tout vu, tout entendu : la drogue en cuisine, des chefs soûls en salle avec les clients, des mains baladeuses, l’intimidation jusqu’à des échanges cruels, des prises de bec féroces. 

« Quand tu vas dans un grand restaurant, la salle à manger est opulente. La musique est douce. La cuisine, c’est l’envers de la médaille, dit la chef. C’est le feu, les cris. Des gens qui se poussent, qui se gueulent après. À la fin, c’est une camaraderie qui pourrait être comparée à celle qu’il y a sur les champs de bataille. » 

« C’est pour ça que ça s’appelle une brigade. Le système de la cuisine est dérivé du système militaire. »

— Dominique Dufour, chef

Ça, c’est quand la cuisine est cachée derrière des portes closes. Quand le dérapage se fait dans une cuisine ouverte, c’est parfois moins chic. Emily Homsy a été chef au restaurant Au pied de cochon, à Montréal. Un jour, c’est un client qui s’est interposé alors qu’elle engueulait vertement un de ses employés. Il accumulait les retards, la pression était énorme, le bouchon a sauté. « Je me suis réfugiée à la cave pour pleurer », dit celle qui a quitté le célèbre resto montréalais cette année, en excellents termes, mais « au bon moment ».

« On est dans un monde anormal, donc ça devient normal d’accepter des choses anormales. » 

— Emily Homsy, chef

Comme dans un roman

« Oui, avec tout ce qui se passe ces temps-ci, avec des amis cuisiniers, on s’est demandé si on a parfois dépassé la ligne. Si on disait des choses trop grivoises. Une cuisine, c’est une chambre de hockey, lance Bob le chef. Personnellement, je ne me suis jamais sorti les organes génitaux au restaurant, mais j’ai un gérant qui le faisait. » 

Aussi surprenant que cela puisse paraître, Robert James Penny, alias Bob le chef, n’est pas le seul à relater des épisodes en cuisine où le pénis d’un chef ou le testicule d’un garde-manger faisaient parfois des apparitions publiques. 

« On dirait que c’est accepté dans ce milieu-là, mais il faut briser le mur et cesser de penser que c’est correct », estime le chef bien connu qui a, lui aussi, vécu des épisodes complètement surréalistes au cours de ses 25 ans de carrière. Off the record, il donne les détails d’une soirée démesurée où la quantité et la variété de drogues disponibles auraient donné la nausée au plus efficace des chiens pisteurs de la police. Une scène qu’on croirait possible seulement dans un roman. Justement, Bob le chef est devenu cette année un personnage de fiction. Dans le livre Le plongeur, Stéphane Larue raconte ses années en cuisine où il a croisé des personnages plus grands que nature, dont Robert James Penny. « Les gens qui lisent le livre me disent souvent : "C’est malade tout ce qui se passait dans votre job", dit Bob. Mais en fait, il y a beaucoup de retenue dans ce roman. » 

Des départs 

Ce côté dur de la cuisine a néanmoins raison de certains professionnels qui prennent des pauses ou quittent complètement le métier. 

Après 15 années en cuisine et deux passages à l’émission Les chefs, Marie-Pier Morin a laissé son dernier emploi dans un restaurant montréalais il y a quelques mois. Le temps de faire le point. Elle est même allée consulter une orienteuse afin de voir si elle poursuivait sa carrière derrière les fourneaux. 

Elle n’est pas la seule à se poser des questions.

