Une Kardashian devant le Congrès américain

Plaidoyer pour des cosmétiques plus sûrs

Kourtney Kardashian, vedette de téléréalité et aînée des filles du clan Kardashian, s’est adressée mardi dernier au Congrès américain à l’invitation de l’Environmental Working Group (EWG). La star de 39 ans a plaidé en faveur d’un encadrement plus sévère des produits de soins et de maquillage aux États-Unis. La Presse en profite pour faire le point sur les lois entourant les cosmétiques.

En prenant la parole devant le Congrès américain, Kourtney Kardashian ajoute sa voix à celles des partisans du Personal Care Products Safety Act, qui vise une réforme de la législation sur les cosmétiques aux États-Unis, et vient ainsi attirer l’attention du grand public sur le mouvement #beautymadebetter. La loi américaine actuelle sur les cosmétiques remonte à 1938, soit il y a 80 ans.

Le fait de devenir mère est ce qui aurait incité Kourtney Kardashian à être plus vigilante quant aux produits qu’elle consomme, ce qui inclut les cosmétiques, rapporte le site du magazine People. Par le passé, la star s’est déjà positionnée contre les OGM et en faveur des produits biologiques.

Les femmes utilisent en moyenne 12 types de soins corporels chaque jour, selon l’EWG, et s’exposent ainsi à 168 ingrédients chimiques. Les hommes s’exposent à la moitié moins d’ingrédients chimiques à travers la demi-douzaine de produits qu’ils utilisent quotidiennement.

C’est dans ce contexte que les sénatrices Susan Collins et Diane Feinstein ont déposé, en 2015, le Personal Care Products Safety Act, projet de réforme de la loi sur les cosmétiques qui permettrait à la Food & Drug Administration (FDA) de s’assurer de l’innocuité des différents ingrédients qui entrent dans la composition des parfums, du maquillage, des lotions, des pâtes dentifrices, des savons pour le corps, des shampoings et des déodorants.

Pour un encadrement plus rigoureux

L’année dernière, la FDA a informé le Congrès qu’elle trouve régulièrement des contaminants et des ingrédients illégaux dans des produits de soins importés.

« Les lois actuelles empêchent le gouvernement d’intervenir pour s’assurer que les produits de soins personnels ne contiennent pas d’ingrédients soupçonnés d’être cancérigènes, de provoquer des allergies sévères ou de nuire au système reproducteur des femmes et des hommes », déplore le site de l’EWG.

Les acteurs de la réforme sur la législation des produits de beauté demandent que cinq ingrédients présents dans les cosmétiques soient évalués chaque année par la FDA avec la même rigueur que ce qui se fait pour les pesticides, afin de déterminer s’ils peuvent être utilisés avec un risque raisonnable pour la santé.

À l’heure actuelle, des substances toxiques associées à des problèmes de santé sévères sont présentes dans les cosmétiques, selon l’EWG, qui pointe entre autres le goudron de houille qu’on retrouve dans les teintures capillaires.

La nouvelle loi forcerait également les fabricants à s’enregistrer auprès de la FDA, à soumettre la liste des ingrédients utilisés dans leurs produits et à les afficher sur leurs emballages. L’agence américaine aurait par ailleurs les coudées franches pour retirer du marché les produits jugés potentiellement dangereux.

Selon le plan élaboré dans le cadre de ce nouveau projet de loi, les sociétés de cosmétiques fourniraient les 20,6 millions nécessaires chaque année pour assurer le fonctionnement de ces opérations.

De ce côté-ci de la frontière

Le règlement canadien sur les cosmétiques est plus sévère que celui des États-Unis. Santé Canada revoit régulièrement l’innocuité des ingrédients présents dans les cosmétiques et interdit ou restreint l’utilisation de certains ingrédients qui présentent un risque pour la santé. Le Règlement sur les cosmétiques exige par ailleurs des sociétés qu’elles fournissent la liste de leurs ingrédients et qu’ils figurent sur l’étiquette.

Qu’on ait accès à la liste des ingrédients est une bonne chose, mais ce n’est pas suffisant, selon la sociologue Louise Vandelac, directrice de l’Institut des sciences de l’environnement à l’UQAM. 

« Nos dispositifs d’évaluation et d’encadrement sont beaucoup plus laxistes qu’en Europe. Il reste un travail important à faire. »

— Louise Vandelac, directrice de l’Institut des sciences de l’environnement à l’UQAM

Dans le doute, l’Union européenne interdit l’utilisation de substances associées au cancer et à des déformations à la naissance, alors qu’au Canada, ces ingrédients sont encore tolérés dans un certain dosage.

Dans son dernier numéro, le magazine Protégez-vous publie les résultats d’un test de crèmes hydratantes pour le visage, dans lequel seulement 7 % des 387 produits évalués se sont avérés exempts de produits potentiellement dangereux pour la santé.

La réglementation canadienne entourant les cosmétiques reste assez simple si on la compare à celle qui encadre les médicaments ou même les aliments, selon Réjean Lemay, le pharmacien et chargé de cours en soins pharmaceutiques et en dermatologie à l’Université de Montréal. « On a accès à la liste des ingrédients qui composent un produit, mais pas à leur concentration, si ce n’est que les ingrédients sont présentés en ordre d’importance sur l’emballage », souligne-t-il. Par ailleurs, les inspections se font seulement s’il y a des plaintes.

La stabilité bactériologique ou chimique des produits vendus n’est pas toujours garantie, précise encore le pharmacien. 

« Vous avez un peu de tout et n’importe quoi dans les cosmétiques. Plusieurs produits peuvent être irritants et provoquer des réactions sur des peaux plus sensibles. »

— Réjean Lemay, pharmacien et chargé de cours en soins pharmaceutiques et en dermatologie à l’Université de Montréal

La peau offre une certaine barrière de protection, mais elle est néanmoins une passoire. « Il y a une certaine absorption, surtout s’il y a une lésion cutanée. C’est une porte d’entrée pour différentes substances dans l’ensemble du corps. »

La solution, selon lui, serait de faire un « copier-coller » de ce qui se fait en Europe, ce qui impliquerait de faire plus de contrôles de qualité pour s’assurer de l’innocuité des cosmétiques vendus au pays. « Quand vous avez un produit sur lequel ne figurent ni les ingrédients ni la date de péremption, je me pose des questions », affirme Réjean Lemay.

« Dans le doute, demandez conseil à un professionnel de la santé, avise-t-il. Faites vos recherches et vérifiez les rappels de produits et les ingrédients soupçonnés d’être dangereux sur le site de Santé Canada. »

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