correspondance postale

Une « révolution sociale » autour de la lettre

La designer graphique australienne Michelle Mackintosh est l’une des vedettes de l’épistolaire sur Instagram. Elle a publié le livre Snail Mail : Rediscovering the Art and Craft of Handmade Correspondence et publiera en novembre un deuxième essai sur l’art de la lettre et du colis, Care Packages : Celebrating the Art and Craft of Thoughtfully Made Packages. La Presse l’a jointe à Sydney.

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à la lettre, d’abord comme correspondante, puis comme auteure ?

J’écrivais déjà énormément de lettres à l’école secondaire, principalement à des amis que j’avais rencontrés durant les vacances d’été. Je passais des heures à décorer les lettres, à choisir la bonne enveloppe, à trouver la couleur du papier et de l’encre appropriée pour chaque destinataire. Et c’est toujours le cas aujourd’hui. Je conserve des boîtes de messages qui me sont chers sous mon lit. Mon père est mort il y a 20 ans, et ma mère détient toujours les lettres d’amour qu’il lui a écrites quand ils se sont rencontrés. Comme auteure, j’ai donc voulu savoir si notre famille était unique en accordant une telle valeur aux correspondances manuscrites.

À quoi attribuez-vous le nouveau souffle de la correspondance ?

À la nostalgie, principalement. Le courriel, les messages textes et les réseaux sociaux n’apportent pas le réconfort de la lettre. De plus en plus de gens veulent être débranchés, loin de l’ordinateur et faire des choses de leurs mains. Ils regrettent l’époque où la culture épistolaire occupait une place important dans la société, aiment replonger dans de vieilles lettres de famille, relire des messages apaisants quand ils en sentent le besoin. Par ailleurs, la calligraphie revient à la mode. Des correspondants qui n’ont pas eu la chance de parfaire leurs traits étant jeunes suivent maintenant des cours pour écrire bellement. Sur Instagram, les exemples d’écritures magnifiques sont nombreux. Il faut aussi savoir que les fournitures de bricolage sont plus accessibles que jamais. Tous mes amis ont des troubles obsessionnels de la papeterie [rires]. On peut passer des heures à choisir les bons accessoires et à trouver une façon de les intégrer à l’art postal.

À l’ère des réseaux sociaux, écrire des lettres est-il en quelque sorte un acte de résistance ?

Bien sûr. C’est tout l’opposé des courriels précipités et désincarnés et des statuts vides que l’on voit sur les médias sociaux. Je crois qu’il y a une révolution sociale autour de la lettre.

Vous êtes aussi très active sur Instagram. N’est-ce pas un peu contradictoire ?

Je n’ai pas de comptes Facebook et Twitter, mais j’aime Instagram puisque c’est un média visuel, qui regroupe tellement de correspondants inspirants. Il y a presque 800 000 publications liées aux mots-clics #snailmail, #happymail et #carepackage. On y trouve autant des enfants que des septuagénaires. Ceux qui souhaitent s’initier à la correspondance peuvent jeter un œil à #penpalswanted. Il est facile ensuite de trouver des trucs et de rejoindre des discussions d’initiés sur des sujets aussi nerds et pointus que « Où acheter de vieux timbres des Beatles ? » ou « Comment utiliser une bougie pour créer un sceau de cire ? ».

Y a-t-il des endroits dans le monde où l’art épistolaire est particulièrement vivant ?

La plupart de mes correspondants vivent en Scandinavie, au Japon, en Australie, aux États-Unis et au Canada. J’ai aussi des destinataires incroyables en Amérique du Sud. L’art de la lettre prend de l’expansion en fonction de l’offre de matériaux de bricolage originaux. J’ai un correspondant de Queensland [Australie] âgé de 11 ans et un d’Argentine qui a 72 ans. Aujourd’hui, j’ai reçu un joli colis de trois sœurs âgées de 8 à 14 ans. La semaine dernière, un homme de 60 ans m’a écrit. La plus belle chose à propos de cette révolution, c’est qu’elle est multiculturelle et qu’elle n’a pas d’âge.

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