« J’ai vu des amis faire des dépressions. Des chefs extrêmement talentueux sortent du métier parce qu’ils ne sont plus capables. »

— Dominique Dufour, chef

Marie-Pier Morin était encore capable, mais à ce stade-ci de sa carrière, elle ne veut plus bosser pour des gens qui n’ont pas les mêmes valeurs de travail qu’elle. « J’en ai vu, des restos où le bar est dans la cuisine, raconte-t-elle. Et ce n’est pas pour des recettes. C’est pour le chef qui est chaud avant la fin de la soirée. Si quelqu’un se coupe, il lui arrange ça avec de la crazy glue et du tape pour qu’il puisse continuer à travailler. […] Ça m’est déjà arrivé de ramasser quelqu’un dans le frigo en overdose. » Marie-Pier Morin est en rupture avec cette culture. « Ça fait sept ans que je suis en position d’autorité en cuisine, dit-elle. Je me suis toujours battue pour que les gens aient des horaires décents et j’ai eu la chance de collaborer avec des gens ouverts à ça. Chez Leméac, on a engagé des gens de ménage. On a arrêté de faire frotter les employés à 2 h du matin après leur journée de travail. » 

Les choses changent 

Le milieu de la gastronomie vit une période charnière au Québec. Plusieurs raisons expliquent ce changement profond et déjà perceptible, dont une grave pénurie de main-d’œuvre en restauration qui donne aux travailleurs la liberté de choisir l’employeur qui leur plaît. Et cette rupture avec ce que plusieurs appellent « la vieille école ». 

« Des restaurants où les gens se crient par la tête, il y en a de moins en moins parce qu’ils ferment, lance Stéphanie Audet, chef aux restaurants LOV de Montréal. Il y a tellement de restaurants à Montréal présentement et la compétition est forte. » 

« Il faut complètement changer la façon dont on gère les cuisines, estime Stéphanie Audet. C’est difficile de le faire. C’est un travail de tous les jours. Il faut que les gens se respectent. Il faut s’éloigner de l’histoire de la cuisine française, des étoilés Michelin des années 70 et 80. Beaucoup de chefs de ma génération ont été formés comme ça. Moi aussi, j’ai travaillé dans une cuisine où on me criait après et j’ai dû demander qu’on me parle avec respect. J’ai dit non à l’intimidation. » 

Preuve que le milieu change vraiment, cette semaine, Bob le chef a donné des ateliers-conférences en prévention offerts par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. Un millier d’étudiants en cuisine l’ont écouté parler de droits. 

Malgré tout, Bob – qui a quitté les cuisines à la fermeture du Misto il y a trois ans – avoue être nostalgique. Le côté fraternité lui manque. 

Après quelques séances chez son orienteuse, Marie-Pier Morin a dû se résigner : elle ne raccrochera pas son tablier. Au contraire, elle planche sur un projet pour partir sa table, probablement dans son quartier, Saint-Henri. 

Idem pour Emily Homsy, ex-chef du Pied de cochon, qui rêve d’ouvrir son restaurant et qui a déjà rallié des gens qu’elle aime avec qui elle travaille depuis longtemps. Le feu sacré est toujours là. 

L’ITHQ s’attaque à l’intimidation

« On ne peut pas faire l’autruche », lance Liza Frulla, directrice générale de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec.

Intimidation 

L’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) veut stopper l’intimidation en cuisine : autant celle subie par ses étudiants, lorsqu’ils sont en stage, que celle qu’ils pourraient être tentés de faire subir à leur tour lorsqu’ils seront aux commandes des cuisines. 

« On en parle beaucoup, confie Liza Frulla. On est en train de mettre sur pied un code de conduite, non seulement pour les jeunes qui peuvent se faire harceler, mais aussi pour eux, quand ils seront patrons. Il faut mettre ça au curriculum. On forme des gens qui deviendront patrons en hôtellerie et en restauration. »

Les stages des étudiants de l’ITHQ sont faits dans des établissements québécois, mais aussi à l’étranger. 

« S’il y a un problème, il faut que le jeune nous appelle. Quelqu’un est là pour l’aider, assure Liza Frulla. Si ça ne marche pas, un responsable prend l’avion et va voir sur place. On veut s’assurer que notre jeune est en sécurité. »

L’ITHQ a dû gérer trois cas d’intimidation cette année : un premier en France, alors qu’un chef est carrément devenu violent et a menacé de frapper l’étudiant. Un deuxième au Canada : un maître d’hôtel a eu un comportement d’intimidation envers l’étudiant. L’employé a été rencontré et devait suivre une formation. Le dernier cas s’est produit au Québec. Il s’agit d’un cas de harcèlement sexuel. La direction de l’ITHQ a réglé la situation à l’amiable avec la direction du restaurant, qui a eu une excellente réaction », assure Marie-Claude McDuff, directrice, hôtel et affaires étudiantes, de l’ITHQ. 

