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Saint-Laurent : des polluants jamais recensés en eau douce

Des milliers de petites billes de plastique gisent dans le fleuve Saint-Laurent, parfois dans une concentration « largement supérieure » à celle des sédiments marins qu’on retrouve dans les secteurs les plus contaminés du monde, révèle une étude québécoise publiée dans le Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques.

Ces microbilles de polyéthylène, d’un diamètre de moins de 2 mm, proviennent vraisemblablement de cosmétiques et de produits de nettoyage, auxquels elles sont souvent ajoutées comme abrasif. C’est la première fois qu’on répertorie de tels polluants dans des sédiments d’eau douce, notent les chercheurs de l’Université McGill et du ministère de l’Environnement qui ont mené l’étude.

Une benne en acier installée sur un bateau a permis aux scientifiques de recueillir des sédiments sur les 320 km du fleuve qui séparent le lac Saint-François de la ville de Québec.

À certains endroits, les chercheurs ont trouvé plus d’un millier de microbilles par litre de sédiments. C’est cette proportion qui dépasse « largement » celle recensée dans les secteurs les plus contaminés du monde. 

« Pratiquement chaque échantillon prélevé par la benne contenait des microbilles. De la taille d’un grain de sable, ces parfaites petites billes multicolores ressortaient nettement des sédiments naturels. »

— Rowshyra Castañeda, auteur principal de l'étude

En raison de leur petite taille et de leur flottabilité, les microbilles échappent au traitement des eaux usées fait par les usines de filtration. Or si la présence des contaminants plastiques dans les océans du monde est connue, leur découverte dans les eaux de surface des lacs et des fleuves est quant à elle récente.

« Nous avons été surpris de trouver des concentrations aussi élevées sur le lit d’un fleuve, a affirmé le professeur de McGill Anthony Ricciardi, qui a supervisé l’étude. On supposait jusque-là que les voies fluviales transportaient les microplastiques flottants vers la mer. Nous avons maintenant la preuve que les fleuves deviennent des puits de ce type de polluants. »

DES EFFETS ENCORE MÉCONNUS

La prévalence des microplastiques dans le fleuve Saint-Laurent évoque la possibilité que les poissons et d’autres animaux les ingèrent. Bien que les effets des microbilles soient encore méconnus, il a déjà été relevé qu’elles attirent des polluants chimiques qui se déposent dans l’organisme des animaux une fois les plastiques ingérés.

Les microplastiques sont considérés comme une « menace naissante » pour les voies navigables, rappellent les chercheurs. Certains États américains, notamment l’Illinois, New York, le Minnesota, l’Ohio et la Californie, ont récemment adopté une loi qui interdit l’usage de microbilles en plastique dans les cosmétiques, ou sont en voie de le faire. Aucune législation en la matière n’a été proposée au Canada.

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