Éditorial : Bombardier

Y a-t-il un pilote… à Ottawa ?

Bombardier suit une trajectoire ascendante depuis un an grâce au gouvernement du Québec, ce qui n’empêche pas l’entreprise d’être secouée en chemin par de fortes turbulences, comme on l’a vu hier avec ces milliers de nouvelles mises à pied.

Le contexte est difficile pour l’industrie du jet d’affaires, il l’est encore plus pour l’avionneur canadien, qui n’a d’autre choix, hélas, que de jeter du lest pour convaincre les investisseurs qu’il a la capacité d’atteindre une vitesse de croisière.

Un défi d’autant plus grand qu’il doit composer avec l’incertitude incompréhensible dans laquelle le maintient le fédéral. Celui-là même qui devrait pourtant l’aider à voler plus haut !

Soyons clairs. Avec son plan de redressement, Bombardier aurait procédé à cette deuxième ronde de licenciements en quelques mois, peu importe la décision d’Ottawa. Il n’y a donc pas de lien entre l’un et l’autre… sinon que les deux visent une même chose : permettre à l’entreprise de se fixer une destination au loin et d’y mettre le cap.

La récente entente financière avec Québec était nécessaire à court terme, pour assurer la survie de la C Series et, par le fait même, celle de Bombardier. Pari réussi, l’entreprise a pu décoller en vendant ces appareils à de gros joueurs comme Delta et Air Canada.

C’est bien, mais la phase de développement de la C Series tire à sa fin. Le CS100 est certifié et le CS300 vient de l’être. Quant à la famille d’avions Global, le modèle 7000 devrait voler d’ici la fin de l’année. L’entreprise doit donc s’assurer du succès de ses avions existants, mais elle doit aussi envisager la suite, développer les modèles d’avion de demain.

Bref, elle doit avoir les coudées franches pour innover. Et c’est là que l’aide du Canada peut faire toute la différence.

Comme l’a reconnu récemment le ministre Bill Morneau, le secteur de l’aéronautique est l’« un des segments les plus innovants de l’économie » canadienne. Mais c’est aussi celui qui est le plus dépendant de l’innovation, justement.

Or cela exige des investissements qui ne sont pas cruciaux pour la survie immédiate de l’entreprise, mais qui lui permettront d’être encore là demain. Il n’y a qu’à voir la générosité de l’aide gouvernementale accordée à Airbus et Boeing pour s’en convaincre. Ou les généreux investissements consentis par le Japon, la Chine et la Russie pour que Mitsubishi, Comac et Sukhoi entrent en force dans le marché de… Bombardier.

D’où l’urgence de mettre fin à l’attentisme fédéral au plus tôt, car l’incertitude et le message qu’elle envoie commencent à être aussi dommageables qu’une réponse négative.

Manifestement, il manque un porteur de ballon québécois au sein d’un cabinet plus proche de Bay Street que de Montréal, un « champion » de la cause qui ferait valoir la nécessité d’aider Bombardier, voire d’élaborer une stratégie nationale pour renforcer l’industrie aérospatiale.

On s’est habitués à voir le fédéral réagir prestement lorsque des secteurs clés de l’économie canadienne sont en jeu, comme l’automobile en Ontario, l’énergie à Terre-Neuve et le pétrole en Alberta. L’aéronautique en mérite au moins autant.

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