Normes du travail

L’ITHQ veut aussi s’assurer que les restaurateurs qui accueillent ses étudiants respectent les normes du travail. 

« On envoie nos jeunes en stage non rémunéré, d’abord. [NDLR : les 40 premières heures du stage ne sont pas payées.] Après, ils doivent être payés. Avant, on leur faisait faire 110 heures de travail, on les payait pour 30 en leur demandant de ne pas parler. No more, lance Liza Frulla. On a averti les restaurateurs : si vous ne respectez pas nos normes, on n’envoie plus nos étudiants chez vous. Ce sont nos jeunes qui nous ont alertés. Avant, les étudiants avaient peur de parler ; aujourd’hui, c’est fini. »

L’Institut a d’ailleurs révisé sa liste de restaurants recommandés pour des stages. Les restaurants de Giovanni Apollo ont été rayés de la liste en 2010.

« Nous sommes un établissement d’enseignement, nous devons nous assurer que nos étudiants se retrouvent dans des endroits qui respectent les normes du travail », confirme Marie-Claude McDuff. « Je sais, poursuit-elle, que certains restaurateurs traitent nos étudiants de princesses parce qu’on leur a appris à faire respecter leurs droits. » 

En fait, précise Marie-Claude McDuff, les jeunes peuvent aller où ils veulent, que le restaurant soit recommandé par l'école ou qu’ils fassent eux-mêmes les démarches. « Certains jeunes sont attirés vers des restaurants connus parce que ça paraît bien ensuite dans leur CV, dit-elle. À la fin du stage, on reçoit un rapport qui dit qu’il a énormément appris, mais qu’il a travaillé des heures impossibles. » 

Valorisation

« La pénurie de main-d’œuvre nous donne l’obligation de valoriser la profession, dit Liza Frulla. Qu’on arrête de dire que c’est difficile et qu’on trouve des solutions. »

Les jeunes délaissent la restauration, déplore Liza Frulla. Il y a d’ailleurs eu une chute importante des demandes d’inscription à l’ITHQ. « Il y a 10 ans, on prenait un étudiant sur huit demandes, dit-elle, maintenant, c’est un sur trois. » 

Selon la directrice générale de l’ITHQ, les restaurateurs doivent s’adapter aux valeurs des milléniaux. « Ils nous disent que leur qualité de vie et de travail sont des facteurs déterminants [dans leur choix de carrière]. Les jeunes ne restent plus dans le milieu. » 

Rémunération

L’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec appuie l’Association des restaurateurs du Québec, qui demande une modification de la Loi sur les normes du travail.

« Le pourboire appartient à celui qui prend la commande et qui vend, explique Liza Frulla. À l’époque, tout était fait au guéridon. Le serveur faisait la finition, l’assiette, donc le pourboire lui appartenait. Aujourd’hui, c’est une équipe. Il me semble qu’en équipe, il devrait y avoir un partage. » 

« Au sein même de l’équipe, poursuit-elle, ça crée deux classes de travailleurs et ça crée des conflits. Pourquoi ne pas avoir un système de partage ? »

Salaires moyens

Serveur : 9,95 $ l’heure + 18,97 $ l’heure de pourboire

Chef : 19,43 $ l’heure

Cuisinier spécialisé : 15,44 $ l’heure

Plongeur : 11,86 $ l’heure

Maître d’hôtel : 19,30 $ l’heure 

*Pour des restaurants, au Québec, dont la facture moyenne est supérieure à 25 $

Source : Association des restaurateurs du Québec

Pénurie de main-d’œuvre

Le Québec fait face à une pénurie de main-d’œuvre sans précédent en restauration, particulièrement en cuisine. Et si cela pouvait avoir du bon ? 

