COMMMERCE DE DÉTAIL SEARS À LA CROISÉE DES CHEMINS

D’autres changements s’imposent

Vente de magasins, abolition de postes (au moins 2200 ces dernières années), départ du président, baisse des ventes de 9,7 % au dernier trimestre annoncé en mai (4,3 % pour les magasins comparables)… 

Les mois se suivent et se ressemblent chez Sears. Le détaillant tarde à se relever. « Ça va être très difficile de changer la trajectoire du vaisseau, estime Marie-Claude Frigon, associée et spécialiste en vente au détail de Richter. Mais ça commence à urger. Sears doit changer. Mais il y a déjà eu beaucoup de changements. »

« Le roulement des présidents prouve que le défi est grand, ajoute JoAnne Labrecque, professeure agrégée de marketing à HEC Montréal. Le contexte commercial ne donne aucune chance. »

« Chaque détaillant doit être stratégique pour tirer son épingle du jeu. Mais, au Canada, on est en faible croissance. On est dans un marché à maturité. »

— JoAnne Labrecque, professeure agrégée de marketing à HEC Montréal

Sears a pourtant rénové des magasins, investi en numérique, réorganisé certains rayons en laissant tomber des gammes de produits moins populaires, et revu des prix à la baisse et amélioré son service en magasin. 

« Un redressement se passe, note JoAnne Labrecque. On fait des choses pour optimiser les opérations. Mais la concurrence est forte. Sears n’a pas travaillé sur son positionnement ces 15 dernières années. La consommation de masse s’est complexifiée. De grands joueurs américains sont arrivés et des détaillants locaux ont clarifié leur situation. Comme La Baie, qui avait une image désuète, mais qui a orienté sa stratégie pour se positionner comme un magasin de qualité. »

« Sears a fait des efforts, ajoute David Soberman, professeur de marketing à la Rothman School of Management de l’Université de Toronto. Mais est-ce que c’est assez ? Et dans suffisamment de magasins ? Aux États-Unis, Sears souffre aussi, comme des Kmart et JCPenney, mais c’est plus grave au Canada. L’entreprise doit trouver une stratégie ou une niche de réussite. Dans les marchés secondaires, Sears a de la force. Mais dans les grandes villes, c’est plus difficile. Surtout pour les magasins qui visent la classe moyenne. Beaucoup parmi celle-ci font leurs achats sur Amazon. »

UNE VALEUR IMMOBILIÈRE INESTIMABLE

La vente de plusieurs baux a donné des liquidités à Sears pour mettre en œuvre un plan de redressement. En 2013, Cadillac Fairview a, par exemple, payé 400 millions pour cinq magasins, dont celui du Centre Eaton de Toronto. « Financièrement, Sears a les ressources pour se redresser, dit JoAnne Labrecque. Elle a des actifs immobiliers. » 

L’analyste Perry Caicco, de la CIBC, le confirmait l’an dernier : « Sears a une valeur immobilière inestimable, tant sur le plan de ce qu’elle possède que de ses baux avantageux. »

« Mais depuis 10 ans, il n’y a qu’une stratégie de retirer de l’argent en vendant des terrains et des baux, mentionne David Soberman. Pas de vision à long terme. Ça accroît les défis des présidents, qui ont une position très frustrante. Alors que la marque a une histoire. »

L’entreprise doit se demander comment dépenser cet argent dans une perspective durable et dans un positionnement significatif et clair. « Un positionnement ne se change pas en six mois, soutient toutefois JoAnne Labrecque. Malgré ce que dégagent ses magasins, Sears ne rime pas avec escompte. Ce n’est pas Zellers. Sears a eu du succès auprès des familles dans les années 90. Par la suite, on a peu rénové, on a misé sur les acquis trop longtemps. »

« Le commerce électronique de Sears fonctionne assez bien, constate néanmoins David Soberman. Par contre, il faut des gens qui vont au magasin. Mais c’est une question d’investissement, afin de rendre les magasins attirants et de rendre l’expérience d’achat agréable. Or, l’aménagement chez Sears laisse à désirer. On s’y sent comme dans un labyrinthe ! »

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