DOSSIER ÉDITORIAL TABLEAU BLANC INTERACTIF

Des projecteurs à 3000$

À la suite d’une décision gouvernementale, les écoles du Québec se sont tournées massivement vers les tableaux blancs interactifs. Le déploiement se continue aujourd’hui, mais le choix de cette technologie unique et coûteuse est controversé. Bilan.

Quel discours paradoxal que celui du ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, qui veut donner plus d’autonomie aux écoles, mais qui impose un modèle unique de technologies dans les classes, le tableau blanc interactif (TBI), qui est loin d’avoir fait ses preuves.

Lors d’une allocution prononcée la semaine dernière devant les directeurs d’école réunis en colloque, le ministre a réaffirmé sa volonté de voir toutes les classes dotées d’un TBI – qu’on appelle maintenant tableau numérique interactif (TNI) – d’ici deux ans.

Cette détermination étonne. Le programme a connu des ratés depuis qu’il a été lancé, sans préparation et sans consultation préalable, en 2011. Deux ans plus tard, l’ancien gouvernement péquiste a d’ailleurs assoupli la mesure pour permettre aux écoles d’opter pour la technologie de leur choix. Bien que cette politique soit toujours en vigueur, l’orientation donnée par le ministre penche clairement en faveur d’une solution unique : chaque classe du Québec devra avoir son tableau et les écoles compléteront ensuite avec d’autres technologies si elles le souhaitent.

Certes, le TBI présente des attraits. Il semble susciter l’intérêt des élèves et accroître leur motivation. Mais même s’il est présent dans 70 % des classes (selon une recension en cours), on peut se questionner sur l’usage qui en est fait : les professeurs utilisent peu son interactivité et la plupart des cours sont encore donnés de façon magistrale.

Il faut dire qu’apprivoiser la technologie et développer des activités à l’aide des logiciels nécessitent du temps. La clé réside dans la formation, mais les budgets alloués ne sont pas suffisants. Et quand le tableau brise, il peut s’écouler des semaines avant qu’il ne soit réparé.

Il est évident que l’école d’aujourd’hui doit former les élèves à la pensée numérique. Mais dans un contexte où les technologies évoluent rapidement, pourquoi imposer une formule unique qui commence à dater ? 

Certains collèges privés, qui avaient acquis des TBI avant que le gouvernement ne lance le programme, s’en départissent aujourd’hui.

L’outil s’avère intéressant pour certaines matières comme les mathématiques et les sciences, mais d’autres formules sont également attrayantes. D’autres projets pédagogiques font aussi leurs preuves. Certaines écoles choisissent d’impliquer les élèves en leur mettant dans les mains des tablettes ou des portables. D’autres optent pour la « ludification », une forme d’apprentissage basée sur le jeu.

Imposer une méthode unique en éducation suscite rarement l’adhésion. Sachant à quel point la technologie coûte cher et est rapidement désuète, il vaut mieux laisser le choix aux écoles. Certaines vont se tourner vers d’autres technologies qui seront peut-être encore meilleures, d’autres vont continuer d’opter pour le TBI. Celles-là le feront parce qu’elles y croient et mettront tout en œuvre pour l’utiliser de façon optimale. Ainsi, le TBI ne servira pas seulement de projecteur, comme c’est trop souvent le cas actuellement. À 3000 $ l’unité, c’est cher payé.

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