Compétition

« Les employeurs qui ne seront pas capables d’offrir un environnement de travail de qualité ne seront plus capables de survivre. Personne ne va endurer un climat de travail négatif, inadéquat, agressant quand le voisin d’en face offre de meilleures conditions pour le même salaire », estime François Meunier, vice-président, affaires publiques et gouvernementales, à l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ).

Fidélité

Quatre-vingt pour cent des travailleurs prévoient continuer de travailler en restauration dans les trois prochaines années, mais un travailleur sur deux veut quitter l’entreprise dans laquelle il travaille actuellement, selon un sondage mené par l’Association des restaurateurs du Québec.

Rareté 

Une chose vient changer complètement la donne : la rareté des bons cuisiniers, estime Dominique Dufour, chef aux restaurants montréalais Ludger et Magdalena. Il y a quelques années, raconte-t-elle, un chef pouvait renvoyer un sous-chef sur la ligne de la manière la plus horrible du monde en pleine soirée de travail. Le sous-chef attendait son chef à la sortie du resto pour le supplier de le reprendre le lendemain. Le contexte a changé. Les restaurants ne peuvent plus se permettre de perdre des chefs talentueux sur des coups de tête, dit Dominique Dufour.

Mentorat

Lorsque Normand Laprise et Christine Lamarche ont ouvert Toqué ! il y a 25 ans, il y avait sept employés. En les comptant tous les deux. Aujourd’hui, Toqué ! (et la Brasserie T) peut compter 125 employés, en haute saison. « On a installé une structure en cuisine de mentorat pour former les jeunes de A à Z, car on fait tout : la boucherie, les sauces, les charcuteries, même les conserves pour l’hiver, explique Normand Laprise. Un jeune peut prendre son temps et monter dans la brigade. C’est ce qui nous sauve aujourd’hui. »

Le revers de la lame

Selon Normand Laprise, la pénurie de main-d’œuvre pourrait aussi avoir un effet pervers : des employés qui ne sont pas tout à fait prêts pour une position en cuisine pourraient y accéder, simplement parce qu’il y a un poste à pourvoir. « Si tu engages quelqu’un qui n’a pas encore les compétences, par exemple, si tu le mets sous-chef, mais qu’il n’est pas prêt, ça fait un stress de plus dans la cuisine. Et je dis toujours que ce qui est le plus dur en restauration, ce sont les ressources humaines. » 

C’est l’économie…

« Notre équipe est complète, mais il rentre moins de CV, concède Normand Laprise. En restauration, c’est simple : quand l’économie va bien, il y a un manque de personnel dans les cuisines. » En 25 ans, on a vu des fluctuations, dit Christine Lamarche, son associée chez Toqué !. « Là, dit-elle, on est dans le creux de la vague. » 

Prévisions

En 2020, 8720 emplois vont être vacants au Québec en restauration. Réunis en congrès à Trois-Rivières cette semaine, les restaurateurs sonnent l’alarme. « Même les restaurateurs qui ont de bonnes pratiques n’y arrivent pas », dit François Meunier, vice-président de l’ARQ. « À Québec, dit-il, la seule manière de trouver un chef, c’est de le voler à quelqu’un d’autre. Il n’y a pas d’autre option. »

Ralentissement

« Il va y avoir une épuration naturelle, dit François Meunier, de l’Association des restaurateurs du Québec. Déjà, sur le terrain, des projets d’expansion sont stoppés. […] Quand un gros restaurant ouvre, ça crée en plus une forme d’aspiration de la main-d’œuvre. » Selon l’Association, 70 % des restaurateurs au Québec ont déjà de la difficulté à recruter du personnel. 

Portrait de groupe atypique

Emma Glorioso-Deraiche s’intéresse à la psychologie des travailleurs de la restauration.

