Mon clin d'œil

« Comment ça se fait que Montréal n’est pas encore déneigé ? »

— DENIS CODERRE

Hydrocarbures

Le gouvernement Couillard fait fausse route

Le 16 novembre dernier, un front commun inédit d’organisations de la société civile représentant plus de 1,5 million de personnes (infirmières, personnel enseignant, agriculteurs, retraités, employés de la fonction publique, travailleurs, écologistes et citoyens de toutes les régions du Québec) demandait d’une seule voix au gouvernement du Québec de retirer intégralement les projets de règlement sur les hydrocarbures qu’il a l’intention d’adopter d’ici quelques semaines.

Alors que l’impératif climatique, les connaissances scientifiques et les questions légitimes relatives à l’acceptabilité sociale imposent une réalité nouvelle, le gouvernement du Québec joue sa crédibilité en matière de lutte aux changements climatiques en encourageant le développement de l’industrie pétrolière et gazière sur son territoire.

Rappelons que la Loi sur les hydrocarbures a été adoptée sous le bâillon il y a près d’un an, en dépit d’une opposition quasi unanime de la société civile, des partis de l’opposition, des Premières Nations, du secteur agricole et du monde municipal. En septembre dernier, le gouvernement Couillard a déposé des projets de règlement qui, s’ils sont adoptés, permettront des activités d’exploration et d’extraction pétrolière et gazière dans les lacs et les rivières, les terres agricoles et forestières, les réserves fauniques, les territoires non organisés de la Gaspésie, les milieux humides, de même qu’à proximité d’écoles et de milieux habités, pour ne nommer que ceux-là. Ils permettront aussi les procédés de stimulation des puits, dont la fracturation hydraulique, à laquelle une majorité de Québécois sont opposés.

En adoptant sa nouvelle réglementation, le gouvernement Couillard a choisi délibérément de faire la sourde oreille à la société civile pour maintenir en place des pans entiers d’un régime archaïque d’accès au territoire, gardant ainsi le Québec ouvert aux entreprises gazières et pétrolières. 

Les projets de règlement, jugés trop laxistes et antidémocratiques, sont massivement rejetés par la population, le monde agricole et municipal, les organisations syndicales, les communautés autochtones et les défenseurs du climat. Dans un contexte de transition énergétique qui s’accélère et rendra bientôt cette industrie désuète, le choix de mettre notre territoire et notre eau à risque est inexplicable. 

À l’heure où plus de 15 000 scientifiques lancent un cri d’alarme concernant la dégradation rapide de nos écosystèmes et appellent à faire l’impossible pour lutter contre les changements climatiques et l’effondrement écologique, le gouvernement fait fausse route en encourageant le développement d’une industrie qui laissera aux générations futures une dette écologique sous forme de contamination et de catastrophe climatique.

Double discours

Les déclarations du nouveau ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau, depuis son entrée en fonction ne sont pas de nature à rassurer. Le ministre s’emploie à défendre ses projets de règlement en assurant à la population que bien que la réglementation le prévoie, le gouvernement ne permettra pas de forages dans les cours d’eau, de fracturation hydraulique, ou d’exploration pétrolière dans la vallée du Saint-Laurent. Ce double discours nourrit la méfiance de la population et suscite l’inquiétude dans la vallée du Saint-Laurent, dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, où la paix sociale et l’agriculture sont menacées. Si le ministre n’a pas l’intention d’appliquer ses règlements, il doit les retirer.

Face au mécontentement et à l’inquiétude que les projets de règlement ont suscités dans la population, et devant les responsabilités que nous avons envers le climat et les générations de Québécois à venir, nous estimons que le gouvernement doit faire table rase des projets de règlement et redoubler son engagement envers une transition énergétique juste, équitable et créatrice d’emplois durables pour toutes les régions du Québec. Le retrait de ces projets controversés constituerait un recul honorable, qui démontrerait une préoccupation réelle envers la paix sociale, le climat, et envers un avenir viable pour nos enfants.

* Signataires : Serge Cadieux, secrétaire général, Fédération des travailleurs du Québec ; Christian Daigle, président général du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec ; Pierre Lemieux, premier vice-président de l’Union des producteurs agricoles ; Mario Beauchemin, vice-président de la Centrale des syndicats du Québec ; Lise Lapointe, présidente de l’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec-CSQ ; Nancy Bédard, vice-présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, responsable des dossiers sociopolitiques ; Pierre Patry, trésorier de la Confédération des syndicats nationaux et responsable politique des questions environnementales et du développement durable ; Alain Marois,  vice-président à la vie politique, Fédération autonome de l’enseignement ; Steven Guilbeault, directeur principal d’Équiterre ; Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace ; Christian Simard, directeur général de Nature Québec ; Philippe Dumont, président, Boréalisation ; Alice-Anne Simard, directrice générale, Coalition Eau Secours ! ; Carole Dupuis, Regroupement vigilance hydrocarbures Québec

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