Rectificatif

Continuons le combat

Dans la chronique « Mythologie de la lutte et des méchants », publiée vendredi dernier, une citation tirée du livre Continuons le combat, de Pierre Falardeau, était attribuée à Yvan Simonis. Elle était plutôt de Mathieu Boucher. Toutes nos excuses.

Gabriel anctil

Regards sur La Havane

Avec Cuba libre !, Gabriel Anctil nous entraîne dans le cœur palpitant de La Havane, dévoilant les contours contrastés d’un pays à son point de bascule, dans une écriture libre et imagée où s’entremêlent politique, social et intime.

Cuba. Un pays paradoxal qui se nourrit avidement des fruits du tourisme, mais qui célèbre haut et fort son héritage communiste. Alors que Fidel Castro venait de mourir, l’auteur Gabriel Anctil s’est rendu en son épicentre, à La Havane, pour prendre le pouls de cette culture sur le vif.

« Je suis un passionné de politique et je n’étais jamais allé à Cuba. J’étais pressé d’y aller avant que les choses changent trop – car oui, ça change à une vitesse fulgurante. Fidel venait de mourir, Trump venait d’être élu, et ça m’intéressait d’y aller pour voir la fin du Cuba communiste, en quelque sorte », explique-t-il, rencontré au café Pastel Rita, dans le Mile End.

De ce séjour de deux semaines en 2017, il a tiré un roman qui propose en quelque sorte un instantané de ce moment charnière dans l’histoire du pays. Le lecteur y renoue avec Mathéo, le narrateur de son précédent roman, Les aventures érotiques d’un écorché vif, qui se rend à La Havane pour sortir de son quotidien et tenter d’aller à la rencontre de l’autre.

« J’ai essayé de plonger dans La Havane, raconte-t-il. Cuba est un pays que j’ai d’abord découvert par la littérature avec des auteurs comme Zoé Valdés ou encore Pedro Juan Gutiérrez et sa Trilogie sale de La Havane, un livre très dur, à l’écriture directe, qui m’a beaucoup impressionné. C’est un pays avec une culture très riche, mais qui est aussi extrêmement dur à comprendre, même pour les Cubains eux-mêmes. Je n’ai pas du tout la prétention d’avoir tout compris, mais j’ai senti que j’avais capté des trucs. »

« Il y a toute une génération de la révolution qui a beaucoup sacrifié pour des idéaux et qui en est fière, mais en même temps, le système craque de partout. »

— Gabriel Anctil

Mais si son précédent titre, qui se déroulait entre Montréal et Barcelone, abordait le sujet de la rupture amoureuse, on est dans un autre registre avec Cuba libre !, note celui qui est aussi journaliste à ses heures pour Le Devoir et qui signe également la série jeunesse Léo.

« On n’est plus dans la rupture du tout, même si le personnage est à la recherche de quelque chose. C’est d’ailleurs un personnage qui, je crois, devrait revenir dans le futur », révèle-t-il, traçant même un lien avec le personnage de son tout premier roman, Sur la 132, qui se nommait Théo.

Capter l’instant

Cuba est un pays rempli de contradictions à bien des égards, où il y a une fissure entre ce qui est exposé et ce qui grouille sous la surface des choses. Mais plutôt que de se poser en investigateur, Anctil prend plutôt à travers son alter ego fictif la position de l’observateur.

« Mon roman se déroule principalement dans le quartier du Centro à La Havane, et j’avais vraiment l’impression d’être dans l’épicentre de tous les changements mondiaux. J’avais juste à m’asseoir sur le coin de la rue, il y avait tellement de choses qui se passaient que je n’avais rien d’autre à faire que d’observer. J’étais comme une éponge », se souvient-il.

C’est cet environnement qui a d’ailleurs influencé la forme hybride du roman, où les vers libres côtoient une forme romanesque plus classique. « C’était une surprise pour moi, car je n’ai jamais écrit de poésie de façon sérieuse, mais c’est vraiment la forme qui s’est imposée sur place. J’ai voulu transposer sur mon calepin, avec le moins de mots possible, ce qui se passait autour de moi et créer ainsi des images, un peu comme une photo », détaille-t-il.

« Je quitte le boulevard avec ses touristes ses décapotables ses ridicules cocotaxis jaune et noir et son horizon de carte postale pour plonger dans les petites rues puantes et populaires où La Havane vit baise pleure et rêve dans une intensité inconnue des habitants du Nord. »

— Extrait de Cuba libre !

Le voyage et l’écriture, espaces de liberté

Cette forme brute, que l’auteur a ensuite retravaillée une fois de retour à Montréal, a servi de matière première pour le roman, avec lequel Anctil a tenté de recréer « l’esprit de voyage ». Il y relate ainsi de façon imagée les rencontres – amicales ou plus sensuelles – qui ponctuent le voyage de Mathéo, avec des Cubains ou d’autres touristes, le tout agrémenté d’observations sur le pays, ses charmes et ses écueils et enrobé de considérations sociales et politiques.

Véritable globe-trotteur – il a fait son premier voyage seul, sac au dos, à 16 ans –, Anctil trouve que le voyage ouvre une « zone de possibilité » qui appelle à l’écriture. « Tant le voyage que l’écriture sont des espaces de liberté », relève-t-il.

Cela dit, même si le récit est inspiré de son voyage, Cuba libre ! reste de la fiction, précise-t-il. « Si j’avais décrit mon voyage en tant que tel, ç’aurait été super plate ! Bien sûr, le personnage me ressemble, mais ce n’est pas tout à fait moi. Pour moi, c’est de la fiction, mais le fait de partir de trucs que j’ai vécus permet de donner une impression de réalité. »

Nul doute, Gabriel Anctil réussit au fil du récit à nous entraîner dans les rues animées de La Havane, à aller au-delà des images et des idées reçues pour faire surgir ses couleurs, sa vie et sa chaude sensualité. On n’a qu’une envie en fermant le livre : sauter dans un avion et aller faire la fête sur le Malecón !

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