Les gens qui travaillent dans les restaurants vivent-ils tous dans un monde aussi tordu qu’on le dit ? Emma Glorioso-Deraiche a voulu faire la lumière là-dessus. Cette doctorante en psychologie à l’UQAM est en train de dresser un portrait de ce groupe atypique. Certains de ses résultats préliminaires confirment les travers qui existent dans le milieu : 20 % des employés en restauration consomment drogue ou alcool alors qu’ils sont au travail, souvent avec leurs collègues ou leur employeur, et 65 % consomment directement après le quart de travail. 

« Je voulais trouver un sujet qui allait me passionner », dit celle qui aurait voulu être pâtissière, mais qui s’est dirigée vers des études universitaires après que sa mère lui eut fortement déconseillé la restauration, les conditions de travail étant trop dures. L’intérêt pour la bouffe est resté et a inspiré son sujet d’étude. 

Pour son enquête, elle a recruté des participants sur les réseaux sociaux, mais aussi en faisant du porte-à-porte dans les restaurants montréalais. Elle y a été en général bien accueillie, les restaurateurs étant plutôt contents qu’on s’intéresse à eux.

D’autant qu’il y a peu de comparables dans ce domaine.

« On ne s’attarde pas aux gens dans ce milieu-là et je veux essayer de les comprendre. Personne ne fait de projet sur eux ni n’essaie de comprendre ce qu’ils vivent. »

— Emma Glorioso-Deraiche, doctorante en psychologie

Plus de 400 personnes ont accepté de remplir son questionnaire et 265 l’ont fait, jusqu’à présent. La plupart travaillent à Montréal, mais dans différents types de restaurant : bistro, établissement de type bistronomique, gastronomique, resto-bar ou restaurant familial. La chercheuse compte d’ailleurs dresser des portraits selon le type d’établissement afin de déterminer si des problématiques sont plus présentes dans certains milieux de travail. Idem pour les corps de métier (serveurs, chefs propriétaires, plongeurs, etc.), qui seront aussi étudiés individuellement et comparés. 

« Une étude américaine a démontré que les serveurs sortent beaucoup plus que les autres après leur travail, explique l’étudiante. Ils ont du pourboire plein les poches. Qu’est-ce qui est ouvert à 1 h du matin ? Les bars. Si tu veux avoir le minimum d’une vie sociale, tu vas boire. »

Alcool et drogue

Plus du tiers des participants de l’étude avouent que ce milieu de travail a provoqué une augmentation de leur consommation ou les a carrément incités à consommer de la drogue ou de l’alcool.

« Ça ne veut pas dire qu’il y en a partout, précise Emma Glorioso-Deraiche, ni que c’est universel, mais s’il y en a, il faut s’y attarder. »

En plus de la consommation, la chercheuse mesure les comportements à risque (harcèlement, de tous les types), l’intimidation, le stress, l’épuisement professionnel et les attitudes alimentaires. Ses résultats montrent jusqu’à présent que les gens sont plus souvent témoins d’intimidation qu’ils n’en vivent eux-mêmes, ce qui sera certainement sujet à interprétation. Pour le moment, deux fois plus de gens affirment voir des scènes d’intimidation au travail (14 %) plutôt qu’en être victimes (7 %). 

Emma Glorioso-Deraiche doit terminer son essai l’été prochain. Elle pourrait en venir à faire des recommandations, selon ses conclusions. « Je veux mettre la table : on a une population qu’on n’a jamais vraiment étudiée ici et je veux voir ce qui se passe là. Une fois que ce sera fait, on pourra faire des recherches plus approfondies. » 

« J’ai vraiment envie que les mœurs changent en restauration, poursuit-elle. S’il y a des problématiques, il faut faire des interventions au niveau des écoles, de la CNESST et de l’Association des restaurateurs. Il faut aussi un changement au sein de la culture même de la restauration, et ça passe par les gens qui sont là présentement et qui veulent changer leurs façons de faire. »

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