Macron tentera de calmer le jeu

Le président français fera une intervention publique attendue ce soir

Le président Emmanuel Macron va s’adresser aux Français, ce soir, dans une intervention très attendue pour sortir de la crise des gilets jaunes, dont la mobilisation toujours forte a donné lieu à de nouvelles violences et suscite des inquiétudes pour l’économie du pays.

Le chef de l’État s’adressera aux Français aujourd’hui à 20 h (heure locale), a annoncé hier la présidence, sa première intervention publique depuis le 1er décembre.

Il va présenter « des mesures concrètes et immédiates », selon la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui a cependant écarté tout « coup de pouce » supplémentaire au salaire minimum, le SMIC, une des revendications fréquentes de gilets jaunes.

Dans la matinée, Emmanuel Macron recevra syndicats et organisations patronales, aux côtés des présidents d’associations d’élus, du Sénat et de l’Assemblée nationale.

« Le temps du dialogue est là » et « il faut désormais retisser l’unité nationale », avait déclaré dès samedi soir le premier ministre Édouard Philippe.

2000 interpellations

Une semaine après les images sidérantes d’émeutes en plein Paris, et en dépit des nombreuses mises en garde des autorités, les manifestants de ce mouvement populaire inédit ont encore une fois défilé samedi dans la capitale française et plusieurs villes de province, éprouvées pour certaines par des débordements et des dégradations importantes.

Sur le plan national, la mobilisation de ces Français modestes, née sur les réseaux sociaux et qui se traduit par des manifestations, barrages filtrants et sit-in, entre dans sa quatrième semaine et ne faiblit pas. Elle a réuni 136 000 manifestants samedi, selon la police.

Ronds-points occupés, opérations de filtrage et péage gratuit, base logistique bloquée : les gilets jaunes, moins présents en nombre, ont maintenu hier des barrages, notamment dans l’ouest et le sud-est du pays.

Pour tenter d’éviter les scènes de guérilla urbaine du 1er décembre en plein cœur de la capitale, les forces de l’ordre ont procédé la veille à un nombre record de près de 2000 interpellations sur l’ensemble du territoire français, dont une majorité à Paris, selon le ministère de l’Intérieur.

Avocats critiques

Ce nombre d’interpellations était vivement critiqué hier par des avocats dénonçant leur caractère parfois préventif, avant toute infraction.

« On a interpellé des gens qui voulaient simplement aller manifester. […] Lorsqu’on interpelle des gens qui n’ont rien fait, simplement parce que l’on considère qu’ils ont des intentions dangereuses, on change de régime, on change de paradigme », a estimé sur Franceinfo Me Arié Alimi, avocat à Paris et membre de la Ligue des droits de l’homme.

Chez les forces de l’ordre, on faisait valoir que des boules de pétanque, des armes blanches ou des bâtons ont pu être saisis en amont lors de contrôles en gare, dans la rue ou aux péages des autoroutes menant à Paris.

Dans la capitale, barricadée de manière exceptionnelle dans plusieurs quartiers stratégiques, les violences ont été sans commune mesure avec les scènes du samedi précédent, mais elles sont malgré tout graves : voitures brûlées, vitrines brisées, heurts entre manifestants et forces de l’ordre, tirs de gaz lacrymogène en particulier sur la célèbre avenue des Champs-Élysées.

Ces rassemblements ont fait « beaucoup plus de dégâts » matériels à Paris que ceux du 1er décembre, a ainsi relevé hier Emmanuel Grégoire, premier adjoint de la maire de Paris.

Et en province, notamment à Bordeaux et Toulouse (sud-ouest), Saint-Étienne (est), Marseille (sud-est), Nantes (ouest), heurts et dégradations ont été importants. Dans plusieurs villes, des voitures et du mobilier urbain ont été incendiés, des vitrines, saccagées et des magasins, attaqués ou pillés.

« C’est une catastrophe pour le commerce, c’est une catastrophe pour notre économie », a déploré hier le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.

M. Le Maire a évoqué une baisse générale de l’activité, qui va d’au moins 15 % pour la grande distribution jusqu’à 40 % pour les petits commerces.

Le manque à gagner pour les commerçants sera « supérieur à 1 milliard d’euros », a estimé hier sur Franceinfo Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD).

Du côté du tourisme, les réservations de fin d’année dans les chaînes d’hôtels ont reculé d’au moins 10 %, selon le Groupement national des chaînes hôtelières.

L’utilisation de la crise à l’étranger agace Paris

De Donald Trump à Recep Tayyip Erdogan en passant par un emballement sur les réseaux sociaux… la crise des gilets jaunes intéresse beaucoup à l’étranger, voire un peu trop au goût des autorités, le gouvernement parlant même d’« ingérence ». « Je dis à Donald Trump, et [Emmanuel Macron] le lui a dit aussi : “Nous ne prenons pas parti dans les débats américains, laissez-nous vivre notre vie de nation” », a demandé hier le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Le président américain semble avoir pris un malin plaisir à souffler sur les braises des émeutes en France, tweetant que samedi était « un jour et une nuit très tristes à Paris ». « Le désordre règne dans les rues de nombreux pays européens, à commencer par Paris. Les télévisions, les journaux regorgent d’images de voitures qui brûlent, de commerces pillés, de la riposte des plus violentes de la police contre les manifestants », a raillé le président turc Recep Tayyip Erdogan, régulièrement accusé en France d’atteintes aux libertés.

— Agence France-Presse

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